Un bouddhisme athée

existence

Dans l'ensemble, nous avons une opinion semblable sur le bouddhisme athée.
chakyam a écrit :
Historiquement, la coproduction décrit la « fabrication » de dukkha et notre travail de réflexion consiste, afin d'abolir la souffrance et ses mécanismes constitutifs, à comprendre la nature profonde des faits supposés la susciter, à savoir leur absence de réalité foncière, donc leur caractère fictif.
Je ne suis pas tout à fait d'accord au sens où la coproduction décrit tout ce qui est, que ce soit dukkha ou pas. Ce n'est que si tu considères que tout est dukkha que cela peut être vrai.

Il me semble bien que cette dernière hypothèse soit la seule tenable... tant que l'Eveil n'est pas vécu à chaque instant, sans projection futile et fantasmée au travers d'actions réincarnationnistes et/ou de renaissances.
Pour ma part, je prends ici la position de Nietzsche de l'Eternel Retour. Une vie, sans être parfaite, peut être désirable si l'on peut souhaiter la revivre éternellement. Le sens de la vie n'est pas d'être parfaite ou sans aucune douleur.
En effet, peu importe le Pouvoir, politique ou socialo-économique. Certes nos idées nous survivent et demeurent dans la mémoire collective, non par l'intermédiaire d'un "bardo" mais tout simplement par la mémoire des proches, les bibliothèques et/ou autres médiatèques.
Oui enfin, je pensais surtout à la renaissance des éléments de notre psychologie qui fait pour beaucoup notre sentiment d'être nous-mêmes. Les idées en font partie, mais seulement dans le sens où elles sont vécues.
Pas de prédestination en effet. Je dis seulement que le bouddhisme athée, par la compréhension qu'il permet sans croyances superfétatoires d'un autre age, permet la libération des faux-semblants qu'ils soient de provenance humaine ou divine... ce qui revient d'ailleurs au même.
Ah oui, il faudrait faire la distinction entre les faux-semblants liés à une théorie du karma "juste" et la supposition d'une prédestination du fait du karma. En gros, le deuxième entraine le premier.
chakyam

J'apprécie également Frédéric Nietzsche mais je ne pense pas que l'éternel retour est à voir avec l'idée de Renaissance. A étudier sans doute plus à fond.

A ce titre peut être pourrions-nous commencer par définir ce qu'est un « karma juste ». Qu'en penses-tu ?



FleurDeLotus Butterfly_tenryu
existence

Par "karma juste", j'entends l'idée que le karma serait une rétribution juste des actions, en bien dans la même quantité que le bien qu'on a causé et en mal dans la même quantité que le mal qu'on a causé, ou bien un mélange des deux quand les actions ont des conséquences plus ambiguës.

S'il est évident que les bonnes actions ont tendance à être récompensées, la réalité est loin d'être aussi simple. La réalité est complexe, et un bon karma découle d'une bonne stratégie. Parce que oui, on applique des stratégies, qu'on en soit conscient ou non. Et vu comme c'est un effort constant de garder un bon karma, je pense que c'est peu probable qu'on arrive à avoir un bon karma pour les éléments de notre personnalité qui pourraient se recombiner après notre mort.
chakyam

Aie ya yaie...

J'ai bien peur à la lecture de ta réponse que les principes athées du bouddisme athée en prennent un coup.

Pour qu'il y ait rétribution juste des actions encore faudrait-il qu'il y ait un continuum permettant ladite rétribution. Or d'autres débats sur un fil voisin ont démontré que ce continuum est constitué d'instants distincts les uns des autres sans aucune causalité entre eux et que son existence est un leurre.

Quant au « Bien » et au « Mal » supposés être redistribués ou mélangés en fonction de leur qualité première, il s'agit là encore d'une illusion car à ce moment de la démonstration c'est l'agent porteur qui manque. Qui ? Quelle situation ? Quel arrangement pourraient être récompensés dans un temps éclaté ?

Ne me réponds pas, s'il te plait, que dans la vie courante, les choses pourtant se passent ainsi. Je le sais bien mais la vie courante est une convention arbitraire où le salaire est supposé récompenser le travail et le bien également reconnu... ( !!!) et récompensé.

Qu'il y ai des stratégies je n'en doute pas mais expérimentalement parlant je constate plutôt que la récompense revient souvent au plus malin qui n'est pas le plus vertueux et que celui-ci, faute d'être éventuellement reconnu, est le plus souvent raillé.

Je doute par ailleurs qu'arrive jamais le temps où les éléments qui nous constituent se retrouvent rassemblés car, religieux ou athée, le bouddhisme affirme depuis toujours qu'à notre conception et notre naissance il n'y a pas un ego qui en prend possession et qu'à notre mort empirique aucun propriétaire ne se retrouve à la rue. Le karma, dans cette optique est donc identique dans son fondement au bien et au mal de l'alinéa 3, c'est à dire inexistant.


FleurDeLotus Butterfly_tenryu
existence

Tu ne m'as pas compris. Je dis qu'il n'y a pas de "karma juste". Il y a juste un karma, qui ne tient pas beaucoup compte de la justice.

En quelque sorte, pour que le karma soit juste, il faudrait qu'il y ait un arbitre, et cela reviendrait à peu près à la croyance en Dieu.

Mais ce n'est pas un raison pour laisser tomber les paramita.

D'autre part, tu m'as l'air d'être un peu trop pendu à mes lèvres concernant le bouddhisme athée. J'ai expliqué l'idée de départ, mais on peut sans doute imaginer plusieurs sortes de bouddhisme athée.
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Dharmadhatu
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Existence a écrit :Par "karma juste", j'entends l'idée que le karma serait une rétribution juste des actions, en bien dans la même quantité que le bien qu'on a causé et en mal dans la même quantité que le mal qu'on a causé, ou bien un mélange des deux quand les actions ont des conséquences plus ambiguës.
jap_8 Bonjour Existence. En fait, le karma expliqué par le Bouddha implique une rétribution plus grande que l'acte posé. Dans L'Escalier de cristal, Péma Wangyal illustre le karma par une courge: petite graine, grand fruit.

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
chakyam

« ...une rétribution plus grande que l'acte posé... »

Indépendamment du fait qu'aucune continuité ne peut être démontrée puisqu'à chaque instant l'impermanence remplit sa fonction, il n'y a personne pour recueillir un quelconque fruit improbable d'une action improbable à partir d'un acte improbable posé

« ...petite graine, grand fruit... » J'aurai l'outrecuidence d'affirmer que la courge n'est pas là où on l'attends


FleurDeLotus Butterfly_tenryu
chakyam

existence a écrit :Tu ne m'as pas compris. Je dis qu'il n'y a pas de "karma juste". Il y a juste un karma, qui ne tient pas beaucoup compte de la justice.

En quelque sorte, pour que le karma soit juste, il faudrait qu'il y ait un arbitre, et cela reviendrait à peu près à la croyance en Dieu.

Mais ce n'est pas un raison pour laisser tomber les paramita.

D'autre part, tu m'as l'air d'être un peu trop pendu à mes lèvres concernant le bouddhisme athée. J'ai expliqué l'idée de départ, mais on peut sans doute imaginer plusieurs sortes de bouddhisme athée.

Il n'y a pas de karma juste parce que fondamentalement le karma est une construction intellectuelle tendant à s'auto-justifier par les renaissances et les auto-justifiant dans un feed-back incessant. Que cette pensée soit véhiculée par le Dalai Lama est très positif car elle permet, grâce à sa notoriété, d'en fixer les limites en termes de réalité spirituelle mis en relation avec les notions d'anatman et d'impermanence.

Pour estimer qu'un karma puisse être juste, "il faudrait qu'il y ait un arbitre", lui même soumis à l'impermanence. Autant dire qu'il s'agit là d'une pensée bureaucratique sans aucune prise sur la réalité, qu'elle soit conventionnelle ou ultime. Nous pourrons développer, à l'occasion.

Qui a jamais souhaiter laisser tomber les "Paramitas ? pas même Michel Paix... mais rien à voir avec le karma.


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Dharmadhatu
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Chakyam a écrit :Indépendamment du fait qu'aucune continuité ne peut être démontrée puisqu'à chaque instant l'impermanence remplit sa fonction, il n'y a personne pour recueillir un quelconque fruit improbable d'une action improbable à partir d'un acte improbable posé
:D C'est quoi l'impermanence pour toi ? Combien de temps dure un instant ?

FleurDeLotus
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Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
existence

Dharmadhatu a écrit :
Existence a écrit :Par "karma juste", j'entends l'idée que le karma serait une rétribution juste des actions, en bien dans la même quantité que le bien qu'on a causé et en mal dans la même quantité que le mal qu'on a causé, ou bien un mélange des deux quand les actions ont des conséquences plus ambiguës.
jap_8 Bonjour Existence. En fait, le karma expliqué par le Bouddha implique une rétribution plus grande que l'acte posé. Dans L'Escalier de cristal, Péma Wangyal illustre le karma par une courge: petite graine, grand fruit.

FleurDeLotus
Ce qui m'intéresse, surtout, c'est que le karma n'est pas "juste" à mon avis.
chakyam a écrit :Indépendamment du fait qu'aucune continuité ne peut être démontrée puisqu'à chaque instant l'impermanence remplit sa fonction, il n'y a personne pour recueillir un quelconque fruit improbable d'une action improbable à partir d'un acte improbable posé
Au contraire, l'impermanence est le résultat de la causalité continue dans la continuité des instants. Par exemple, une bille qui roule, le fait que sa position soit impermanence ne remet pas en question la continuité de sa trajectoire.
chakyam a écrit :Il n'y a pas de karma juste parce que fondamentalement le karma est une construction intellectuelle tendant à s'auto-justifier par les renaissances et les auto-justifiant dans un feed-back incessant.
Je suis d'accord pour le karma "juste".
Que cette pensée soit véhiculée par le Dalai Lama est très positif car elle permet, grâce à sa notoriété, d'en fixer les limites en termes de réalité spirituelle mis en relation avec les notions d'anatman et d'impermanence.
Bof, cela propage de la superstition.
Pour estimer qu'un karma puisse être juste, "il faudrait qu'il y ait un arbitre", lui même soumis à l'impermanence. Autant dire qu'il s'agit là d'une pensée bureaucratique sans aucune prise sur la réalité, qu'elle soit conventionnelle ou ultime. Nous pourrons développer, à l'occasion.
Oui et non, parce qu'on peut rendre le karma juste réel par la pression sociale, la récompense et la punition infligée à autrui. En d'autres termes, le social peut créer une sorte de karma supplémentaire.
Qui a jamais souhaiter laisser tomber les "Paramitas ? pas même Michel Paix... mais rien à voir avec le karma.
Ben si, c'est le raisonnement de beaucoup de maitres bouddhistes, comme quoi le karma, c'est ce qui justifierait la moralité. Un peu comme le paradis et l'enfer dans les monothéismes.
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