Pour le Bouddha les croyances et les pratiques magiques reposent sur l'idée absolument fausse que toutes les lois naturelles, dont la loi du kamma, peuvent être contournées, ou même détournées.
Il classe de ce fait toutes les pratiques magiques dans la catégorie des arts bas et vulgaires (tiracchana-vijja littéralement <<les sciences bestiales>>) et le fait d'en tirer sa subsistance dans la catégorie des mauvaises façons de vivre (miccha-jiva).
Le Bouddha dresse, pour toutes les rejeter, une liste exhaustive des innombrables techniques utilisées par les <<magiciens>> : toutes les formes de divination, l'astrologie, les offrandes destinées à rendre favorable une divinité, l’invocation et la vénération des esprits, les amulettes de protection, la récitation et l'enseignement de formules destinées à protéger sois-même ou ses biens, la consécration de sites destinés à la construction, les exorcismes, la magie noire, l'utilisation de potions ou des remèdes pseudo-medico ect.
Si le Maître, bienveillant et réaliste, n'adresse pas de reproches trop rudes aux laïques non bouddhistes qui tentent maladroitement d'améliorer leur sort, même s'ils perdent leur temps et leur argent en sollicitant de prétendus magiciens, il sermonne en revanche durement ses propres disciples :
<< Un disciple laïc est le plus bas des disciples, une tache pour les disciples, la lie des disciples s'il est avide de magie protectrice et cérémonies, s'il croit à la magie protectrice et aux cérémonie et non au kamma >> (Candala-Sutta S/ANG V/18/5n°175)
Le Bouddha ne fait à fortiori aucune concession aux moines, il leur demande de s'abstenir de telles pratiques, et de ne pas les utiliser pour assurer leur subsistance ou leur renommée. Il considère que le rôle social des moines est de montrer l'exemple du renoncement, non de satisfaire les demandes irrationnelles des laïques et de les encourager à cultiver les intérêts égoïstes à l'origine des pratiques magiques.
Tout visiteur ou connaisseur des contrées bouddhistes peut aisément mesurer la distance qui, en ce domaine, sépare les enseignements pourtant clairs du Bouddha des croyances et pratiques courantes.
Cette omniprésence de la magie a plusieurs origines.
Tout d'abord le bouddhisme ne s'est imposé que progressivement dans des sociétés dont la culture et les croyances premières étaient animistes : les <<génies>> bienveillants (
chao thi en Thailande et au Laos,
neak ta au Cambodge,
nat au Myanmar), gardiens du sol, des champs, des arbres, des demeures, sont respectés et fréquemment sollicités ; on vénère les grands arbres où ils demeurent, on leur construit des autels et <<maisons des esprits>>.
Le bouddhisme a également du composer avec des coutumes et des rites provenant de l'hindouisme, une religion avec laquelle il restera en concurrence durant des siècles : son influence perdure à travers la magie, noire ou blanche, comme à travers certains rituels royaux.
Le bouddhisme lui même a laissé une place en son sein à de puissants courants mystiques et ésotériques ; même affaiblis par les réformes modernistes du XIXéme siècle, leur influence reste très visible sous la forme notamment de pratiques <<de protection>> : récitations de textes (les paritta) ou des formules s'appuyant sur les syllabes et imprimés ou tatouées (les yanta), statuettes et amulettes.
Dans ce domaine aussi le bouddhisme fait preuve de la plus grande tolérance en acceptant une certaine répartition des rôles : lui a pour objet la libération, spirituelles et définitive ; les pratiques animistes, hindouistes, magiques, elles, ne sont utiles qu'a l'obtention d'une aide matérielle, temporaire, aléatoire...
Extrait du livre 100 questions sur le bouddhisme Theravāda