Méditer sur le non-soi

ted

Mon expérience, c'est que quand on dit "mon corps ne m'appartient pas", alors, il y a un risque de négliger le corps, de se désintéresser de lui.

Je crois que cette formule est l'antidote correct pour les personnes qui sont vraiment très attachées à leur corps. Qui se regardent sans cesse dans la glace, qui ont peur des maladies etc...

Mais dans le même temps, le Bouddha recommande de prendre soin de ce précieux corps humain, de le nourrir, de l'entretenir, de ne pas consommer d'intoxicants.

Je crois que si les gens vont trop loin dans cette idée de non-attachement au corps, il y a un risque de basculer dans l'ascétisme et dans l'indifférence.

C'est vrai qu'en méditant, on s'aperçoit qu'on ne contrôle pas grand-chose et que le corps vit sa vie.

Mais c'est vrai aussi que nous avons un contrôle indirect sur notre corps et nos processus physiologiques par notre alimentation, notre façon de respirer, de déféquer, notre orientation sexuelle, nos pensées positives ou négatives.

A mon avis, le non-soi est une perception métaphysique dont il faut s'imprégner pour ne pas s'attacher au corps et, plus généralement, à l'agrégat forme, mais ça ne dispense pas de prendre soin de son corps, de connaître les schémas de circulation des énergies et fluides corporels, de connaître nos limites physiologiques, en fonction de notre âge, de notre état de santé etc... de nous soigner, de nous entretenir, de nous couper les ongles... :) bref... Et donc de mettre le bijou dans le coffre-fort (pour ceux qui ont lu le texte du sujet en entier :) )

Simplement, à mon avis, faut toujours avoir un plan B au cas où tout ça s'arrêterait brutalement ou se dérèglerait. Pas d'attachement à telle ou telle manifestation de la forme, aussi séduisante ou efficiente soit-elle. Pas d'attachement au bijou qui disparaît.
Compagnon

Toujours la vois moyenne, détachement mais sans mépris, ni hédonisme ni ascétisme.

Si on cultive le non-soi du corps, le corps cesse de devenir un objet d'attachement égoïste, de "soif", de désir de le conserver coûte que coûte, on comprend petit à petit qu'il n'a jamais été qu'un véhicule temporaire dont il faudra inévitablement se débarrasser un jour. Ce n'est notre ferrari à nous que l'on lave chaque week end et que l'on poli au soleil pour épater les minettes du coin et rendre jaloux les autres hommes, c'est juste un "véhicule" d'emprunt dont il nous faut prendre soin simplement parce que c'est dans notre interêt, un voyageur doit prendre soin de son cheval si il veut avancer loin. C'est du bon sens sans être de l'attachement. On prend soin de "son" corps mais mon n'en tombe pas amoureux au point de ne pas supporter l'idée qu'il se détériore et qu'un jour on devrai l'abandonner.

Mais en effet, le Bouddha maîtrisait tout un tas de techniques yogiques qui lui donnaient une maîtrise de son corps bien plus importante que nous. Certains affirment même que quand on se rapproche de l'Eveil, ou quand on l'a atteint on acquière des "capacités' extraordinaires en rapport avec le corps notamment, comme l'ubiquité, le phasage à travers les objets ou la téléportation... etc. Simple effet secondaire sans plus.

J'avais lu que l'intoxication alimentaire qui à la fin tua le Bouddha, non seulement il l'avait vu venir des mois à l'avance puisqu'il avait prévenu ses disciples qu'il les quitterait bientôt mais qu'en plus malgré son âge si il l'avait voulu ses techniques yogiques lui aurait permis d'y survivre sans problème si il l'avait vraiment voulu. Mais simplement c'était le moment de partir c'est tout.

Je me dis parfois que la force de nos certitudes sur ce que nous pensons pouvoir faire ou ne pas faire avec notre corps nous bloque l'accès à certains capacités que l'on pourrait qualifier de "surnaturelles". Regardez la puissance de l'esprit dans les effets psychosomatiques ou ce qu'un forte discipline mentale et physique permet de faire chez les moines Shaolin par exemple.
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axiste
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C'est difficile quand les personnes sont totalement identifiées à leur corps… voici une petite histoire qui peut faire réfléchir:

Imaginez…vous êtes devant une porte parce que vous avez rendez-vous avec une vieille dame.
Vous sonnez et la dame vous répond : je ne peux pas vous ouvrir, je suis tombée.

Vous tentez quelques mots réconfortants et vous faites le nécessaire pour les secours.
Ils arrivent, ouvrent la porte, la dame est très agitée, c'est une dame qui ne supporte pas de vieillir et ce qui lui arrive est un petit enfer.

Les secours s'énervent un peu, parce que la dame fait le diagnostic et ne répond pas aux questions. Elle demande l'hôpital, c'est la fin, elle va mourir dit-elle et elle s'en fiche parce que son monde est par terre: une potiche git sur le sol, des éclats de verre, les vernis à ongles, ses jambes sont foutues, bref, le secours a du mal à évaluer la situation et cela l'énerve parce qu'il est mal garé. A chacun ses préoccupations, la vie est humaine.

Vous êtes placide devant le chaos, tentez de ramasser quelques débris de verre et quelques débris de mots. Vos gestes sont lents, doux, mesurés, comme si vous marchiez sur des oeufs. Vos mots aussi.
Finalement, le secours ausculte la dame, voit qu'elle n'a rien de cassé, la rassoit sur un fauteuil.
Puis elle l'emmène au toilette: la dame marche parfaitement.

Le secours s'en va, vous restez avec la dame qui s'est rassise sur son fauteuil, puis sa fille arrive. Et là, la dame lui explique qu'elle veut mourir, qu'elle ne supporte plus sa déchéance corporelle. La fille a 50 ans et on lui en donne 30, un peu comme sa maman de 96 ans très maquillée, qui cache ses cheveux blancs derrière un bonnet très serré d'où aucune mèche n'échappe.

Vous êtes en face de deux personnes identifiés totalement à leur corps. La fille, cependant, est consciente de cette identification: depuis peu elle voit une psy et ses perceptions changent…

Pourquoi êtes vous dans cette pièce à ce moment là, vous précisément et comment leur parlez-vous ?

Sachant que la mère est enferrée dans son discours au sujet de son corps-donc elle- et que la fille essaie admirablement de trouver un échappatoire à la souffrance de sa mère, et elle vous glisse dans l'oreille: ma mère est atypique, elle ne pourra jamais aller en maison de retraite, elle ne supporte pas de vieillir et m'appelle régulièrement parce qu'elle est en train de mourir. J'ai voulu l'amener à la maison mais elle ne supporte pas d'être ailleurs que chez elle et ne s'entend pas avec mon mari. Vous êtes déjà au courant de tout ça, vous connaissez bien la vieille dame, et maintenant vous avez plusieurs regards.

Vous laissez un peu faire les mots des autres par respect, mais on vous sollicite, vous êtes partie prenante, vous ne pouvez échapper aux mots que l'on vous demande.

Que souhaitez-vous leur dire ? Quels mots auriez-vous ?

La vie prend le relai quand les regards s'attardent, et le silence est aussi une parole.

Finalement, peut-être, la fille va trouver une perspective géniale: vous voilà tous les trois devant une coupe d-'eau à bulles que vous partagez tous les trois. L'eau, c'est la vie, la mère reprend peu à peu ses esprits en buvant, et là, il est l'heure pour vous de partir, et c'est ce que vous faites. De toutes les façons, un autre rendez-vous vous appelle…

Vous savez que dans huit jours vous reviendrez, vous oubliez huit jours parce qu'en arrière plan toute la vie se tissera inconsciemment, ou alors vous y pensez de temps en temps ?

Pour ma part, je fais les deux, sachant que le plus gros dénouement se fera en arrière plan, mais j'y pense quand même et les perceptions changent….

On peut classer l'histoire et mettre un point dessus. Pourtant, entre les évènements, il y a des gouffres de compréhension qui ne demandent qu'à surgir, des ombres et des fantômes qui retrouvent une lumière. Souvent pour le bien de tous.

Une pensée pour cette famille qui je l'espère pourra trouver l'apaisement. love3
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
Compagnon

Nous avons peur de la déchéance, de la mort "future", de la "vieillesse". Mais des l'instant nous naissons, nous commençons déjà à vieillir et à mourir, doucement d'abord et de plus en plus vite. Mes milliers de cellules naissent et meurent à chaque seconde dans notre corps. La mort est déjà en nous a peine nées. La mort et la vie vont ensemble. Mais nous refusons de voir la mort en nous dés le départ, résultat nous pensons qu'elle surgit un jour par surprise, comme en traître, malhonnête, malveillante, injuste, mais elle a toujours été là, depuis le début, dans le temps, dans l'écoulement du temps. Et elle n'est pas définitive puisque rien de ce qui nous compose ne s'annihile dans la mort, la mort n'est pas la fin absolue, par annihilation, elle est la fin de notre petit monde, un changement vers un autre monde, une autre vie. Rien ne se perd (le karma), rien ne se crée (des temps sans commencement) tout se transforme (la mort comme fin définitive n'existe pas, c'est une illusion). Ce cher Lavoisier existe toujours mais sous une foule d'autres formes.
La Mort imaginée selon Terry Pratchett est un personnage plutôt sympathique et pas malveillant pour deux sous. Si vous voulez faire de la faucheuse occidentale un personnage sympathique dans votre esprit, lisez tout ce que Pratchett à écrit sur elle dans le Disque Monde.
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axiste
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La Mort imaginée selon Terry Pratchett est un personnage plutôt sympathique et pas malveillant pour deux sous. Si vous voulez faire de la faucheuse occidentale un personnage sympathique dans votre esprit, lisez tout ce que Pratchett à écrit sur elle dans le Disque Monde.

Merci pour les références Compagnon, un sacré univers et des idées pour des cadeaux à venir pourquoi pas...à explorer. /I\

Les réflexions sur la peur ou la mort ne semblent cependant pas d'une grande aide dans certaines circonstances où seule la présence semble encore offrir une porte à un univers perçu comme absurde et injuste. Il ne s'agit pas de convaincre alors ou de dénouer.
C'est encore autre chose ...
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
Compagnon

L'univers de Pratchett est vraiment une merveille, il s'enrichi au fur et à mesure et l'auteur derrière son univers parodique tien de nombreuses réflexions sur la psychologie des gens en général, c'est loin d'être uniquement un récit de fantasy. Sans compter que les personnages sont attachants, surtout je trouve Sam Vimaire. Dans le roman "Jeu de nains" il y a une merveilleuse ode à la paternité. Qui n'a d'ailleurs jamais lu ce chez d'oeuvre qu'est "Ou est ma vache !".

Feu Terry Pratchett (il nous a quitté il y a peu) est je trouve un des plus grand romancier que je connaisse dans son genre.

Pour ton second paragraphe je ne saisis pas bien ce à quoi tu fais référence.
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Circé
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Axiste, tu as donné à ces 2 dames- qui paraissent bien " paumées"- une chose rare et précieuse: l'écoute. Avoir pu te parler, énoncer leur mal-être et leurs angoisses, c'est déjà beaucoup; " mettre des mots sur les maux", ça aide.
Compagnon, ton propos est très souvent axé sur la mort- dans ce post comme dans d'autres.Tu sais, là, en ce moment, tu es/nous sommes en vie. La mort viendra, en son temps; on saura comment l'appréhender-on est bouddhistes!- nous avons toujours en tête l'impermanence; nous nous préparons de notre mieux.
.Mais pour l'instant, vivons. Vivons une vie juste et utile.
Je reviens toujours sur cette phrase du DL, qui guide mon action: "faisons de notre court passage sur cette terre quelque chose d'utile".ça contient tout: l'impermanence, la vie, la mort, l'action juste.Utile pour les autres êtres vivants et la planète, utile pour nous mêmes( purifions notre karma, pratiquons, étudions les enseignements).
Bref, ne pas se plomber le moral ni se faire souffrir soi même( les autres s'en chargent) en grattant où ça fait mal. Oui, nous allons vieillir, être malades, moches, tristes, et mourir. Mais avant nous allons vivre, aimer, sourire, faire de notre monde un monde meilleur.
TNH, que tu cites souvent, tient un discours chaleureux et plein de vie. A ce propos, il a écrit un petit recueil de nouvelles que je vous recommande" L'enfant de pierre et autres contes bouddhistes" ed. Albin Michel.
Signé: " the indomitable Circé" ::mr yellow::
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davi
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Inscription : 28 février 2016, 11:38

Par Ajahn Chah

93. Une vieille dame très pieuse arriva un jour en pèlerinage à Wat Pah Pong depuis sa province voisine. Elle dit à Ajahn Chah qu’elle ne pourrait pas rester longtemps car elle devait rentrer s’occuper de ses petits-enfants et, comme elle était âgée, elle demanda s’il pouvait lui donner un bref enseignement sur le Dhamma. Ajahn Chah lui répondit avec virulence ! : « !Écoutez donc !! Il n’y a personne ici — que ça !! Pas de propriétaire ! : personne qui soit vieux, qui soit jeune, qui soit bon ou mauvais, faible ou fort. Juste ça et c’est tout — différents éléments de la nature qui suivent leur cours, tous vides. Personne qui est né et personne pour mourir !! Ceux qui parlent de naissance et de mort parlent le langage des enfants ignorants. Dans le langage du coeur, du Dhamma, il n’existe rien de tel que la naissance ou la mort.! »

94. Le véritable fondement de l’enseignement est de voir le soi comme étant vide. Mais les gens viennent étudier le Dhamma pour faire grandir leur image d’eux-mêmes, ils ne veulent donc pas faire l’expérience de la souffrance ou de la difficulté. Ils veulent que tout soit agréable. Peut être veulent-ils transcender la souffrance, mais, tant qu’il y a un soi, comment peuvent-ils s’y prendre !?

95. C’est tellement facile une fois que l’on a compris. Si simple et si direct !! Quand des choses agréables se présentent, comprenez qu’elles sont vides. Quand des choses désagréables se présentent, voyez qu’elles ne vous appartiennent pas ! ; elles passent. Ne vous liez pas à elles comme si elles étaient vous, ne vous voyez pas comme les possédant. Si vous pensez que ce papayer est à vous, pourquoi n’êtes-vous pas blessé quand on le coupe !? Si vous pouvez comprendre cela, vous êtes sur la bonne voie, la voie de l’enseignement du Bouddha, de l’enseignement qui mène à la Libération.

96. Les gens n’étudient pas ce qui est au-delà du bien et du mal. C’est pourtant cela qu’il faudrait étudier. Ils disent ! : « !Je vais être comme ceci, je vais être comme cela.! » Mais jamais ils ne disent ! : « !Je ne vais rien être du tout parce qu’en réalité il n’y a pas de ‘je’.! » Cela, ils ne l’étudient pas.

97. Une fois que vous comprenez le non-soi, le fardeau de la vie disparaît. Vous êtes en paix avec le monde. Quand on voit au-delà du soi, on n’est plus attaché au bonheur et on peut être vraiment heureux. Apprenez à lâcher prise sans lutter, simplement lâcher prise, pour être exactement comme vous êtes — sans saisie, sans attachement, libre.

98. Tous les corps se composent des quatre éléments ! : la terre, l’eau, l’air et le feu. Quand ces éléments sont réunis pour former un corps, nous disons que c’est un corps masculin ou féminin ! ; nous lui attribuons un nom pour l’identifier plus facilement. Mais en réalité il n’y a personne ! : seulement de la terre, de l’eau, de l’air et du feu. Ne vous enthousiasmez pas pour un corps, ne soyez pas orgueilleux d’un corps. Si vous y regardez de près, vous n’y trouverez personne.

http://www.buddhaline.net/Le-Non-Soi
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
ted


Sutta Piṭaka >> Saṃyutta Nikāya >> Devatā Saṃyutta
SN 1.25
Satti Vaggo


— Peut-il encore? —
[ bāla: sot | paṇḍita: sage ]
Un arahant peut-il encore utiliser le mot 'je'?

Si un bhikkhou est un arahant,
Accompli, ayant détruit les impuretés mentales,
Portant son dernier corps,
Peut-il encore dire: 'Je parle'
Et peut-il dire: 'Ils me parlent'?


[Le Bouddha:]
Si un bhikkhou est un arahant,
Accompli, ayant détruit les impuretés mentales,
Portant son dernier corps,
Il peut encore dire 'Je parle',
Et il peut dire: 'Ils me parlent'.
Lucide, connaissant le langage mondain,
Pour lui ces termes ne sont qu'expressions.


Lorsqu'un bhikkhou est un arahant,
Accompli, ayant détruit les impuretés mentales,
Portant son dernier corps,
Est-ce parce qu'il a dépassé la conception (mentale)
Qu'il dit: 'Je parle', et qu'il dit: 'Ils me parlent'?


[Le Bouddha:]
Il n'y a plus d'attaches pour celui
Qui a abandonné la conception, il a rompu
Toutes les chaînes de la conception.
Bien que le sage ait transcendé la conception,
Il peut dire 'Je parle', et il peut dire: 'Ils me parlent'.
Lucide, connaissant le langage mondain,
Pour lui ces termes ne sont qu'expressions.
Source : http://www.buddha-vacana.org/fr///sutta ... 1-025.html
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