Thème du mois de Mai : Upekkhā - l'équanimité

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tirru...
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Effectivement Axiste, tout est lié. On aurait une compréhension incomplète d'Uppekhā sans là mettre en rapport avec Mettā, Karunā et Muditā, qui sont indissociables et complémentaires. Le lien que tu as cité est un texte du Vén. Nyanaponika que je recommande à Ted pour son dernier questionnement. J'ai d'ailleurs retrouvé la suite de ce texte que je vais retranscrire et il y est justement question du rapport d'Upekkhā avec Mettā, Karunā et Muditā. J'ai également trouvé un texte dans un livre en anglais de Sayadaw U.Pandita, disciple de Mahasi Sayadaw qui offre d'autres enseignements pour comprendre Uppekhā. A suivre... <<metta>>
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tirru...
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Bonjour,

Comme convenu, la suite du lien ci-dessous qui montre le rapport d'Uppekhā avec Mettā, Karunā et Muditā. Un peu long, parfois grandiloquent mais néanmoins intéressant et instructif :

http://www.dhammadelaforet.org/sommaire ... imite.html
Comment alors pénètre-t-on dans ces quatre états sublimes, et comment fusionnent-ils l’un dans l’autre ?

L’amour bienveillant abondant protège la compassion contre la tendance à la partialité, l’empêche de faire des discriminations de choix et d’exclusion, et ainsi évite la partialité ou l’aversion contre le côté exclu.

L’amour bienveillant apporte à l’équanimité son absence d’égoïsme, sa nature non limitable et même sa ferveur. Parce que la ferveur, transformée et contrôlée, fait aussi partie de l’équanimité, fortifie son pouvoir de fine pénétration et de sage contrainte.

La compassion empêche l’amour bienveillant et la sympathie joyeuse d’oublier que, tandis que certains se réjouissent ou profitent d’un bonheur temporaire et limité, d’autres en même temps subissent dans le monde les plus terribles souffrances. Elle rappelle que le bonheur coexiste avec une misère sans limite, qui se trouve peut-être au prochain tournant. La compassion rappelle à l’amour bienveillant et à la sympathie joyeuse qu’il y a plus de souffrance dans le monde qu’il n’est en leur pouvoir d’adoucir ; qu’après que cet adoucissement s’est évanoui, le Chagrin et la peine sont sûrs de réapparaître tant que la souffrance n’a pas été déracinée par l’atteinte du nibbâna. La compassion ne permet pas que l’amour bienveillant et la sympathie joyeuse se ferment à un vaste monde et se confinent dans un secteur étroit. Elle ne tolère pas que l’amour bienveillant et la sympathie joyeuse se tournent en un état de complaisance envers soi-même dans un bonheur jalousement gardé. Elle incite l’amour bienveillant à élargir sa sphère ; elle incite la sympathie joyeuse à chercher de fraîches nourritures. Ainsi, elle aide les deux autres à croître vraiment en les états inimitables (appamanna).

La compassion nous empêche de tomber dans une froide indifférence, nous fait éviter l’indolence et l’isolement égoïste. Jusqu’à ce que l’équanimité ait atteint la perfection, la compassion incite à entrer toujours à nouveau dans le champ de bataille du monde, afin de pouvoir soutenir l’épreuve en nous durcissant et en nous fortifiant. La sympathie joyeuse empêche la compassion de se laisser dépasser par la vue de la souffrance dans le monde, de se laisser absorber par cette vision à l’exclusion de toute autre chose. La sympathie joyeuse soulage la tension d'esprit, adoucit la brûlure du cœur compatissant. Elle protège la compassion contre la mélancolie qui se nourrit sans raison d'une inutile sentimentalité — qui affaiblit et consume la force de l'esprit et du cœur. La sympathie joyeuse fait de la compassion une sympathie active.

La sympathie joyeuse donne à l’équanimité cette douce sérénité qui adoucit son apparence austère. C’est sur le visage de l’illuminé le divin sourire qui persiste en dépit de la profonde connaissance qu'il a de ce monde de souffrance, un sourire qui donne soulagement, espoir, absence de crainte et confiance : « Grandes ouvertes sont les portes de la délivrance », ainsi est-il dit.

L’équanimité, qui a sa racine dans la vision intérieure, est pour les trois autres états leur guide et une force restrictive ; elle leur montre la direction qu’ils doivent prendre, et si cette direction est suivie, l’équanimité empêche l’amour bienveillant et la compassion de se dissiper en vaines recherches et de se perdre dans le labyrinthe d'émotions incontrôlées. L’équanimité est un contrôle vigilant de soi pour le but final qui ne permet pas à la sympathie joyeuse de se contenter d’humbles résultats et d'oublier le vrai but pour lequel il faut lutter.

L’équanimité, qui est « égalité d’esprit », donne à l’amour bienveillant une continuité dans la fermeté, l'unité et la loyauté. Elle lui donne la grande vertu de patience. L’équanimité fournit à la compassion une continuité de courage inébranlable et sans crainte et lui permet ainsi de faire face à l'abîme de misère et de désespoir dont la compassion lui a fait prendre conscience. Le côté actif de la compassion et de l’équanimité est la main calme et ferme tenue par la sagesse ; elle est indispensable à ceux qui désirent pratiquer l'art difficile d'aider les autres. Et là encore l’équanimité signifie patience - patience dans le travail de la compassion.

De cette manière et d’autres encore, la compassion peut être considérée comme le couronnement et le point culminant des trois autres états sublimes. Le premier des trois, s'il n'est pas relié à l’équanimité et à la vision intérieure qui lui est inhérente, peut s’affaiblir faute de facteur stabilisant. Les vertus isolées, si elles ne sont pas soutenues par d'autres qualités, fermeté ou souplesse (comme cela peut arriver), ou bien se détériorent, ou bien tombent dans des défauts qui leur sont relatifs. Par exemple, l’amour bienveillant sans énergie et sans vision intérieure peut facilement tourner en bonté sentimentale et en faiblesse et être sujet à caution. Des vertus isolées peuvent aussi souvent conduire l’homme dans une direction par leurs couleurs variées. Ils ne peuvent briser sa dureté, ni changer sa structure harmonieuse. Inchangé demeure le cristal dans sa pureté et dans sa force naturelle. De même que les cours d'eau de la terre entrent dans le grand océan, et que toutes les eaux du ciel y tombent sans l’augmenter ni le diminuer, de même est la nature de la sainte équanimité.

La sainte équanimité, ou — comme nous pouvons aussi le dire — le Saint revêtu de la sainte équanimité, est le centre du monde. Mais ce centre intérieur doit être bien distingué des nombreux centres apparents des sphères limitées, qui sont ce qu'on appelle leurs « personnalités». Ce sont seulement des centres apparents parce qu’ils cessent d’être des centres quand leurs sphères, obéissant aux lois de l’impermanence, commencent à changer de structure, et en conséquence de centre de gravité, matériel ou mental. Mais le centre intérieur de l’équanimité du Saint est inébranlable parce qu’il est immuable. Il est immuable parce qu’il ne tient nulle part.

« Pour ce qui est conditionné, le mouvement existe,
mais pour ce qui est inconditionné il n'y a pas de mouvement.
Là où il n'y a pas de mouvement. il y a le silence.
Là où il y a le silence, il n’y a pas de convoitise.
Là où il n’y a pas de convoitise, il n'y a ni aller ni venir.
Là ou il n’y a ni aller ni venir, il n’y a ni apparition ni disparition.
La où il n'y a ni apparition ni disparition, il n’y a ni ce monde, ni un monde au-dessus, ni un état intermédiaire.
Ceci vraiment est la fin de la souffrance.
NYANAPONIKA MAHATHERA

1. Les textes qui suivent sont extrais des ouvrages suivants : The Path of
Purity (visuddhi Magga), ch. lX : Trie Divine Abodes (Colombo, Lake
House Bookshop) ; the Practice of Lovingkindness (Metta) : « As taught by
the Buddha in the Pali canon by Bhikkhu Nanamoli » (The Wheel. n° 7.
Kandy Buddhist Publication Society) ; The Palh of Delivrance by
Nyanallloka Mahathera, pp. 97-118 : The four divine Abodes (Colombo,
Lake House Bookshop].

2. Dîgha-Nlkaya, 13.
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davi
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tirru... a écrit :Le terme Uppekhā est difficile à cerner car il peut prendre plusieurs formes et avoir plusieurs liens comme celui avec les quatre demeures sublimes (Mettā, Muditā, Karunā et Uppekhā) ou avec le regard-neutre du ressenti en rapport avec les six facultés sensorielles ou équanimité de diversité, cela peut être aussi le regard-neutre du jhâna, le regard-neutre impartial, ou encore comme facteur de réalisation. Le visuddhimagga énumère dix sortes de regard-neutre, c'est précisément à cette source que j'ai emprunté le terme regard-neutre ou il est rendu ainsi : Le mot se "décompose en UPApattito, "dés son apparition", et IKKHAti, "regarder". Autres traductions possibles "regarder de près" et "regarder intensément". Toujours dans le vissuddhimagga, il est défini ainsi : "Le regard-neutre consiste à regarder l'objet dès son apparition, et à en avoir une vision uniforme, dépourvue de parti pris (autrement dit, sans pencher vers l'attraction ou ou vers l'aversion). Par ailleurs, dans le lien que tu as indiqué on retrouve cette notion de neutralité et d'impartialité :"L'esprit qui a développé l'équanimité n'est influencé ni par l'agitation ni par la léthargie."
D'accord, donc en fait "neutre" parce que ni rejet ni emprise, mais "pas neutre" parce que libre de l'agitation, il induit la tranquillité, et c'est donc un facteur mental vertueux. Tu serais d'accord avec ça ?
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
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axiste
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Merci pour ce texte Tirru, il est intéressant parce qu'il montre les relations entre l'amour bienveillant, la compassion, la joie et l'équanimité: ils marchent ensemble.
L'équanimité apporte une compensation aux autres états qui, pris tous seuls, peuvent manquer leur but: il y a, grâce à l'équanimité un équilibre et une stabilité qui se crée.
De même les autres états apportent leur équilibre et donnent le cadre aux autres. On pourrait dire que les quatre états s'incluent les uns dans les autres pour fonctionner vraiment, ils forment un tout. <<metta>>
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
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tirru...
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Bonsoir,
davi a écrit :D'accord, donc en fait "neutre" parce que ni rejet ni emprise, mais "pas neutre" parce que libre de l'agitation, il induit la tranquillité, et c'est donc un facteur mental vertueux. Tu serais d'accord avec ça ?
Je ne saisis pas bien ta question, mais peut être que Mahasi Sayadaw lui pourrait peut être éclairer ta lanterne avec ces enseignements pointues à ce sujet ?!
axiste a écrit :On pourrait dire que les quatre états s'incluent les uns dans les autres pour fonctionner vraiment, ils forment un tout. <<metta>>
Je t'en prie Axiste, merci d'avoir pris le temps de lire ce précieux texte. De toute évidence, les quatre états sublimes n'ont pas été mis ensemble pour rien, ils interagissent et forme effectivement un tout. Ce sont des qualités qui doivent être développées et comprises pour réellement apprécier leur efficacité. Il y a plus de sept ans, notre cher ami Viriya avait lancé le sujet sur le forum mettâ et à bon escient.

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axiste
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Ce texte me parle beaucoup. Je ne le trouve pas du tout grandiloquent, plutôt subtil parce qu'il décrit des choses qui nous traversent. Nous avons tendance à séparer ces états, or ils sont liés comme les doigts de la main. Dit autrement, nous les vivons de façon séquentielle, mais ils interagissent et forment un tout.
La bienveillance et la joie sympathique donnent un bonheur temporaire ou limité

Un passage parmi d'autres qui me touche: n'est-ce pas au sein même de cette limite que les états illimités peuvent être recherchés ?
Merci aussi pour le lien de Viriya sur ces Quatres états sublimes illimités. jap_8
"Que les cultiver soient facile ou difficile, cela dépend de la capacité, du souhait de chacun."
Viriya

love3
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yves
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la concordance de ces 4 éléments me parle beaucoup aussi loveeeee

je n'avais pas établi clairement le rapport, mais il n'y a aucun doute sur l'effet bénéfique que chacun de ses aspects apportent aux autres love2

merci pour tout jap_8 love_3
oui à ce qui est
tout change
tout est maintenant
être tout
amour
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davi
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ted a écrit :J'ai reçu aujourd'hui un courrier qui m'a bien énervé.
Oh, rien que je ne sache déjà, mais ça a réveillé de vieilles rancoeurs en moi.
Du coup, ma conception de l'équanimité "neutre" en prend un coup. :)
Je serai plus partisan de ce que dit Davi, à savoir qu'il y a une part de tranquillité apportée par la sagesse.
Parce que sinon, les tentations se présentent aux portes des sens : envie de se mettre en colère, envie de vengeance, envie d'angoisser etc.

Alors, certes, comme dit le Bouddha, on peut les repousser en un clin d'oeil. Aussi rapidement qu'un battement de paupières. Mais elles reviennent ! C'est ça que j'ai constaté ce matin.

Et pour qu'elles ne reviennent pas, l'équanimité en tant qu'imperturbabilité ne suffit pas. Il faut aller à la racine et arracher le sentiment d'injustice, le sentiment de victimisation, le désir de revanche ! Et ça, c'est la sagesse qui permet de déraciner ces flammes qui repoussent sans cesse. Parce qu'il y a une saisie du soi à la base, le soi se sent offensé, le soi se sent humilié, le soi se sent menacé. C'est à ce niveau qu'il faut agir. Qu'on gagne la vraie tranquillité. La vraie équanimité.

En écartant simplement les pulsions qui nous assaillent, sans les saisir, on prend le risque de "l'évitement", au sens de la psychologie moderne, c'est à dire, une forme de refoulement plutôt dangereux pour le psychisme. Ca peut fonctionner pour marcher en équilibre sur une corde (on ne pense pas à la mort, on ne pense pas qu'on peut tomber).

Mais pour ce qui est des sentiments récurrents de rancoeur, de colère, de tristesse, à mon avis, l'équanimité ne peut être durable qu'en déracinant la saisie du soi. En abandonnant toute envie de vengeance, de revanche, de riposte, de mise au point pour sauver notre précieuse image égratignée par les autres.
C'est confirmé ted :
lien donné par tirru a écrit :Si vous faites en sorte d’apaiser l’esprit dans un état d’équanimité sans vous orienter sur l’obtention de la vision pénétrante, il ne s’agit que d’un état temporaire de concentration. Vous ne devez donc pas perdre de vue que le but est d’obtenir une compréhension claire de l’impermanence, de l’insatisfaction ou de l’impersonnalité des choses. C’est alors que vous serez en mesure de déraciner vos attachements. Si l’esprit entre dans un état d’équanimité inconsciente, il est encore porteur de carburant ; alors, dès qu’un contact sensoriel se présente, il s’enflamme en s’en emparant. Nous devons donc suivre les principes que le Bouddha a posés : concentrer l’esprit dans un état d’absorption puis orienter cette attention pour obtenir une claire compréhension des trois caractéristiques [l’impermanence, l’insatisfaction et l’impersonnalité des choses].
http://www.dhammadelaforet.org/sommaire ... imite.html
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
ted

Aaahh ! Cool ! ba11 Merci Davi
C'est ce que tu avais dit dès le départ, bravo... love2

Parfois, je me demande s'il n'y a pas trop de découpages, de catégories à propos du fonctionnement de l'esprit. Je crois savoir que c'est une tendance culturelle en Inde de classifier et de séparer, jusqu'aux plus petits détails.

Et après, on vient nous dire que tout est lié, et que l'un ne va pas sans l'autre. :D
ted

ted a écrit :J'ai reçu aujourd'hui un courrier qui m'a bien énervé.
Oh, rien que je ne sache déjà, mais ça a réveillé de vieilles rancoeurs en moi.
N'empêche, tous les deux jours, quand j'y pense, j'ai envie d'étrangler ce type ! :D
C'est une grosse déception pour moi... :-( Je pensais être plus avancé que ça... :-(
Comme quoi... on se fait des films... :D
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