Regards sur le bouddhisme par Buddhadasa Bhikkhu

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REGARDS SUR LE BOUDDHISME

Les auteurs modernes s’accordent à reconnaître que toutes les religions du monde sont nées de la peur. Autrefois les hommes craignaient le tonnerre, les éclairs, l’obscurité et autres phénomènes qu’ils étaient incapables de comprendre ou de maîtriser. Pour en éviter le danger, ils faisaient preuve d’humilité ou de soumission ou rendaient hommage à ces manifestations et les vénéraient. Plus tard, lorsque la connaissance et la compréhension de l’homme se développèrent, cette peur des forces de la nature se transforma en une peur plus difficile à appréhender. Les religions basées sur la vénération des phénomènes naturels, des esprits et des êtres célestes en vinrent à être ridiculisées, tandis que la peur se faisait plus subtile : une peur de la souffrance, de cette souffrance qu’aucun moyen matériel ne peut soulager. L’homme se mit à craindre la souffrance inhérente à la naissance, à la vieillesse, à la maladie et à la mort, ainsi que la déception et le désespoir engendrés par le désir, la colère et l’ignorance – toutes choses qu’aucun pouvoir, aucune richesse ne peut soulager.

Il y a quelque deux mille ans, en Inde, d’intelligents penseurs et chercheurs cessèrent de rendre hommage aux êtres surnaturels et choisirent de rechercher plutôt les moyens de conquérir la naissance, la vieillesse, la maladie et la mort, ainsi que les moyens de supprimer la convoitise, la haine et l’ignorance. De ces recherches est né le bouddhisme, méthode pratique découverte par le Bouddha pour éliminer la souffrance et venir ainsi définitivement à bout des peurs de l’homme.

Le mot « bouddhisme » signifie « l’enseignement de celui qui est éveillé ». Un Bouddha est un être « éveillé », qui connaît la vérité de toute chose, qui connaît précisément la véritable nature des choses et peut ainsi se comporter de manière appropriée en toutes circonstances. Le bouddhisme est une religion basée sur l’intelligence, la science et la connaissance. Son but est d’éliminer la souffrance ainsi que les causes de la souffrance. Tous les hommages rendus à des objets sacrés sous forme de rites et de rituels, d’offrandes ou de prières, n’ont rien à voir avec le bouddhisme. Le Bouddha a rejeté les êtres célestes, alors considérés par certaines sectes comme les créateurs de toutes choses, ainsi que les divinités dont on pensait qu’elles résidaient dans les étoiles. On rapporte, en effet, que le Bouddha a déclaré : « Le savoir, l’habileté et les capacités engendrent le succès et ont des conséquences bénéfiques ; ils sont bons en eux-mêmes, indépendamment du mouvement des corps célestes. Grâce aux mérites acquis par ces qualités, un individu pourra largement dépasser les insensés qui se contentent de s’asseoir en faisant leurs calculs astrologiques ». Et aussi : « Si l’eau des rivières, comme le Gange, pouvait réellement laver les péchés et la souffrance, alors toutes les tortues, tous les crabes, poissons et coquillages vivant dans ces rivières sacrées seraient libérés de leurs péchés et de leurs souffrances ». Et encore : « Si un homme pouvait éliminer la souffrance en faisant des offrandes, en rendant hommage et en priant, plus personne au monde ne serait exposé à la souffrance car n’importe qui peut rendre hommage et prier. Or, si les gens sont encore sujets à la souffrance, bien qu’ils obéissent, rendent hommage et pratiquent des rituels, ce n’est sûrement pas la solution pour s’en libérer ».

Pour parvenir à la libération, nous devons tout d’abord examiner attentivement ce qui nous entoure, afin d’en connaître et d’en comprendre la véritable nature et, ensuite, agir en fonction de cette vérité. Tel est l’enseignement du bouddhisme, ce que nous devons savoir et garder présent à l’esprit… Le bouddhisme n’incite ni aux hypothèses ni aux suppositions mais insiste, au contraire, pour que nous agissions en accord avec notre intuition profonde. Il ne s’agit pas d’accepter aveuglément tout ce que l’on entend. Si quelqu’un affirme quelque chose, nous devons l’écouter et considérer son point de vue en toute objectivité. Si nous le trouvons raisonnable, nous pouvons l’accepter provisoirement et tenter de le vérifier par nous-mêmes. C’est là une des caractéristiques très particulière du bouddhisme, qui le distingue des autres religions du monde.

Toute religion a plusieurs facettes et peut donc prendre différents aspects selon l’angle sous lequel on la considère. Le bouddhisme, au même titre que les autres religions, a souvent été considéré à partir de différents points de vue, de sorte qu’on en a obtenu des images très variées. Parce que chacun de nous a naturellement confiance en sa propre opinion, sa vérité coïncide avec sa compréhension et son point de vue particuliers. En conséquence, la « vérité » varie selon les personnes. Nous examinons les problèmes à des niveaux différents, avec des moyens différents et des degrés d’intelligence différents. Nous pouvons difficilement admettre comme vrai ce qui dépasse notre intelligence, notre connaissance et notre compréhension. Et même si, en apparence, nous nous plions aux idées des autres, nous continuons de penser qu’il ne s’agit pas de « la » vérité telle que nous la concevons. Notre conception de la vérité peut cependant évoluer avec l’élargissement de notre intelligence, de notre savoir et de notre compréhension, jusqu’au moment où nous parvenons à la vérité ultime.

Comme nous l’avons dit, le bouddhisme est une méthode pratique dont le but est de nous libérer de la souffrance en parvenant à voir, comme l’a fait le Bouddha, la véritable nature des choses. Or tout texte religieux contient inévitablement des rajouts et notre Tipitaka ne fait pas exception. Au fil des temps, on y a ajouté des passages basés sur les idées courantes de l’époque, que ce soit pour gagner la confiance du peuple ou par excès de zèle religieux. Hélas, les rites et rituels qui se sont ainsi développés et imbriqués dans la religion sont aujourd’hui acceptés et considérés comme étant le vrai bouddhisme. Les cérémonies telles que l’offrande de plateaux de sucreries et de fruits à « l’âme » du Bouddha, semblables à l’offrande de nourriture aux moines vivants, ne sont pas en harmonie avec les principes du bouddhisme. Pourtant, certains les considèrent comme d’authentiques pratiques bouddhiques, les enseignent comme telles et les suivent très rigoureusement.

Les rites et cérémonies de cette sorte sont devenus si nombreux qu’ils ont maintenant occulté le vrai bouddhisme et son objectif originel. Prenez, par exemple, l’ordination d’un moine : elle s’est transformée en une cérémonie de remise de cadeaux au nouveau bhikkhu ; les invités sont priés d’apporter de la nourriture et d’assister aux réjouissances, et la fête se termine parfois même dans l’ivresse et le chahut, aussi bien au temple qu’à la maison ! Quant au nouveau bhikkhu, il se peut qu’il quitte la communauté religieuse quelques jours à peine après avoir été ordonné pour devenir peut-être encore plus antireligieux qu’avant. Souvenons-nous que rien de tel n’existait à l’époque du Bouddha ; ces cérémonies ne se sont développées que plus tard. Au temps du Bouddha, être ordonné signifiait simplement que, avec le consentement de ses parents, on renonçait à sa maison et à sa famille. On pouvait tirer un trait sur son passé familial et s’en aller rejoindre le Bouddha et la communauté monastique des bhikkhus. Lorsque l’occasion se présentait, on se faisait ordonner et on risquait alors de ne jamais revoir sa famille. Quelques moines, à de rares occasions, pouvaient retourner voir leurs parents mais c’était l’exception. Il existe une règle autorisant un bhikkhu à se rendre chez lui pour une raison valable mais, du temps du Bouddha, elle n’était pas observée. Enfin, les moines n’étaient pas ordonnés en présence de leurs parents, ne célébraient pas l’événement par des festivités et ne quittaient pas le Sangha au bout de quelques jours, guère plus avancés qu’avant, comme cela se produit si souvent de nos jours.

Malheureusement, ce « néo-bouddhisme » s’est répandu presque universellement. Le Dhamma, l’enseignement authentique autrefois souverain, est à présent si surchargé de cérémonies que tout l’objectif du bouddhisme en a été obscurci, falsifié et transformé. L’ordination, par exemple, est devenue une façon de sauver la face pour les jeunes gens mis à l’index, ou une nécessité préalable pour trouver une épouse, car avoir été moine est considéré comme une preuve de maturité. Pour certains, c’est une occasion de collecter de l’argent – activité pour laquelle on trouvera toujours des volontaires – et donc un moyen de s’enrichir. Cela aussi se fait appeler « bouddhisme » et quiconque se permettrait d’y trouver à redire serait considéré comme un ignorant ou même un adversaire de la religion !

L’offrande de tissu lors de la fête de Kathina est un autre exemple de dégénérescence. L’intention originelle du Bouddha était que l’on donne, à tous les moines en même temps, du tissu pour la fabrication de leurs vêtements. Cela leur permettait de les coudre tous ensemble et évitait les pertes de temps. S’il n’y avait qu’un seul vêtement, on le donnait, non pas au plus ancien des moines mais à celui que le groupe considérait comme le plus digne de le recevoir ou à celui qui en avait le plus besoin. Le vêtement était alors offert au nom de la communauté monastique tout entière. L’intention du Bouddha était de faire en sorte qu’aucun des moines n’ait une trop bonne opinion de lui-même. Ce jour-là, quel que soit le degré d’ancienneté, tout le monde devait se montrer humble et participer, au même titre, à la coupe et à la couture du tissu, à la teinture – en faisant bouillir des essences d’arbres – et à toutes les autres activités nécessaires à la confection des vêtements, en un seul et même jour. Il s’agissait d’un effort de coopération entre moines et c’est ce que souhaitait le Bouddha. Les laïcs n’y participaient pas nécessairement du tout. De nos jours, on en fait toute une histoire, il y a une cérémonie et puis des jeux et des rires bruyants. C’est même, pour certains, une occasion de gagner de l’argent. On se croirait à un pique-nique, et tous les mérites et les bons résultats que l’on aurait pu en escompter à l’origine sont perdus.

Ces dégénérescences sont une véritable tumeur qui s’est développée au sein du bouddhisme et qui fait des ravages. Elle prend des centaines d’aspects différents qu’il serait trop long d’énumérer. C’est une tumeur maligne et dangereuse qui a progressivement recouvert et obscurci la base saine, l’essence réelle du bouddhisme, qui l’a complètement défiguré. L’une des conséquences a été l’apparition de multiples sectes d’importance différente, dont certaines sont même engagées dans la sensualité ! Il est essentiel que nous apprenions à faire la différence entre ces déviations et le vrai bouddhisme originel. Nous ne devons pas nous cramponner bêtement à la coquille extérieure ou aux rituels et cérémonies, au point de perdre leur véritable objectif.

La vraie pratique du bouddhisme est basée sur la purification de la conduite à travers le corps et la parole, suivie de la purification de l’esprit, laquelle mène, à son tour, à la vision pénétrante et à la compréhension juste. N’allez pas croire que le bouddhisme est ceci ou cela sous prétexte que tout le monde le dit. De même, ceux qui appartiennent à d’autres religions ont tort de désigner ces tumeurs honteuses et disgracieuses comme étant le bouddhisme ; c’est injuste parce que ce ne sont que des excroissances. Ceux d’entre nous qui sont décidés à propager le bouddhisme, pour leur propre bien comme pour celui des autres, doivent savoir comment en saisir la véritable essence et non se cramponner à une excroissance insignifiante.

Voyons, à présent, comment les multiples facettes du bouddhisme, même authentique, peuvent conduire à une fausse compréhension. Par exemple, du point de vue d’un philosophe de la moralité, le bouddhisme est considéré comme une religion « morale ». On y parle de mérite et de démérite, de bien et de mal, d’honnêteté, de gratitude, d’harmonie, de franchise et ainsi de suite. Le Tipitaka est rempli d’enseignements d’ordre moral. De nombreux nouveaux venus au bouddhisme s’en approchent par cet angle, attirés par ses vertus.

Un aspect plus profond du bouddhisme apparaît lorsqu’on le considère sous l’angle de la vérité, une vérité profondément enfouie sous la surface et invisible à l’homme ordinaire. Voir cette vérité, c’est connaître intellectuellement la vanité de toute chose, l’impermanence, l’insatisfaction et le non-soi ; c’est connaître intellectuellement la nature de la souffrance, de l’élimination totale de la souffrance ; c’est percevoir tout ceci en termes de vérité absolue, de cette vérité qui ne changera jamais et que tous devraient connaître. Tel est le bouddhisme en tant que vérité.

Le bouddhisme en tant que religion est une méthode pratique basée sur la vertu, la concentration et la connaissance, et qui culmine en libérant la vision pénétrante intuitive. Cette méthode, lorsqu’elle est pratiquée jusqu’au bout, permet de se libérer de la souffrance. Tel est le bouddhisme en tant que religion.

Ensuite vient le bouddhisme en tant que psychologie, comme il nous est présenté dans la troisième partie du Tipitaka, où la nature de l’esprit est décrite de façon remarquablement détaillée. Aujourd’hui encore, la psychologie du bouddhisme est source d’intérêt et d’émerveillement pour les chercheurs de l’esprit car elle est beaucoup plus profonde que les connaissances actuelles en psychologie.

Vu sous un autre angle encore, le bouddhisme est une philosophie. En philosophie, la connaissance peut être clairement perçue au moyen de preuves raisonnées et logiques mais elle ne peut être démontrée expérimentalement. Elle s’oppose à la science dont la connaissance résulte de l’observation visuelle, d’expériences physiques et de tests ou même du « regard intérieur » de l’intuition. Un concept aussi profond que celui du « vide » (l’impermanence) n’est que philosophie pour celui qui n’en a pas encore pénétré la vérité mais il est science pour qui l’a saisi parfaitement, pour un être réalisé, un Arahant, qui l’a vu clairement, intuitivement.

De nombreux aspects du bouddhisme, en particulier les Quatre Nobles Vérités, sont scientifiques en ce qu’ils peuvent être vérifiés par une preuve expérimentale claire, au moyen de l’introspection. Toute personne dotée d’une capacité d’observation et intéressée par l’étude et la recherche, peut y trouver, comme dans la science, des rapports de cause à effet. Mais le bouddhisme n’est pas une vague chose obscure, ce n’est pas une simple philosophie comme le sont les disciplines fabriquées par les hommes.

Certains considèrent le bouddhisme comme une culture. Les véritables connaisseurs y découvrent de nombreux aspects communs à toutes les cultures mais aussi d’autres, typiquement bouddhiques.

De toutes ces différentes facettes du bouddhisme, celle à laquelle un vrai bouddhiste se doit d’attacher le plus d’importance est le bouddhisme en tant que religion. Le bouddhisme est avant tout une méthode pratique et directe permettant d’acquérir la connaissance de la véritable nature des choses, connaissance qui permet d’abandonner toute forme de convoitise, d’attachement, d’ignorance et d’engouement, et de devenir totalement indépendant. C’est ainsi que l’on pénètre au cœur même du bouddhisme. Vu sous cet angle, le bouddhisme est beaucoup plus utile qu’en tant que simple système moral ou en tant que vérité limitée à une connaissance profonde mais théorique ; plus utile qu’en tant que philosophie, objet de spéculation et de discussion mais qui ne mène pas à l’abandon des pollutions de l’esprit ; et certainement plus utile que vu comme une culture, un comportement attirant qui n’intéresse que les sociologues.

A tout le moins, chacun devrait considérer le bouddhisme comme un art, comme l’art de vivre. En effet, il incarne une capacité et une compétence à se comporter en être humain, à vivre de façon exemplaire, digne d’éloges, propre à impressionner et à émuler tout son entourage. Ce qu’il faut faire, c’est cultiver « les trois vertus » : tout d’abord développer la pureté morale, ensuite habituer l’esprit au calme et à la stabilité pour qu’il soit capable de faire son travail au mieux, et enfin donner naissance à une telle abondance de sagesse et une vision si claire de la nature réelle des choses que celles-ci ne seront plus en mesure de causer de la souffrance. On peut dire que celui dont la vie est éclairée par ces trois vertus a parfaitement maîtrisé l’art de vivre. Les Occidentaux sont intéressés par cet aspect du bouddhisme et le discutent plus que tout autre. Il est certain qu’il permet de pénétrer si profondément dans la véritable essence du bouddhisme qu’il en devient notre guide dans la vie, engendre une joie et un enthousiasme spirituels tout en dissipant dépression et désillusion. Il chasse aussi les peurs, comme la peur que l’abandon total de tout ce qui pollue de l’esprit (avidité, négativité et ignorance) rende la vie terne, inintéressante et insipide, ou la peur qu’un complet détachement bloque le fonctionnement de la pensée et de l’action ; alors qu’en réalité, celui qui mène sa vie selon l’art de vivre bouddhiste maîtrise tout ce qui l’entoure. Qu’il s’agisse d’animaux, de personnes, de biens ou de tout autre chose, et que ces choses pénètrent sa conscience par la vue, l’ouïe, l’odorat, le goût, le toucher ou la pensée, elles seront inévitablement vaincues, incapables d’obscurcir sa vision, de le tromper ou de le perturber. La victoire sur toutes ces choses engendre la joie pure.

Le Bouddha-Dhamma ravira l’esprit de ceux qui s’y seront intéressés. Il peut aussi être considéré comme une forme indispensable de nourriture. Il est vrai que l’individu qui est toujours sous l’emprise des pollutions qui obscurcissent l’esprit désire toujours se nourrir par le biais des yeux, des oreilles, du nez, du palais et du corps et qu’il poursuit cette recherche selon sa nature. Mais il existe aussi quelque chose en lui de plus profond qui ne recherche pas cette sorte de nourriture : c’est l’élément pur et libre de son esprit qui aspire à la joie et au nectar de la nourriture spirituelle, à commencer par les délices qu’apporte la pureté morale. Cette nourriture spirituelle est la source de contentement des êtres pleinement éveillés ; ils ont une telle tranquillité intérieure que les pollutions qui obscurcissent normalement l’esprit ne peuvent les perturber ; ils ont une vision claire de la véritable nature des choses et aucun désir pour elles. Ces êtres sont capables de se poser sans avoir à courir ici et là comme ces gens dont le Bouddha disait qu’ils étaient « fumée la nuit, feu le jour ».

« Fumée la nuit » signifie insomnie, agitation. Celui qui souffre de ces maux passe la nuit la main sur le front, soucieux de ce qu’il doit faire, réfléchissant à la meilleure façon de s’enrichir et de se procurer tout ce qu’il désire. Son esprit est plein de « fumée ». Tout ce qu’il peut faire, c’est rester allongé jusqu’au matin ; il pourra alors se lever et courir satisfaire les désirs de la « fumée » qu’il a retenue toute la nuit – et c’est cette activité fiévreuse que le Bouddha appelle « feu le jour ». Ces symptômes révèlent un esprit qui n’a pas trouvé la tranquillité, un esprit privé de nourriture spirituelle, qui souffre d’une faim et d’une soif pathologiques dues à la convoitise. Toute la nuit, la victime retient la « fumée » et la chaleur qui, devenue feu au matin, brûlera en lui toute la journée. Si l’on doit passer sa vie à étouffer la fumée de nuit puis attiser le feu de jour, comment trouvera-t-on jamais la fraîcheur et la sérénité de la paix ? Essayez d’imaginer un peu cette situation : endurer cette souffrance, ce tourment, toute sa vie, de la naissance jusqu’à la mort, simplement parce que l’on n’aura pas su développer la vision pénétrante qui aurait complètement éteint feu et fumée. Pour soigner ce mal, il faut utiliser la connaissance – les « remèdes » – que nous a léguée le Bouddha. Alors la fumée et le feu diminueront proportionnellement au degré de compréhension que l’on aura de la véritable nature des choses.

Comme nous l’avons vu, le bouddhisme a plusieurs facettes ou aspects différents. De même qu’une montagne se présente différemment selon qu’on la regarde d’un point de vue ou d’un autre, les avantages que l’on peut retirer du bouddhisme varient selon la façon dont on le considère. Comme les autres religions, le bouddhisme est né de la peur des hommes – pas la peur des fous ignorants qui se prosternent aux pieds d’idoles ou de phénomènes surnaturels mais une forme de peur plus raffinée, la peur de n’être jamais libéré de l’oppression que représentent la naissance, la vieillesse, la douleur et la mort, libéré de toutes les différentes formes de souffrance que nous connaissons. Le vrai bouddhisme n’est pas ce que l’on trouve dans les livres, ce n’est pas la répétition littérale du Tipitaka, pas plus que les rites ou les rituels. Le vrai bouddhisme est une pratique qui détruit les « pollutions » qui obscurcissent l’esprit, partiellement ou totalement, au moyen du corps, de la parole et de la pensée. Pour cela, point n’est besoin de consulter livres ou manuels, de s’appuyer sur des rites ou sur tout autre élément extérieur, y compris esprits et êtres célestes. Mieux vaut se concentrer directement sur les mouvements du corps, de la parole et de la pensée ; autrement dit, persévérer dans l’effort qui consiste à éliminer ce qui obscurcit l’esprit et permettre ainsi à la claire vision pénétrante de s’éveiller. Nous serons alors automatiquement capables d’agir de façon appropriée dans toutes les situations. Nous serons libérés de la souffrance dès cet instant et jusqu’à la fin de nos jours. Voilà le vrai bouddhisme tel que nous devons le comprendre.
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------------------------------------------------------------------------------ Image Sabba danam dhammadanam jinati - Le don du Dhamma surpasse tout autre don ImageDhammapada
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