Il y a ce réflexe d'éviter la souffrance. Ce soir, j'allais travailler et sur la route un corps était étendu...je n'ai pas tout de suite vu que c'était un corps, parce que quelqu'un avait étalé une couverture dessus, je me demandais qu'elle était cette forme et j'ai même fait des drôle d'associations: couverture, déménagement ? il y avait une voiture coffre ouvert à côté.
Puis j'ai distingué une partie d'un pied, et là, j'ai cessé de m'évader en pensées: c'était un corps allongé là et une dame à côté, téléphonait. Je lui ai demandé si je pouvais faire quelque chose, elle m'a répondu que les pompiers allaient arriver et une autre dame est sortie d'une maison à ce moment là avec une autre couverture. Il faisait froid. La situation était prise en mains.
Je suis passée à côté du corps parce que j'allais dans l'immeuble suivant, et j'ai vu des tâches de sang au niveau de la tête de la personne qui semblait inconsciente. Ce que cela m'a fait ? et bien, passé le moment où j'ai eu la tête froide, après avoir évalué la situation, une sorte d'effroi en voyant mon esprit partir dans des visions qui tentait de reconstituer l'impossible: comment cette dame était-elle tombée, est-ce qu'elle allait vivre, est-ce qu'elle souffrait, allait-elle mourir ? Cela n'a pas duré car j'ai du chasser mes pensées parce que ma présence était requise ailleurs.
Je suis partie travailler et je n'y ai plus pensé, sauf en ressortant de l'immeuble et j'ai eu une tristesse profonde...encore les pensées...est-ce qu'ils avaient contacté les proches de la personne, était-elle toujours en vie, le camion de pompier était-il arrivé à l'hôpital ?
J'ai pris une grande respiration et me suis concentrée sur autre chose. Cela ne servait à rien, toutes ces pensées.
Il y a la souffrance. Et parfois les corps la crie et il y a là une grande solitude.
L'origine de la souffrance
Bonsoir Yudo,yudo a écrit : ↑08 février 2018, 21:52
On voit donc bien que pour mettre fin à l'insatisfaction, il ne faut pas cesser de "désirer", mais bien cesser de tenter de remplir notre vide intérieur comme si ce vide était un manque, et comprendre qu'il est en fait ce qui nous permet de bouger, de vivre. Et la méthode pour y arriver, c'est de faire les choses correctement.
Comme me le disait tout le temps un de mes profs au Conservatoire, "ce qui mérite d'être fait mérite d'être bien fait", et ma vie d'artisan m'a TRES amplement démontré la justesse de cet aphorisme.
Ai-je trop simplifié ?
Si j'ai bien compris, nous ressentons souvent à tort ce vide comme un manque à combler, alors qu'il faudrait l'observer comme un espace qui nous permet de bouger (d'agir).
La méditation comme le dit Jules est un moyen d'identifier ce vide et de l'accueillir.
Et une fois observé et accueilli, agir correctement est la réponse adaptée au vide identifié comme vide, alors que dès que le vide est perçu comme un manque, l'accumulation (= samudaya; 2ème noble vérité - appelée communément désir, soif) est la réponse adaptée à l'insatisfaction ressentie (=dukkha;1ère noble vérité - appelée communément souffrance)
Ai-je bien compris ?
En fait, sans ce vide, il n'y aurai pas de réponse au vide; donc le vide est nécessaire car sinon il n'y aurait pas d'action (?).
A nous de faire en sorte que la réponse soit la plus juste possible et que les désirs soient les plus justes possibles; est-ce bien cela que tu appelles bouger, vivre ? car si la réponse est l'accumulation, elle est excessive et nous ne vivons plus mais "souffrons" ?
Davi. Je pense aussi que la souffrance est une distorsion de la réalité puisqu'elle déforme le vide en manque, que cette distorsion résulte de l'ignorance et entraine une mauvaise réponse.davi a écrit : ↑07 février 2018, 20:32D'après moi, la vraie cause de la souffrance est l'ignorance, non pas qu'elle créé directement les actions - l'ignorance ne créé rien du tout, c'est juste une vue, et on l'a vu, c'est l'intention qui créé le karma (les formations karmiques, deuxième maillon de la coproduction conditionnée, appelé aussi formations volitionnelles...) - mais c'est parce que la souffrance est une distorsion de la réalité;
La méditation est aussi un moyen de faire en sorte que l'action (réponse) soit la plus juste possible.
Et elle doit se faire en amont. Jules
La plus grande difficulté pour moi est d'accéder au gouffre pendant la méditation ...
et de définir ce qu'est l'action la plus juste possible... "ce qui mérite d'être fait doit être bien fait" me semble être une réponse... Yudo.
Il me semble que tu as bien capté ce que je tentais de faire passer.
Quand au travail bien fait, j'ai en mémoire ce que disait Kengan Robert sur l'émission de France 2, à la question de l'interviouveuse qui lui parlait de "confiance en soi".
Il avait répondu: "Confiance en soi? On n'a pas besoin d'avoir confiance en soi. Ce qu'il faut, c'est avoir confiance en ce qu'on fait".
Le paradoxe ici, c'est que lorsqu'on a confiance en ce qu'on fait, mais pas confiance en soi, on accepte plus volontiers les conseils autorisés, ainsi que les erreurs. En fait, on accepte les erreurs en tant qu'enseignement, nous permettant à chaque fois de faire mieux, et surtout de ne pas les répéter. C'est à ce titre que les "défauts" peuvent se révéler utiles. La paresse, par exemple, est un défaut dont l'utilité est immense, si on sait s'en servir. En effet, bien faire le travail demande moins de temps et d'énergie, tout compris, parce qu'on exécute le travail plus vite, certes, mais aussi parce qu'il n'y a pas à y revenir. Tous les défauts sont ainsi retournables, et c'est en grande partie en les utilisant ainsi que j'ai pu arrêter de fumer sans pour autant stresser à mort, il y a quarante ans.
Quand au travail bien fait, j'ai en mémoire ce que disait Kengan Robert sur l'émission de France 2, à la question de l'interviouveuse qui lui parlait de "confiance en soi".
Il avait répondu: "Confiance en soi? On n'a pas besoin d'avoir confiance en soi. Ce qu'il faut, c'est avoir confiance en ce qu'on fait".
Le paradoxe ici, c'est que lorsqu'on a confiance en ce qu'on fait, mais pas confiance en soi, on accepte plus volontiers les conseils autorisés, ainsi que les erreurs. En fait, on accepte les erreurs en tant qu'enseignement, nous permettant à chaque fois de faire mieux, et surtout de ne pas les répéter. C'est à ce titre que les "défauts" peuvent se révéler utiles. La paresse, par exemple, est un défaut dont l'utilité est immense, si on sait s'en servir. En effet, bien faire le travail demande moins de temps et d'énergie, tout compris, parce qu'on exécute le travail plus vite, certes, mais aussi parce qu'il n'y a pas à y revenir. Tous les défauts sont ainsi retournables, et c'est en grande partie en les utilisant ainsi que j'ai pu arrêter de fumer sans pour autant stresser à mort, il y a quarante ans.
La responsabilité des élèves est d'empêcher le maître de se "prendre pour un maître".
Merci Floch, Yudo et Jules pour cet éclairage fort instructif...
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
Merci Yudo pour tes explications et tes conseils.
Il me semble que je comprends encore mieux le "responsable mais pas coupable !". On n'est pas coupable parce qu'on accepte nos erreurs, mais responsable parce qu'on doit les prendre en considération pour agir de manière plus juste.
Et si on peut mettre nos défauts au service d'actes plus justes, on peut aussi mieux accepter notre part d'ombre.
D'où l'intérêt de méditer et d'observer tout ce qui se passe en nous, même si ce n'est pas toujours agréable.
Tout ceci prend encore plus de sens aujourd'hui.
MERCI Yudo
Je vais chercher des interviews de Kengan Robert...
En fait, avoir confiance en ce qu'on fait, c'est ne pas "juger" nos erreurs mais tenir compte de ces erreurs et des conseils pour en retirer un enseignement et s'améliorer.yudo a écrit : ↑10 février 2018, 09:20Kengan Robert: "Confiance en soi? On n'a pas besoin d'avoir confiance en soi. Ce qu'il faut, c'est avoir confiance en ce qu'on fait".
Le paradoxe ici, c'est que lorsqu'on a confiance en ce qu'on fait, mais pas confiance en soi, on accepte plus volontiers les conseils autorisés, ainsi que les erreurs. En fait, on accepte les erreurs en tant qu'enseignement, nous permettant à chaque fois de faire mieux, et surtout de ne pas les répéter. C'est à ce titre que les "défauts" peuvent se révéler utiles. ...
Tous les défauts sont ainsi retournables
Il me semble que je comprends encore mieux le "responsable mais pas coupable !". On n'est pas coupable parce qu'on accepte nos erreurs, mais responsable parce qu'on doit les prendre en considération pour agir de manière plus juste.
Et si on peut mettre nos défauts au service d'actes plus justes, on peut aussi mieux accepter notre part d'ombre.
D'où l'intérêt de méditer et d'observer tout ce qui se passe en nous, même si ce n'est pas toujours agréable.
Tout ceci prend encore plus de sens aujourd'hui.
MERCI Yudo
Je vais chercher des interviews de Kengan Robert...
La responsabilité des élèves est d'empêcher le maître de se "prendre pour un maître".
Je pense que la méditation est en soi l'accès au gouffre et qu'elle ne nécessite aucune intention particulière d'accéder à ce dernier autre que celle de s'asseoir dans la posture du lotus. Méditer, c'est donc quelque part prendre la posture de non "divertissement" par excellence dans le sens Pascalien du terme si je peux dire.Floch : La plus grande difficulté pour moi est d'accéder au gouffre pendant la méditation ...
"Les Hommes n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, ils se sont avisés pour se rendre heureux de ne point y penser" B. Pascal
...Quelque part donc, toute occasion de nous détourner de ces réalités qui font peur est malencontreusement bonne à prendre, d'où la quantité de subterfuges ayant pour objectifs de s'en distraire, là où la méditation/contemplation signifierait à contrario : incarner l'attitude qui se dégage spontanément et automatiquement de la pratique de l'assise immobile et silencieuse ; attitude consistant à -faire face au Dragon pour apprendre à le connaître-.
Donc la pratique quotidienne de zazen dans la posture silencieuse, immobile, en lotus, et sans attente (aucune intention d'accéder au gouffre) nous détourne des distractions, permet d'accéder au gouffre et de contempler notre dragon intérieur ...jules a écrit : ↑10 février 2018, 13:03
Je pense que la méditation est en soi l'accès au gouffre et qu'elle ne nécessite aucune intention particulière d'accéder à ce dernier autre que celle de s'asseoir dans la posture du lotus. Méditer, c'est donc quelque part prendre la posture de non "divertissement" par excellence dans le sens Pascalien du terme si je peux dire.
"Les Hommes n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, ils se sont avisés pour se rendre heureux de ne point y penser" B. Pascal
...Quelque part donc, toute occasion de nous détourner de ces réalités qui font peur est malencontreusement bonne à prendre, d'où la quantité de subterfuges ayant pour objectifs de s'en distraire, là où la méditation/contemplation signifierait à contrario : incarner l'attitude qui se dégage spontanément et automatiquement de la pratique de l'assise immobile et silencieuse ; attitude consistant à -faire face au Dragon pour apprendre à le connaître-.
et mieux le (se) connaitre.
Je comprends mieux avec ton histoire de dragon... Merci Jules