L’Activité Sensorielle avec ou sans Attention-Sayadaw U_Pandita

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tirru...
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L’Activité Sensorielle avec ou sans Attention

L’activité sensorielle compte un certain nombre de consciences successives qui ne sont ni positives ni négatives. Lorsque cette première série de consciences se termine et que l’attention n’est pas présente, une deuxième série de consciences va se manifester et peut-être une troisième, une quatrième et encore d’autres auxquelles seront chaque fois associées l’avidité, l’aversion et l’illusion. Le but de vipassanā est précisément d’aiguiser l’attention de façon à ce qu’elle soit capable d’attraper l’expérience sensorielle à la fin de la première série de consciences, celles qui sont amorales et d’empêcher ainsi l’apparition des séries de consciences suivantes, qui elles, sont associées à l’avidité, à l’aversion et à l’illusion. On dit que l’esprit ne vagabonde pas dès le moment où il est capable de faire cette interception. Un esprit vagabond est un esprit pollué par les kilesas puisqu’il a pensé à propos de ce qui se passe ou de ce qui s’est passé.

Pour parler plus concrètement, dès que nous commençons à réfléchir aux caractéristiques de l’objet – « Oh ! Quelle magnifique couleur ! » - nous savons que l’esprit vagabonde. Mais si au contraire nous activons une attention précise et pénétrante et que nous fournissons un effort diligent au moment même où nous voyons cet objet coloré, nous nous réservons la possibilité de comprendre le processus de la vision tel qu’il est réellement. C’est une occasion de développer la sagesse. Nous pouvons voir la relation entre l’esprit et la matière, le lien de causalité qui les unit, ainsi que les caractéristiques d’impermanence, de souffrance et d’absence d’un soi, qui leur sont communes.

Je vous propose une petite expérience. Dirigez votre attention vers les mouvements de soulèvement et d'abaissement de l'abdomen. Si l’esprit fait l’effort d’être attentif de façon précise à ces mouvements en les ressentant du début à la fin, il sera libre de l’avidité, de la colère et de l’illusion. L’idée que cet objet est agréable ne va pas se manifester, l’idée que cet objet est désagréable ne va pas non plus se manifester ; quant à la confusion et à l’ignorance, elles sont absentes puisque l’esprit est conscient de ce qui se passe.

Crack ! Un bruit est subitement devenu prédominant. Vous abandonnez alors les mouvements de soulèvement et d'abaissement. Si vous avez reconnu immédiatement ce phénomène comme étant un bruit et que vous avez noté mentalement « entendre, entendre », sans vous laisser emporter par des réflexions à propos de son origine, etc… on ne peut pas dire que votre esprit vagabonde. Il ne contient ni avidité, ni aversion, ni ignorance.
Mais c’est tout autre chose lorsque l’esprit est attiré par une mélodie familière, qu’il se remet en mémoire le moment où il l’a entendu pour la dernière fois et le nom du chanteur. Il arrive parfois que pendant la méditation, les yogis tapotent des doigts parce qu’ils se souviennent de chansons qu’ils ont entendues dans le passé. Sans aucun doute, ils sont pris par l’esprit vagabond.

Il y avait un jour une méditante qui expérimentait des tas de choses intéressantes et formidables dans sa méditation assise. Elle était calme et confortablement installée quand subitement, son voisin se leva bruyamment de son coussin. Elle entendit ses os craquer et ses vêtements bruisser. Elle se mit instantanément à penser, « Quel sans-gêne ! Comment peut-il se lever ainsi en pleine séance  alors que moi, j’essaye de méditer ! ». Elle se laissa envahir par des pensées de colère et finit par devenir pratiquement enragée. Ceci pourrait être appelé « le Grand Esprit Vagabond ». En général, les yogis travaillent très consciencieusement pour éviter d’en arriver là ; ils s’efforcent d’être attentifs à tout ce qui se présente à chaque instant, au moment précis où cela se manifeste, de façon à ne pas être pris par l’esprit vagabond. Il suivent exactement les recommandations du Vénérable Kaccāyana .

Extrait du livre " Dans cette vie même" de Sayadaw U_Pandita
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ShraWaKa
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tirru... a écrit :
07 janvier 2018, 14:13
L’Activité Sensorielle avec ou sans Attention

(...) Le but de vipassanā est précisément d’aiguiser l’attention de façon à ce qu’elle soit capable d’attraper l’expérience sensorielle à la fin de la première série de consciences, celles qui sont amorales et d’empêcher ainsi l’apparition des séries de consciences suivantes, qui elles, sont associées à l’avidité, à l’aversion et à l’illusion. (...)

Extrait du livre " Dans cette vie même" de Sayadaw U_Pandita
Merci pour cet extrait tirru jap_8

A mon sens, il est utile de clarifier le terme amorales qui peut prêter à confusion.

Il définit bien l'absence de jugement qui caractérise cette première série conscience ni positive ni négative dans laquelle l'ego ne s'est pas encore investi.

Les séries de consciences suivantes étant entre autres souillées par des jugements comme les vedanā
(qu'on qualifie souvent maladroitement de sensations)

flower_mid
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anjalimetta jap_8
Rappel bien utile
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tirru...
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Merci ShraWaka, c'est vrai que le terme amoralité méritait d’être clarifié. C'est donc le rôle de Sati qui est à nouveau en jeu, mais plus encore :

Viriya a écrit :L'attention Sati permet de voir clairement, Mais il faut sampajanna pour bien discerner que la cause de ceci ou de cela vient de lobha ou dosa ou d'un MOI (ça m'appartient, c'est MOI, c'est mon SOI).
L'association de Sati + Sampajanna est cimentée par l'effort juste. La clé est de Sati, se poser la question "ceci mène t il à la souffrance" ? la réponse va faire jaillir sampajanna.
C'est aussi ce qu'on appelle "yoniso manasikara" - réflexion appropriée, habile. Cependant , il faut rester à l'écoute pour se reposer, se relaxer afin de ne pas créer de tension mentale... en redirigeant son esprit/activité vers quelques choses de plus neutre...

Suivre également ce lien pour approfondir la réflexion sur Yoniso Manasikara

jap_8
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axiste
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Je remarque que c'est quand on est là, avec son moi, que la situation est mal gérée.
Si on se défait de soi, on est la situation. Souvent on a des attentes.
Quand on a des attentes, on n'est pas présent.
Merci pour ce sujet parce que c'est un point sensible et pourtant en en comprenant et intégrant les mécanismes on pourrait bien éviter tout ceci.
Cependant , il faut rester à l'écoute pour se reposer, se relaxer afin de ne pas créer de tension mentale
Oui et si la souffrance arrive malgré tout, il est préférable d'y trouver un enseignement, c'est toujours possible.
Chaque expérience, qu’elle soit bonne ou mauvaise, vous donne la possibilité d’apprendre et de remarquer si la conscience accepte les choses telles qu’elles sont, ou bien de remarquer ce qu’elle aime ou n’aime pas, ce à quoi elle réagit ou juge.
Si on accepte ce qui arrive, on revient à une conscience plus claire et à la présence. Finalement on est toujours inattentif à un moment ou à un autre et la seule manière d'éviter ça c'est d'ouvrir grand les bras.
C'est pas toujours facile.
Butterfly_tenryu
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ted

axiste a écrit :
11 janvier 2018, 19:17
Si on accepte ce qui arrive, on revient à une conscience plus claire et à la présence. Finalement on est toujours inattentif à un moment ou à un autre et la seule manière d'éviter ça c'est d'ouvrir grand les bras.
C'est pas toujours facile.
Butterfly_tenryu
Mon expérience est que c'est relativement facile dans un environnement tranquille (nature, forêt, étangs, parc, solitude, dojo) à condition de s'être débarrassé au préalable de nos soucis personnels.

Un environnement tranquille (nature, forêt, étangs, parc, solitude, dojo) sera, hélas, à peine perçu si nos soucis personnels sont trop intenses. A la longue, l'esprit finira par s'apaiser, mais ça demandera du temps. Un peu comme pour les traumatismes ou les convalescences.

Dans un environnement stressant et avec un bon lacher-prise, l'attention va s'étaler doucement comme une goutte d'huile qui s'élargit sur un buvard. Elle va intégrer les perturbations au fur et à mesure dans une sorte de mouvement ralenti.

Et dans un environnement stressant et avec des soucis personnels qu'on ne sait pas éloigner, c'est mission impossible à mon avis.
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