Attention juste - Enseignement ultime du bouddha

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Boubou
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[...]
Jeanne Schut : Même dans le quotidien mais surtout en méditation, bien sûr, pour le voir avec précision. Et quand on développe ce type d’attention, on s’aperçoit que tout ce qui nous arrive, tout ce à quoi on peut être attentif dans la vie, nous vient de nos sens. Tout simplement nos cinq sens physiques et notre mental que l’on considère comme le sixième sens.

Par exemple j’entends un son d’oiseau et tout de suite je suis attentive, je dis tiens, c’est un oiseau, c’est joli ; comment s’appelle t-il ? Ça doit être un merle et bla bla bla… et je suis parti dans les pensées.
Deuxième étape dans l’attention : j’entends le même son, je vois que ce sont des vibrations au niveau de mes oreilles et je dis « Ah, c’est joli. Ah, je vois que ma pensée m’entraîne. Non, non, non, je reviens, je reste ici, je reste avec ce son, etc.

Et puis plus on approfondit la méditation et le développement de l’attention, plus on arrivera à un moment où l’on entend les vibrations qui touchent nos tympans, et ça s’arrête là !

Et ça correspond à un enseignement magnifique que le bouddha a donné à un ascète qui vient le voir et qui lui dit
« Vénérable ! Vous allez peut être mourir bientôt, moi je vais peut-être mourir bientôt, je veux que vous me disiez maintenant le secret de la sagesse, s’il vous plaît » Et le bouddha était en train de se diriger vers la ville, il n’avait pas le temps, il le lui dit ; mais l’homme insiste tellement qu’il finit par lui donner cette réponse très concise, parce qu’il fallait que ce soit concis – c’était les circonstances qui l’y poussaient.

Et il a dit : « Voilà, quand tu perçois un son, qu’il n’y ait que le fait d’entendre. Quand tu perçois une odeur, qu’il n’y ait que le fait de sentir. Quand tu as une pensée, qu’il n’y ait que le fait de la prise de conscience de cette pensée. Et à ce moment là, il n’y a pas de moi et quand il n’y a pas de moi, il n’y a personne pour souffrir.

Telle est la voie de la fin de la souffrance !
C’est un enseignement ultime qui correspond à simplement la finalité de l’observation, de l’attention profonde. [...]

https://www.youtube.com/watch?v=HSZcj3nCQDM
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axiste
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Merci Boubou pour ce beau rappel et pour le lien jap_8
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
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tirru...
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Merci Boubou pour ce rappel. L'ascète en question est Bahiya dont le sutta porte le nom. Cette rencontre avec cet ascète est assez particulière car celui-ci a atteint l'état d'arahant à la fin de leur échange, il n'était pourtant ni un bhikkhu (moine), ni même un upasaka (un fidèle, un laïc) faisant partie du Sangha de la communauté du Bouddha et pourtant il a réalisé le but, l'état sans souillure, comme le précise Mohan Wijayaratna :
Mohan Wijayaratna a écrit :Ce verset, inséré dans le texte par les compilateurs, insiste sur la compréhension vécue. Pour autant, par ces mots, le bouddhisme, ne monopolise pas la vérité ou la capacité d'accès à la vérité. On peut arriver à la compréhension de la Doctrine, même sans être "bouddhiste".
Par ailleurs, l'exemple de Jeanne Schut sur le son de l'oiseau et sur notre rapport avec ce son est assez significatif puisqu'il est question de circoncire par l'attention, la vigilance, le chapelet de pensées qui d'habitude se fait de façon automatique suite aux différentes sollicitations sensorielles. Ici l'attention est en action et permet aux phénomènes physiques et mentaux de ne pas s'éparpiller et de réduire l'ensemble du monde sensoriel, auditif dans ce cas, à une vibration pour ne pas dire à un point. Ce qui en pratique permet non seulement d'éviter la dispersion habituelle mais d'atteindre un état de neutralité ou "il n'y a pas de saisie" et donc propice au détachement.
Patrül Rimpoché a écrit :Abusée par la lumière et la chaleur, la phalène se jette dans les flammes.
Stupéfait par les sons d’une guitare, le cerf se dresse inconscient face au chasseur.
Enivrée par le parfum de la fleur, l’abeille est prise au piège des pétales.
Attaché par l’appât, le poisson se rue sur l’hameçon.
Plongé dans un bain de boue, l’éléphant ne sait plus s’en extraire. 
En lisant les analyses ça et là autour de cet important sutta et l’intérêt que portent les bhikkhus et les érudits à celui-ci, on constate qu'il est profond et mérite qu'on s'y intéresse de plus prés.
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jules
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Abusée par la lumière et la chaleur, la phalène se jette dans les flammes.
La phalène connaissait-elle au moins son goût pour la lumière et la chaleur ?

Stupéfait par les sons d’une guitare, le cerf se dresse inconscient face au chasseur.
La musique, ça peut te raconter des histoires.

Enivrée par le parfum de la fleur, l’abeille est prise au piège des pétales.

Affaire olfactive.

Attaché par l’appât, le poisson se rue sur l’hameçon.
Avant même d'avoir saisi l'appât en bouche, le poisson pouvait déjà sentir son goût.

Plongé dans un bain de boue, l’éléphant ne sait plus s’en extraire.
Fallait pas y mettre la première patte ! les autres ont suivi.
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Boubou
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tirru... a écrit :
En lisant les analyses ça et là autour de cet important sutta et l’intérêt que portent les bhikkhus et les érudits à celui-ci, on constate qu'il est profond et mérite qu'on s'y intéresse de plus prés.
Effectivement, perso j'ai été saisi et abasourdi par cette concision et cette conclusion qui synthétise des milliers de volumes et de développements. Rien que ça. Un enseignement des plus définitifs, qui sous-tend tout le reste. Là, je ne vois aucune différence de profondeur entre les véhicules !
ted

Baaaah... De ce point de vue, c'est très simple en effet... on court-circuite les samskaras. C'est tout. Ca existait déjà dans le yoga, du temps du Bouddha. Le Bouddha a simplement trouvé une méthode infaillible.

Toutes les pratiques ultérieures consistent ensuite à laisser filtrer, ou pas, les bons samskaras et les neutres et à se débarrasser des mauvais. Et là, il y a 84 000 façons. Ca va de la fermeture complète des portes des sens par les absorptions jhaniques, jusqu’à l'autolibération de tout ce qui apparait, comme dans Dzogchen. En passant par toutes sortes de pratiques intermédiaires qui vont cerner les samskaras, les ré-ordonner, les regrouper, puis les disperser etc... Des entraînements à la flexibilité de l'esprit, à son équanimité, son imperturbabilité etc...

Et puis, la conservation d'un petit nombre de samskaras vertueux et rares pour ceux qui choisissent de rester dans le samsara pour une carrière de bodhisattvas.

En tout cas, c'est ce que j'ai compris. :oops:
ted

Et il a dit : « Voilà, quand tu perçois un son, qu’il n’y ait que le fait d’entendre. Quand tu perçois une odeur, qu’il n’y ait que le fait de sentir. Quand tu as une pensée, qu’il n’y ait que le fait de la prise de conscience de cette pensée. Et à ce moment là, il n’y a pas de moi et quand il n’y a pas de moi, il n’y a personne pour souffrir.

Telle est la voie de la fin de la souffrance !
Cependant, bien que qualifié d'ultime, cet enseignement n'est que le début pour celui qui a franchi le fleuve. Parce que se pose la question : " Qui est-ce qui ne souffre plus ? "

Et, sachant qu'il n'y a pas d'annihilation, comme l'a rappelé Tompouce, on sent bien qu'il manque une pièce. :shock:

Bon, on peut toujours s'en sortir par des pirouettes conceptuelles en disant qu'il n'y a plus personne et qu'il n'y a jamais eu personne, :) mais il faut bien reconnaître que les premières étapes de la bouddhéité sont inconcevables et nous dépassent ! Elles se déroulent hors concept, sur un profond mystère en toile de fond, notre nature non-née, claire, spacieuse, lumineuse, pas immortelle, car hors temps, non concernée par la vie et par la mort, impermanente car insaisissable, ni ici, ni là. :oops:

Un truc de ouf quoi !
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axiste
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Par ailleurs, l'exemple de Jeanne Schut sur le son de l'oiseau et sur notre rapport avec ce son est assez significatif puisqu'il est question de circoncire par l'attention, la vigilance, le chapelet de pensées qui d'habitude se fait de façon automatique suite aux différentes sollicitations sensorielles. Ici l'attention est en action et permet aux phénomènes physiques et mentaux de ne pas s'éparpiller et de réduire l'ensemble du monde sensoriel, auditif dans ce cas, à une vibration pour ne pas dire à un point.
Mais la vibration, avant même que les pensées conscientes s'amoncellent derrière elle, si on la ressent physiquement est-ce parce que ces manifestations procèdent aussi de pensées que l'on ne saisit pas ? Ce sont des réactions instantanées, probablement on s'est déjà saisi du son, on est déjà en train de s'identifier à lui (peut-être qu'il n'y a pas de distance entre lui et nous, mais au lieu de cela on lui résiste ou on l'adule, on le projette en quelque sorte avec nos résonances (conceptuelles ou autres) et cela fait toute une histoire qui happe nos sens dans tous les sens…sinon, il y aurait juste le son et rien à en dire. Un grand détachement et pourtant le son serait clair…

Peut-être que l'oiseau est silencieux et que nous faisons beaucoup de bruit avec juste des vibrations…

Quand on est très calme et très présent, les sons ne perturbent pas. On les entend juste.

Quand on entend on n'est pas là.

Parce qu'on ne peut pas être conscient de nous et du son en même temps.
Un truc de ouf quoi !
Et insaisissable...
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tirru...
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Il semblerait qu'on ait trouvé notre thème du mois de juin, si Boubou le permet bien entendu jap_8
Boubou a écrit :perso j'ai été saisi et abasourdi par cette concision et cette conclusion qui synthétise des milliers de volumes et de développements. Rien que ça. Un enseignement des plus définitifs, qui sous-tend tout le reste. Là, je ne vois aucune différence de profondeur entre les véhicules !
L'une des particularités du bouddhisme ancien, c'est que derrière cette apparente simplicité se révèle une grande profondeur, c'est d'ailleurs la caractéristique du Dhamma en tant qu'enseignement et en tant que réalité.
axiste a écrit :Quand on est très calme et très présent, les sons ne perturbent pas. On les entend juste.
Et surtout attentif mais cette attention est "nue" et une retenue des sens, comme le précise Piya Tan :
Retenue des sens :

Bhikkhu Bodhi, dans son introduction à la traduction du Salāyatana Vagga du Samyutta Nikāya explique que la retenue des sens « consiste à s’arrêter au niveau des sens nues, sans y ajouter des couches d’interprétations dont les origines sont purement subjectives »(S: B 1127). Upali Karuna-Ratne note dans son Encyclopédie du bouddhisme, le rôle crucial de la retenue des sens dans le processus de perception lorsque les sensations surgissent (Ency Bsm 5: 568).

Dans les suttas, la plus célèbre instruction sur la limitation des sens est connu comme l'enseignement de Bahiya parce qu’elle est peut-être la plus ancienne formulation de l'enseignement donné par le Bouddha sur le sujet.

Attention « nue » :

Ce passage du sutta est parfois utilisé par certains enseignants modernes pour se se référer à la pratique de «l'attention nue" qui est tout simplement (sans commentaires) en notant, en observant, les phénomènes qui naissent et disparaissent. En d'autres termes, ceci est un résumé pratique de la façon d’entrainer notre attention afin que les distractions et la souffrance n’apparaissent pas.

Le premier paragraphe nous exhorte simplement à observer nos expériences sensorielles telles qu’elles (telles qu’« elles sont"), sans commenter, de simplement laisser venir et les laisser aller. Après un certain temps, avec une application constante et soutenu de l’attention, nous commençons à avoir une meilleure compréhension de la façon dont notre esprit fonctionne et ce que l'expérience est réellement.
Je traduirais la suite ultérieurement...
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Boubou
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Oui Tirru !
Si j'ose avancer quelque chose d'un peu osé : durant la méditation être cette observation qui ne s'engage pas, prend assez bien place. Où ça se corse, c'est en entrant en interaction avec le monde, l'environnement.
Là c'est le déroulement des évènements qui prend le pas ou alors les projections dans l'avenir ou la remontée du passé. Mais en même temps est-ce un problème si ce fonctionnement est conscient ? Toujours sans s'y investir ou même en faire un problème ?
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