La déchéance de Devadatta

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La déchéance de Devadatta

Bouddha convoqua ses deux disciples suprêmes, les Vénérables Sāriputtarā et Mahā Moggalāna :

« Ô Sāriputtarā et Mahā Moggalāna ! Les cinq cents moines qui ont suivi Devadatta sont entrés dans le saṃgha, car ils cherchent la paix de nibbāna. À cause de Devadatta, ils sont sur le point de quitter le saṃgha, car ils sont à cours de nourriture et de vêtements. Allez les voir et enseignez-leur le dhamma ! »

Les deux aggasāvaka (les deux plus nobles disciples de Bouddha — les Vénérables Sāriputtarā et Mahā Moggalāna) partirent à la rencontre des disciples de Devadatta. Quand ce dernier les aperçut de loin, il fut empli d’une immense joie. Quand son principal disciple, le moine Kokālika, remarqua l’allégresse qui animait son maître, il voulut le mettre en garde :

« Vénérable Devadatta ! Ne faites pas confiance à ces deux moines !

— Ne vous en faites pas ! Ils viennent vers moi, car ils apprécient les cinq pratiques que j’impose à ma communauté. Ils viennent pour s’intégrer à nous ! »

Au moment où les deux aggasāvaka arrivèrent parmi eux, Devadatta les accueillit dignement. Il leur fit préparer deux bonnes places pour qu’ils puissent s’installer. Néanmoins, déclinant l’hospitalité de Devadatta, ils s’assirent tous deux à une autre place. Devadatta commença à délivrer un enseignement devant tous ses disciples et les deux invités, sans mot dire, écoutaient tranquillement parler l’irraisonné. Après un long enseignement qui dura jusqu’à la nuit, épuisé, Devadatta invita le Vénérable Sāriputtarā à prendre sa place avant d’aller se coucher :

« Ami Sāriputtarā ! Je suis fatigué, à présent je vais me reposer. Je vous en prie, donnez un enseignement ! »

Le Vénérable Sāriputtarā délivra un enseignement à propos des quatre nobles vérités. Ensuite, le Vénérable Mahā Moggalāna donna à son tour un enseignement, qui lui, traitait des pouvoirs psychiques. Après avoir entendu l’enseignement de chacun des deux aggasāvaka, les cinq cents moines présents – hormis les quatre disciples principaux de Devadatta – devinrent sotāpana. À l’arrivée du jour nouveau, le Vénérable Sāriputtarā vint poliment annoncer son départ à Devadatta qui venait tout juste de se réveiller :

« Ô Devadatta ! Nous nous en allons, maintenant. Ceux qui apprécient votre enseignement viendront vers vous, ceux qui apprécient le nôtre viendront vers Bouddha. »

Au moment où les deux aggasāvaka s’éloignèrent, les cinq cents moines présents les suivirent. Assistant au départ de ses cinq cents anciens disciples, Devadatta devint fou de colère au milieu des quatre disciples qui lui restaient. Également furieux, le moine Kokālika lui donna un violent coup de genou dans la poitrine, avant de lui hurler sur un ton de reproche :

« Ne vous avais-je pas dit de ne pas les accepter ? Voyez où nous en sommes, à présent ! »

Tombé à terre, Devadatta fut gravement blessé par son disciple, à tel point qu’il vomit du sang en abondance. Il se mit à réfléchir à tous ses actes nuisibles et à toutes les recommandations qui lui furent faites. Se remettant entièrement en question, il finit peu à peu par avoir de profonds regrets sur ses agissements. Il réalisait sur le tard les conséquences néfastes que ses actes étaient susceptibles d’engendrer. Ses réflexions aboutirent à une volonté très forte d’aller reconnaître ses erreurs auprès de Bouddha en lui demandant pardon. Comme il ne pouvait pas marcher, il demanda à ses quatre derniers disciples de le transporter, à l’aide d’un banc, au monastère du Bienheureux, qui demeurait alors à Sāvatthi. Juste avant d’arriver, après un pénible voyage en raison du transport de Devadatta, assoiffés, les quatre moines posèrent le banc à terre pour se désaltérer dans un étang situé devant l’entrée du monastère de Jetavana.

Alors que les quatre moines étaient en train de boire, Devadatta était seul, assis sur son banc, attendant que les autres finissent de boire. Impatient d’épancher sa soif, il posa ses pieds à terre pour tenter de se redresser. Mais soudainement, dès que ses pieds se posèrent au sol, la terre s’ouvrit sous lui, l’aspirant lentement, telle une géante bouche l’avalant en douceur. Pendant qu’il descendait, il joignit les mains et se courba, malgré la douleur qui le tiraillait depuis le mauvais coup qu’il reçut à la poitrine, en direction de Bouddha. Il lui rendait hommage, en lui demandant pardon, avec ses plus sincères regrets. C’est ainsi que, absorbé dans un état d’esprit extrêmement bénéfique, Devadatta plongea lentement dans les feux du plus violent des enfers, dans lequel il restera pendant l’effrayante durée d’un kappa complet. Toutefois, en raison du puissant kusala qu’il développa durant les derniers instants de sa vie, après son séjour infernal, il deviendra un pacceka buddha et aura le nom d’Aṭṭhissara, ce qui signifie « celui qui prend conscience du dhamma par la vue d’ossements ».

Auteur : Moine Dhamma Sāmi

Date : Janv. 2004
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