Thème du mois de Mai : Upekkhā - l'équanimité

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tirru...
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Bonjour les ami(e)s et merci pour l'intérêt que vous portez à ce thème,

Comment rester impartiale, en équilibre et garder un regard neutre à l’égard des profits et des pertes (labha, alabha), des gloires et déshonneurs (yasa, ayasa), des éloges et de blâmes (passansa, ninda), des bonheurs et des malheurs (sukha, dukkha) ?
Narayan Liebenson Grady a écrit :On développe l'équanimité en étant attentif à nos réactions à ce que le Bouddha a appelé les huit dharmas [phénomènes] mondains. Ces huit dharmas mondains sont formés de quatre couples d'opposés. Nous en sommes tous victimes à un moment ou à un autre. Cultiver l'équanimité consiste à regarder profondément comment nous réagissons à leur présence au cours de notre vie.
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Porter notre regard sur la façon dont réagissons à la présence des huit phénomènes mondains, c'est quelque part tracer les contours de nos attachements, nos aversions et donc du moi ? Upekkha, dans ce cas, devient un point d'observation certes neutre mais pas toujours confortable et qui encourage le lacher-prise et bien d'autres prises de conscience !
Vén. Nyanaponika Thera a écrit :On observe la vie et on constate qu’elle oscille continuellement entre des opposés : ascension et chute, succès et échec, perte et gain, approbation et réprobation. Nous sommes conscients de nos réactions de joie et de peine, d’exaltation et de désespoir, de déception et de satisfaction, d’espoir et de crainte. Ces vagues d’émotion nous emportent puis nous rejettent ; ensuite, à peine avons-nous retrouvé un peu de paix que nous sommes empoignés par la force de la vague suivante. Comment espérer trouver un appui sur la crête des vagues ? Comment poser les fondations de notre vie au milieu de l’agitation incessante de l’océan de l’existence sinon sur l’Ile de l’Equanimité ?
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davi
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Merci tirru pour ce thème discuté. bachelor.gif

Dans ce cas, pourquoi dire que l'équanimité est neutre, si la posséder engendre de tels bienfaits ? De plus elle apparaît dans les onze facteurs mentaux vertueux :

http://www.centreparamita.org/?navig=/b ... ursmentaux
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
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tirru...
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Bonjour Davi,

Le terme Uppekhā est difficile à cerner car il peut prendre plusieurs formes et avoir plusieurs liens comme celui avec les quatre demeures sublimes (Mettā, Muditā, Karunā et Uppekhā) ou avec le regard-neutre du ressenti en rapport avec les six facultés sensorielles ou équanimité de diversité, cela peut être aussi le regard-neutre du jhâna, le regard-neutre impartial, ou encore comme facteur de réalisation. Le visuddhimagga énumère dix sortes de regard-neutre, c'est précisément à cette source que j'ai emprunté le terme regard-neutre ou il est rendu ainsi : Le mot se "décompose en UPApattito, "dés son apparition", et IKKHAti, "regarder". Autres traductions possibles "regarder de près" et "regarder intensément". Toujours dans le vissuddhimagga, il est défini ainsi : "Le regard-neutre consiste à regarder l'objet dès son apparition, et à en avoir une vision uniforme, dépourvue de parti pris (autrement dit, sans pencher vers l'attraction ou ou vers l'aversion). Par ailleurs, dans le lien que tu as indiqué on retrouve cette notion de neutralité et d'impartialité :"L'esprit qui a développé l'équanimité n'est influencé ni par l'agitation ni par la léthargie."

Il y a un sutta très intéressant, voire incontournable qui évoque l'équanimité en rapport avec le ressenti ou avec les facultés sensorielles, il s'agit de l'Indriyabhavana Sutta (Indriya : facultés - Bhavana : Culture). Le Bouddha montre comment cultiver les facultés mentales (vision, ouïe, odorat, gout, toucher et mental) de façon à pouvoir voir les sensations agréables, les sensations désagréables ou une sensation à la fois agréable et désagréable. le yogi expérimente ces sensations quasi immédiatement et sait que "Cette sensation se produit puisqu'elle est un fait conditionné; elle est un fait grossier; c'est un effet qui est produit par des causes. " Mais qu'au delà, il a ce choix qui est " (Cependant), c'est l'équanimité qui est pure, qui est excellente. Lorsqu'il réfléchit ainsi, la sensation agréable, ou la sensation désagréable, ou la sensation à la fois agréable et désagréable s'estompe chez lui. Enfin, c'est l'équanimité qui reste."

Dans ce sutta, Bouddha évoque la culture des facultés mentales selon trois stades, celui du disciple non-instruit, celui du disciple qui s'entraine et celui du Noble disciple.

J'ai beau chercher sur le net une version fidèle du sutta et bien traduite, c'est à dire ayant du sens, et la meilleure que j'ai pu trouver est curieusement sur Wikipedia : ici.

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ted

En tout cas, si les 8 dharmas mondains sont : "ascension et chute, succès et échec, perte et gain, approbation et réprobation"
et si leur observation attentive permet de développer Upekkhā, l'équanimité,
alors, il me semble qu'un laïc est plus souvent soumis à ces 8 dharmas mondains qu'un renonçant.

Est-ce que l'équanimité n'a pas plus de chance de se développer rapidement dans la vie de tous les jours que dans un monastère ? C'est juste une remarque comme ça, en passant.
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tirru...
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Oui Ted et c'est précisément cette question qui permet de délimiter les contours du "moi, mien, à moi", de nos liens mondains et des renoncements possibles, même s'ils sont moindres pour les laïcs, en vue de tendre vers cette équanimité si vaste, profonde et exigeante en quelque sorte. Une façon aussi d'éclaircir les choses et de moins se leurrer quant à son kamma !
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ted

J'ai reçu aujourd'hui un courrier qui m'a bien énervé.
Oh, rien que je ne sache déjà, mais ça a réveillé de vieilles rancoeurs en moi.
Du coup, ma conception de l'équanimité "neutre" en prend un coup. :)
Je serai plus partisan de ce que dit Davi, à savoir qu'il y a une part de tranquillité apportée par la sagesse.
Parce que sinon, les tentations se présentent aux portes des sens : envie de se mettre en colère, envie de vengeance, envie d'angoisser etc.

Alors, certes, comme dit le Bouddha, on peut les repousser en un clin d'oeil. Aussi rapidement qu'un battement de paupières. Mais elles reviennent ! C'est ça que j'ai constaté ce matin.

Et pour qu'elles ne reviennent pas, l'équanimité en tant qu'imperturbabilité ne suffit pas. Il faut aller à la racine et arracher le sentiment d'injustice, le sentiment de victimisation, le désir de revanche ! Et ça, c'est la sagesse qui permet de déraciner ces flammes qui repoussent sans cesse. Parce qu'il y a une saisie du soi à la base, le soi se sent offensé, le soi se sent humilié, le soi se sent menacé. C'est à ce niveau qu'il faut agir. Qu'on gagne la vraie tranquillité. La vraie équanimité.

En écartant simplement les pulsions qui nous assaillent, sans les saisir, on prend le risque de "l'évitement", au sens de la psychologie moderne, c'est à dire, une forme de refoulement plutôt dangereux pour le psychisme. Ca peut fonctionner pour marcher en équilibre sur une corde (on ne pense pas à la mort, on ne pense pas qu'on peut tomber).

Mais pour ce qui est des sentiments récurrents de rancoeur, de colère, de tristesse, à mon avis, l'équanimité ne peut être durable qu'en déracinant la saisie du soi. En abandonnant toute envie de vengeance, de revanche, de riposte, de mise au point pour sauver notre précieuse image égratignée par les autres.
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yves
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on arrive à "abandonner" toutes idées de vengeance ou, plus largement, tous désirs et toutes aversions grâce à la clair conscience color_3

c'est la conscience observant un schème mental qui "comprends/voit" son fonctionnement avec sati coucou_333

en comprenant on constate l'aspect négatif de ce schème, alors on le "lâche" naturellement c'est panna fleuuurrr_8

upekkha est pour moi, un entraînement permettant de maintenir sati malgré l’énergie de l'ego qui veut "saisir" meditate-599f61

cette énergie de "saisi" est très forte et il faut beaucoup s'entraîner pour repousser cette limite afin qu'elle s'estompe peu à peu Butterfly_tenryu

c'est comme cela que je comprend le travail sur upekkha, et il me paraît aussi indispensable que panna ou sati love_3
oui à ce qui est
tout change
tout est maintenant
être tout
amour
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tirru...
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yves a écrit :on arrive à "abandonner" toutes idées de vengeance ou, plus largement, tous désirs et toutes aversions grâce à la clair conscience color_3

c'est la conscience observant un schème mental qui "comprends/voit" son fonctionnement avec sati coucou_333

en comprenant on constate l'aspect négatif de ce schème, alors on le "lâche" naturellement c'est panna fleuuurrr_8

upekkha est pour moi, un entraînement permettant de maintenir sati malgré l’énergie de l'ego qui veut "saisir" meditate-599f61

cette énergie de "saisi" est très forte et il faut beaucoup s'entraîner pour repousser cette limite afin qu'elle s'estompe peu à peu Butterfly_tenryu

c'est comme cela que je comprend le travail sur upekkha, et il me paraît aussi indispensable que panna ou sati love_3
jap_8
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davi
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ted a écrit :J'ai reçu aujourd'hui un courrier qui m'a bien énervé.
Oh, rien que je ne sache déjà, mais ça a réveillé de vieilles rancoeurs en moi.
Du coup, ma conception de l'équanimité "neutre" en prend un coup. :)
Je serai plus partisan de ce que dit Davi, à savoir qu'il y a une part de tranquillité apportée par la sagesse.
Parce que sinon, les tentations se présentent aux portes des sens : envie de se mettre en colère, envie de vengeance, envie d'angoisser etc.

Alors, certes, comme dit le Bouddha, on peut les repousser en un clin d'oeil. Aussi rapidement qu'un battement de paupières. Mais elles reviennent ! C'est ça que j'ai constaté ce matin.

Et pour qu'elles ne reviennent pas, l'équanimité en tant qu'imperturbabilité ne suffit pas. Il faut aller à la racine et arracher le sentiment d'injustice, le sentiment de victimisation, le désir de revanche ! Et ça, c'est la sagesse qui permet de déraciner ces flammes qui repoussent sans cesse. Parce qu'il y a une saisie du soi à la base, le soi se sent offensé, le soi se sent humilié, le soi se sent menacé. C'est à ce niveau qu'il faut agir. Qu'on gagne la vraie tranquillité. La vraie équanimité.

En écartant simplement les pulsions qui nous assaillent, sans les saisir, on prend le risque de "l'évitement", au sens de la psychologie moderne, c'est à dire, une forme de refoulement plutôt dangereux pour le psychisme. Ca peut fonctionner pour marcher en équilibre sur une corde (on ne pense pas à la mort, on ne pense pas qu'on peut tomber).

Mais pour ce qui est des sentiments récurrents de rancoeur, de colère, de tristesse, à mon avis, l'équanimité ne peut être durable qu'en déracinant la saisie du soi. En abandonnant toute envie de vengeance, de revanche, de riposte, de mise au point pour sauver notre précieuse image égratignée par les autres.
Oui, ted, tu as saisi ce que je souhaitais souligner. Mais je vais quand même étudier ce que nous dit tirru sur l'équanimité plus avant. jap_8
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
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axiste
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L’équanimité est le joyau sur la couronne des quatre états sublimes : ressentir bienveillance et compassion envers tous les êtres, se réjouir du bonheur des autres et rester serein en toute situation.
jap_8
Extrait du lien de Tirru : http://www.dhammadelaforet.org/sommaire ... imite.html

Comme vous le dites, les vieilles tendances reviennent quand on s'y attend le moins...on les remercie de nous rendre une certaine humilité. On revient alors au plus simple qu'on peut mieux accueillir...

Finalement, regarder les corps qui se fanent comme les fleurs c'est comme voir des corps qui se décomposent. La souffrance rappelle la bienveillance, la compassion et la possibilité de se réjouir du bonheur des autres.

Ce soir je donnais à manger à un vieux monsieur et ses gestes étaient lents, très lent. Le repas a duré une heure... on ne se rend pas compte du bonheur de porter un verre d'eau à ses lèvres.
Je me demandais parfois ce qui se passait au sein de la lenteur. Beaucoup de choses à chaque instant. Le bonheur d'un verre d'eau, le goût des fraises et les douleurs du corps, l'importance de s'accompagner soi même à chaque instant.

Merci pour vos textes et vos liens jap_8
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
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