Reflexion d'un moine bouddhiste sur la vie

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axiste
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Chapitre 19 : Une question de vie et de mort
Extrait du livre publié aux Editions SULLY, traduit par Jeanne Schut




Pour ceux qui pratiquent le Dhamma, la vie est un moment propice à la contemplation et à la réflexion sur ce qui est. Même la mort des personnes qui nous sont chères fait partie de notre contemplation. Nous acceptons le fait que naître signifie que nous devrons un jour être séparés les uns des autres, que nous verrons mourir ceux que nous connaissons et que nous finirons tous par mourir. Donc cet engagement dans la vie et la mort fait pour nous partie du Dhamma. C’est ce qui est et il n’y a rien de mal à cela.

Notre société refuse d’accepter la mort et de la considérer vraiment en profondeur. Nous sommes tellement impliqués dans la vie, à essayer de tout rendre beau et bien pendant qu’elle dure, que nous avons tendance à faire abstraction du final — de sorte que nous n’y sommes absolument pas préparés. Si on réfléchit aux moments les plus importants de la vie, on réalise que ce sont la naissance et la mort. L’idée de la naissance, de voir venir des bébés au monde, est chère au cœur des gens ; mais l’idée de la mort est déroutante. Que se passe-t-il quand quelqu’un meurt ? Qu’est-ce que cela signifie ?

La perception même de la mort nous laisse dans un état d’incertitude. Qu’est-il advenu de cette personne que nous percevions auparavant comme étant vivante ? Où est-elle allée ? Est-elle allée quelque part ou bien la mort signifie-t-elle sombrer dans l’oubli ? Paradis, enfer, oubli … Qui peut savoir ?

Ce que nous savons, c’est que nous ne savons pas. Nous savons que nous sommes encore en vie, que nous ne sommes pas encore morts et que nous ne savons pas ce qui se passe quand quelqu’un meurt. Cela peut paraître insignifiant mais c’est très important parce que, ce que la plupart des gens ne comprennent pas, c’est qu’ils ne savent pas. Au lieu de cela, certains vont croire n’importe quoi, vont accepter n’importe quelle conjecture ou idée bizarre.


Mourir avant la mort

Ce que nous enseigne la méditation, c’est la façon de mourir avant la mort du corps. Plus que toute autre chose, c’est une façon de mourir avant la mort et de mourir à la mort, de sorte que, pour le dire poétiquement, la mort est morte. Par « mort », j’entends cette perception que nous en avons dans l’esprit. Si la perception de la mort est prise personnellement, nous avons peur parce que nous croyons que nous allons mourir. La perception de quelqu’un de vivant est basée sur la vision selon laquelle ce corps est à moi et je suis ce corps … de sorte que la perception de la mort est effrayante. Nous vivons dans un monde d’angoisse et de peur par rapport à la mort du corps, la séparation d’avec les êtres chers, le mystère de ce qui se produit quand nous mourons. Nous nous demandons : « Vaut-il la peine d’être bon, de suivre des préceptes moraux et d’être gentil ? Ou devrions-nous ne pas nous en préoccuper puisque cela importe peu ? Cet univers est-il sans principes moraux de sorte que l’on peut tuer et voler, mentir et tricher parce que cela n’importe pas vraiment ? Après la mort, y a-t-il simplement l’oubli ou bien nos actions dans ce corps humain influencent-elles ce qui va se passer après ? » Nous pourrions imaginer des réponses à ces questions jusqu’à notre dernier souffle !

Le Bouddha, quant à lui, n’a pas émis de conjectures à propos de la vie et de la mort mais il a souligné « ce qui est » dans notre expérience de la vie — et c’est le sens de la méditation. La méditation est une recherche, un examen, un regard profond sur les choses telles qu’elles sont. Nous étudions ce qu’est le corps, ce que sont nos sentiments et ce qui nous apporte la joie et la sérénité. Nous voyons par nous-mêmes ce que sont réellement le désir et l’attachement et nous observons les conditions apparaître et disparaître.

Mourir avant la mort signifie permettre à ce qui est apparu de disparaître. Cet enseignement se rapporte à l’esprit car il est bien évident que nous laisserons le corps mourir quand il sera temps pour lui de mourir. Si le corps doit vivre une minute de plus ou cinquante ans de plus, c’est son affaire. Nous ne sommes pas pressés de mourir et nous n’essayons pas non plus de prolonger la vie plus que nécessaire. Nous laissons ce corps vivre le temps qu’il doit vivre parce qu’il n’est pas nous, il ne nous appartient pas. Quelle que soit la durée de vie de ce corps, ce sera bien. De toute façon, il n’est pas à moi. Par contre, pendant qu’il est encore vivant, l’occasion existe de mourir avant la mort : de mourir à l’ignorance et à l’égoïsme ; de mourir à la convoitise, à l’aversion et aux concepts erronés ; de laisser tout cela mourir ; de laisser tout cela passer et puis disparaître. Ainsi on observe la mort telle qu’elle se produit, comme la fin, la cessation de ces choses que nous avions tendance à prendre pour nous-mêmes mais qui ne sont en réalité que de simples conditions mortelles.

Les êtres humains ont tendance à interpréter toute forme de convoitise, d’aversion et d’ignorance comme quelque chose de personnel. Nous nous disons : « Je suis gourmand, je suis en colère, je n’y comprends rien. Et si je suis, vous êtes aussi. » Ainsi la conviction « je suis / tu es » crée l’illusion d’être une personne. Mais qu’est-ce qu’une personne ? Qu’est-ce que le soi ? Qu’est-ce réellement ? Nous pouvons observer la peur d’abandonner notre personnalité quand une pensée s’insinue en nous : « Si mon monde ne tourne plus autour de moi, que va-t-il rester ? Je vais me dissoudre et disparaître dans la vacuité. Si je ne me crée pas beaucoup de kamma — en ayant une névrose intéressante, en allant chez des psychiatres, en passant des heures à parler de mes peurs et de mes angoisses, en me créant des liens émotionnels —, que va-t-il se passer ? » Nous voyons alors combien nous avons peur de lâcher notre « personne ».

Les relations familiales en sont un bon exemple. Si vous avez des enfants, vous vous direz peut-être : « Mais comment ne pas être attaché à mes enfants ? » Il ne s’agit pas de jeter vos enfants dans le cratère d’un volcan pour vous convaincre que vous n’y êtes pas attaché ! Mourir à l’égoïsme, laisser l’égoïsme mourir, ne signifie pas que vous n’aimez pas vos enfants. Cela signifie que vous n’êtes plus attaché à la perception de vous-même en tant que quelqu’un dont le bonheur dépend de la certitude que ces enfants sont bien à vous, qu’ils vous aiment, qu’ils ne peuvent pas vivre sans vous et que vous ne pouvez pas vivre sans eux. On peut créer un piège gluant de concepts erronés à propos des enfants. Nous appelons cela « aimer ses enfants » alors qu’en réalité ce soi-disant amour est pris dans un filet d’attachement et d’ignorance. Très peu d’amour peut émerger réellement de cette sorte de relation.

Donc « amour » ne signifie pas « attachement ». Aimer, c’est être capable de voir les choses clairement, d’être joyeux et altruiste, de donner librement et de servir les autres sans y chercher son propre intérêt. C’est être capable de vivre sans cette idée de « moi » et de « mien », et sans toute cette forme particulière de souffrance que nous créons parfois autour de nos parents, de nos enfants, de notre conjoint, de nos amis — de notre monde.

Peut-être la mort est-elle le réveil du rêve de la vie. Avez-vous déjà envisagé les choses sous cet angle ? Vivre avec une image de soi est souvent une mort vivante, une espèce de souffrance et de peur continue qui s’amoncelle dans notre esprit. La dépression est une mort ; le désespoir est une mort ; la peur, le désir et l’ignorance sont une mort. Nous pouvons donc vivre une mort vivante ou bien nous pouvons mourir à ce type de mort avant la mort du corps en nous éveillant du rêve de la vie et des images erronées d’un soi.

Le texte en entier:
Extrait http://www.dhammadelaforet.org/sommaire ... _mort.html
Vous ne pouvez pas consulter les pièces jointes insérées à ce message.
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
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yves
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j'aime particulièrement ce livre love_3

je l'ai acheté en plein d'exemplaire pour l'offrir à tous ceux qui pourrait se nourrir de son contenu ba11

il est frappant Boummmm par cette simplicité qu'on les moines de la forêt pour parler du Dhamma avec des termes proches et profonds love2
oui à ce qui est
tout change
tout est maintenant
être tout
amour
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cgigi2
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Merci Axiste, pour cet extrait si clair et si net, j'aime bien Venerable Ajahn Sumedo,
comme dit Yves cette simplicité des moines de la forêt est toujour si raffraichissante :)
avec metta
gigi flower_mid
Ici et Maintenant pleine attention à la pleine conscience
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