L'origine de la souffrance

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Zopa2
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Je souhaiterai approfondir ma compréhension des causes de la souffrance d'après le point de vue du Theravada.

Dans le bouddhisme tibétain, la seconde noble vérité est habituellement présentée comme étant constituée de deux ensembles :

1) Les perturbations mentales (en sanskrit les kleshas) dont les trois principales sont le désir-attachement, la colère-haine-aversion et l'ignorance concevant un soi intrinsèque.

2) les Karmas (négatifs bien sûr, mais aussi les neutres et même les positifs)

Dans le Theravada, j'ai l'impression que l'accent est surtout mis sur le désir, l'attachement, la soif. Je profite de la présence de pratiquants du Theravada (Tirru, Shrawaka,...) pour leur demander s'il en est bien ainsi.

N'y a t-il pas un sutra (et non des moindres) dans lequel le Bouddha parle juste de ce désir, de cette soif, comme étant l'origine de la souffrance ?

" De plus, bhikkhous, voici la noble vérité de l'origine du mal-être: c'est cette appétence menant à la continuation de l'existence, liée à la complaisance et l'avidité, se complaisant ici et là, c'est-à-dire l'appétence pour la sensualité, l'appétence pour l'existence, l'appétence pour l'annihilation."
Sutra de la mise en mouvement de la roue du dharma.
Dernière modification par Zopa2 le 16 janvier 2018, 19:50, modifié 1 fois.
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tirru...
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Bonjour Zopa,

Merci de nous permettre de revenir aux fondamentaux jap_8

Zopa2 a écrit :
16 janvier 2018, 19:23
Je souhaiterai approfondir ma compréhension des causes de la souffrance d'après le point de vue du Theravada.

Dans le bouddhisme tibétain, la seconde noble vérité est habituellement présentée comme étant constituée de deux ensembles :

1) Les perturbations mentales (en sanskrit les kleshas) dont les trois principales sont le désir-attachement, la colère-haine-aversion et l'ignorance concevant un soi intrinsèque.

C'est quasiment pareil sauf que c'est lié à tanha la soif et se décline ainsi : la soif des plaisirs des sens, la soif de l'existence et la soif de la non-existence. Pour ce qui est des kilesas, ils generent effectivement Dukkha mais on pour origine l'ignorance.
  • bikkhu boddhi a écrit : Le Bouddha enseigne qu’il y a une impureté à la base de toutes les autres, une racine qui les maintient toutes en place. Cette racine est l’ignorance (avijja). Cette forme d’ignorance n’est ni une simple absence de connaissance ni un manque d’accès à des informations spécifiques. Elle peut coexister avec une vaste accumulation de connaissances détaillées et, à sa manière, elle peut être extrêmement ingénieuse. Cette ignorance qui est à la racine de dukkha est une obscurité fondamentale qui opacifie l’esprit. Parfois elle agit de manière passive, se contentant de voiler une compréhension correcte. D’autres fois, elle prend un rôle actif: elle devient «le grand imposteur», assemblant une masse de perceptions déformées et de concepts que l’esprit saisit et attribue au monde, sans voir qu’il s’agit de ses propres constructions illusoires.
Zopa2 a écrit :
16 janvier 2018, 19:23
Dans le Theravada, j'ai l'impression que l'accent est surtout mis sur le désir, l'attachement, la soif.

Pas spécialement, d’autres enseignements montrent que l’origine peut être liée à l’ignorance (Avijjāpañhā Sutta), aux cinq agrégats d'appropriation (Saññā Sutta), aux 12 maillots de le coproduction conditionnée (kassapa sutta), aux kilesas... bref, le constat qu’on retrouve dans un sutta ou un autre n’est jamais définitif, les déclinaisons sont multiples. Il est utile de preciser qu'il y a trois sortes de dukkha :
  • 1. dukkha en tant que souffrance ordinaire (dukkha-dukkha), 2. dukkha en tant que souffrance causée par le changement (viparinama-dukkha), et 3. dukkha en tant qu'état conditionné (samkhara-dukkha).
    Source : L'enseignement du Bouddha de Walpola Rahula.
Zopa2 a écrit :
16 janvier 2018, 19:23
N'y a t-il pas un sutra (et non des moindres) dans lequel le Bouddha parle juste de ce désir, de cette soif, comme étant l'origine de la souffrance ?
Ben justement, c'est le fameux Dhammacakkapattavana ou la mise en mouvement de la Roue du Dhamma.



Enseignements en rapport avec le sujet.


jap_8
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Zopa2
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Bonjour Tirru,

Merci pour ces éléments de réponse et pour avoir rappelé que d'autres discours du Bouddha parlent de l'ignorance comme de la cause fondamentale de la souffrance.

Il n'empêche que je trouve significatif le fait que le Bouddha ne parla que de tanha dans son premier discours car le sermon de Bénarès est en quelque sorte le discours fondateur du bouddhisme.

D'une certaine manière, tous les autres discours du Bouddha ne sont que des commentaires de ce premier Sermon. Maintenant il faudrait se pencher sur cette soif pour comprendre précisément ce qu'elle est et ce qu'elle recouvre.


Le glossaire du site bouddha-vacana indique :

" taṇhā: appétence, avidité, désir, appétit, soif, passion. Synonyme de rāga et lobha. Le terme apparaît notablement dans :

1) dans l'exposition de dukkha-samudaya-ariyasacca (voir SN 56.11), il est déclaré que c'est la cause de dukkha et elle est déclinée en trois types:

1. kāma-taṇhā
2. bhava-taṇhā
3. vibhava-taṇhā "
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tirru...
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white lotus jap_8

Merci Zopa. Il n'y a pas qu'un seul sutta qui parle de tanha mais plusieurs et tout les sutta se valent, de la même façon que le Dhamma est bon en son début, bon en son milieu et bon en sa fin dans tout les sutta. Par ailleurs, puisque nous parlons des causes qui engendrent dukkha, permet moi de partager avec toi cet extrait du livre "Le premier enseignement de Bouddha" du Vén. Dhamma Rewata :
Le désir, un facteur mental, est une force très puissante qui engendre non seulement la souffrance dans cette vie, mais aussi la perpétuation de l’existence. Il construit et reconstruit le monde, maintes et maintes fois. La vie dépend du désir de vivre. Cependant, le désir n'est pas la seule cause de la naissance de dukkha. Le désir est conditionné par d’autres facteurs dont le plus immédiat est vedana, la sensation. Selon le bouddhisme, il n’existe pas de cause première, mais un nombre incalculable et sans commencement de causes et de conséquences, qui sont interdépendantes et inter-relatives. Les choses ne sont jamais dues à une seule cause, pas plus qu'elles ne sont sans causes. Toute chose dans l’univers est conditionnée, conditionnante et reliée. Le désir, ou tanha, est considéré comme la cause la plus immédiate de la souffrance.
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Zopa2
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Prenons la première forme de tanha.

Le même glossaire dit :

"kāmataṇhā: [kāma+taṇhā] appétence pour la sensualité. C'est l'un des trois types de taṇhā."

Maintenant, existe t-il un discours du Bouddha dans lequel il explique en quoi cette soif des plaisirs des sens est l'origine de la souffrance ?
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ShraWaKa
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Merci Zopa pour cette mise en lumière et tirru pour ces précisions.

Je précise que ma pratique autodidacte et solitaire ne m'autorise pas à parler en qualité d'expert du Theravada...

Selon ma compréhension, les causes de la souffrance du point de vue Theravada ou Mahayana ne sont pas différentes.

L’enchaînement des causes conduisant à la souffrance peut être décrit par la loi de la production conditionnée paticcasamuppada

La production conditionnée fait référence à la façon dont la souffrance apparaît en dépendance directe de l’échec à appréhender correctement la réalité (ignorance) et de l’esclavage des désirs:
En dépendance de
1. l’ignorance (avijja ), apparaissent :
2. les facteurs d’existence (sankhara),
3. en dépendance des facteurs d’existence apparaît la conscience discriminative (viññana),
4. en dépendance de la conscience discriminative apparaît l’individualité psychophysiologique
(nama ruppa),
5. en dépendance de l’individualité psychophysiologique apparaissent les six bases des activités
des sens (salayatana),
6. en dépendance des six bases des activités des sens apparaît le contact (phassa),
7. en dépendance du contact apparaissent les sensations (vedana ),
8. en dépendance des sensations apparaît le désir ardent (tanha ),
9. en dépendance du désir ardent apparaît l’attachement (upadana),
(...)
Source vivekarama
En dépendance du désir et de l'attachement apparaissent les poisons de l’esprit:
Lobha:
Avidité, cupidité, convoitise. La propension à s’accrocher, coller à, chercher le plaisir dans les
objets conduisant à l’esclavage, l’attachement.
Comprend tous les degrés, depuis la plus légère trace d’attachement jusqu’aux formes les plus
crasses de convoitise et d’égocentrisme.

Dosa:
Malveillance. Comprend tous les degrés d’aversion, depuis la plus légère touche de mauvaise
humeur (envers les autres ou envers soi-même) jusqu’aux formes extrêmes de colère, de violence et
d’esprit de revanche et de haine.

Moha:
Illusion, stupidité, sottise.
Source vivekarama
En dépendance des poisons de l’esprit apparaît le mauvais kamma:
Bien que l’ignorance puisse apparaître comme une cause première, à l’origine de toutes les autres formes de pollutions mentales, en réalité c’est le désir qui joue le rôle dominant de par sa façon de s’exprimer dans le comportement. C’est pourquoi il est dit, dans les Quatre Nobles Vérités, que la soif du désir est la cause de la souffrance.

Du fait de l’aveuglement et de la confusion engendrés par l’ignorance et la soif du désir, le mauvais kamma a plus de chances de l’emporter sur le bon kamma. Mais quand l’ignorance est tempérée par une vision saine des choses et par la pensée juste, et que le désir est dirigé et entraîné par de nobles buts, le bon kamma a plus de chances de l’emporter sur le mauvais kamma et de donner des résultats bénéfiques. Si le désir est orienté sagement, il devient un outil de valeur pour combattre l’ignorance et les poisons du mental. La première démarche est malsaine, stupide et mauvaise, tandis que la seconde mène à la bonté, l’intelligence et la pureté. Les personnes non éveillées, qu’elles soient bonnes ou mauvaises, souffrent toutes d’une manière ou d’une autre, mais seule la voie de la bonté peut mener à la cessation de la souffrance, à la libération et à la liberté.

Source dhammadelaforet
La particularité du Therevada réside peut être dans le fait que l'accent est mis sur la pratique méditative afin de briser le cycle de la production conditionnée.
Se contenter de palabrer sur paticcasamuppāda n'est que de la philosophie dans le pire sens du terme, c'est inutile et sans valeur. Ce qu’il faut, c’est pratiquer les enseignements de l’interdépendance en empêchant l'apparition de la souffrance grâce à une parfaite vigilance au niveau des six portes des sens, là où s'établit le contact sensoriel. On y parvient en y appliquant toutes ses facultés de développement mental, de sorte que les « pollutions mentales » (āsavas) ne puissent apparaître. Telle est la loi d'interdépendance perfectionnée dans le sens de la cessation de la souffrance. Quel que soit le nom que l’on donne à ce processus, rien n'y changerait. Cette pratique de paticcasamuppāda s'appelle « la voie juste » (sammā-patipadā).

Source dhammadelaforet
flower_mid
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davi
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Il est vrai que tout phénomène agit en interdépendance et l'ignorance ne saurait exister en elle-même (et c'est heureux). D'après les enchaînements de la coproduction des phénomènes, la soif est la cause directe de l'action qui crée le karma, cependant en arrière plan c'est l'ignorance qui oeuvre, et sans celle-ci, pas de soif et pas d'action karmique. L'ignorance est présente à tous les stades des enchaînements. C'est vraiment une compréhension erronée qui accompagne chacune de nos pensées ordinaires.
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
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Zopa2
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tirru... a écrit :
18 janvier 2018, 23:16
Par ailleurs, puisque nous parlons des causes qui engendrent dukkha, permet moi de partager avec toi cet extrait du livre "Le premier enseignement de Bouddha" du Vén. Dhamma Rewata :
Le désir, un facteur mental, est une force très puissante qui engendre non seulement la souffrance dans cette vie, mais aussi la perpétuation de l’existence. Il construit et reconstruit le monde, maintes et maintes fois. La vie dépend du désir de vivre. Cependant, le désir n'est pas la seule cause de la naissance de dukkha. Le désir est conditionné par d’autres facteurs dont le plus immédiat est vedana, la sensation. Selon le bouddhisme, il n’existe pas de cause première, mais un nombre incalculable et sans commencement de causes et de conséquences, qui sont interdépendantes et inter-relatives. Les choses ne sont jamais dues à une seule cause, pas plus qu'elles ne sont sans causes. Toute chose dans l’univers est conditionnée, conditionnante et reliée. Le désir, ou tanha, est considéré comme la cause la plus immédiate de la souffrance.


Bonjour, je reprends le fil de ce sujet.

Si le désir est " un facteur mental, très puissant, qui engendre non seulement la souffrance dans cette vie, mais aussi la perpétuation de l'existence " comme le dit le vénérable dans la citation ci-dessus, cela veut-il dire que la voie consiste :
A se dépouiller de ses désirs ? A se dépouiller non seulement de ses désirs les plus " avides " mais également de tous ses désirs ? A vider complètement son esprit de toute forme active du désir ? A se libérer totalement de leur emprise sur nos autres pensées ou de leur influence sur nos actes ? A se contenter de les regarder passer comme des nuages dans le ciel, sans y adhérer un seul instant et sans les suivre ? C'est ma première question.


Ma deuxième est : Si l'on adhère à la vision que le désir engendre la souffrance, cela veut-il dire qu'en réalité les désirs ne sont que souffrance et sources de souffrance ? Et qu'il n'y a donc aucune forme de positivité dans le désir ? Aucune utilité ? Aucun élan bénéfique ? Aucune énergie porteuse de bien ou de bien-être ?

Ma troisième est : En observant votre esprit, combien de désirs éprouvez-vous dans une journée moyenne ? Notre journée n'est-elle pas tissée d'une multitude de désirs, aux formes variées, formes se déclinant elles-mêmes en de nombreuses variations, comme des couleurs primaires se mélangeant pour former au final un nombre incroyable de couleurs ?

Ma quatrième question est : Faites vous une différence entre le désir et l'attachement ? Si oui, laquelle ? Serait-il possible de donner des définitions et des exemples ?

Ma cinquième : Faites vous une différence entre le désir et le besoin ? Si oui, laquelle ? Serait-il possible de donner des définitions et des exemples ?

Ma sixième : Faites-vous une différence entre le désir et l'intention ? Si oui, laquelle ? Des définitions et exemples éventuellement ?

Merci d'avance et bon dimanche.
jap_8
Dernière modification par Zopa2 le 04 février 2018, 12:58, modifié 1 fois.
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Zopa2
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Ps: ne vous sentez obligés de répondre à toutes ces questions. (Il y en a plus que six en réalité).

Répondre déjà aux deux premières serait déjà beaucoup (pour clarifier ma pensée et peut être celle d'autrui par la même occasion).

Merci
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tirru...
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Bonjour Zopa et merci pour ces questionnements très intéressant. L’occasion de replonger dans les enseignements. Je ne propose pas de réponse mais de s’intéresser à un sutta qui contient des éléments de réponse, il s’agit du Magandiya Sutta dont extrait :
Je vois d'autres êtres qui ne sont pas dénués d'avidité sensuelle, qui sont consumés par l'appétence pour [les agréments de] la sensualité, qui brûlent de l'ardeur liée aux [agréments de] la sensualité, et qui recherchent [les agréments de] la sensualité, mais je ne les envie pas et je n'y trouve aucune satisfaction. Et quelle en est la raison? Parce que je jouis d'un plaisir qui est séparé de la sensualité, qui est séparé des états mentaux désavantageux, surpassant même le bien-être des dévas, et que par conséquent je n'envie pas ce qui est inférieur, et je n'y trouve aucune satisfaction.
jap_8
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