Un bouddhisme athée

chakyam

chakyam a écrit :Indépendamment du fait qu'aucune continuité ne peut être démontrée puisqu'à chaque instant l'impermanence remplit sa fonction, il n'y a personne pour recueillir un quelconque fruit improbable d'une action improbable à partir d'un acte improbable posé
Au contraire, l'impermanence est le résultat de la causalité continue dans la continuité des instants. Par exemple, une bille qui roule, le fait que sa position soit impermanence ne remet pas en question la continuité de sa trajectoire.


Impossibilité logique. Non seulement celui ou celle qui pourrait en bénéficier est lui-même soumis à l'impermanence et change d'instant en instant. La continuité des instants n'est quel le résultat d'une cogitation mémorielle de celui ou celle qui s'y livre à l'instar de la bille qui roule, succession de point dans l'espace tout comme la juxtaposition d'images fixes donnant l'illusion du mouvement mais ne le produisant pas.
Pour estimer qu'un karma puisse être juste, "il faudrait qu'il y ait un arbitre", lui même soumis à l'impermanence. Autant dire qu'il s'agit là d'une pensée bureaucratique sans aucune prise sur la réalité, qu'elle soit conventionnelle ou ultime. Nous pourrons développer, à l'occasion.
Oui et non, parce qu'on peut rendre le karma juste réel par la pression sociale, la récompense et la punition infligée à autrui. En d'autres termes, le social peut créer une sorte de karma supplémentaire.


Inutile de postuler les renaissances et le karma pour la justice sociale. Le militantisme, la mobilisation et éventuellement la révolution sociale y suffiront sans ajouter quoique ce soit de supplémentaire et d'hypothétique

Qui a jamais souhaiter laisser tomber les "Paramitas ? pas même Michel Paix... mais rien à voir avec le karma.
Ben si, c'est le raisonnement de beaucoup de maitres bouddhistes, comme quoi le karma, c'est ce qui justifierait la moralité. Un peu comme le paradis et l'enfer dans les monothéismes.[/quote]


Maitres bouddhistes d'obédience tibétaine assurément. Il est d'ailleurs révélateur que tu exprimes l'enfer et le paradis monothéist
es.


FleurDeLotus Butterfly_tenryu
chakyam

Dharmadhatu a écrit :
Chakyam a écrit :Indépendamment du fait qu'aucune continuité ne peut être démontrée puisqu'à chaque instant l'impermanence remplit sa fonction, il n'y a personne pour recueillir un quelconque fruit improbable d'une action improbable à partir d'un acte improbable posé
:D C'est quoi l'impermanence pour toi ? Combien de temps dure un instant ?


Question mal posée.

L'impermanence est le point asymptotique où l'invisible et le visible, l'Universel et le Personnel, le Yin et le Yang se rencontrent et créent l'instant dans l'instant qui ne dure qu'un instant, c'est-à-dire rien qui puisse être soumis à la mesure et que le zen va symboliquement nommer : la 13ème heure (qui ne dure pas une heure) ou encore l'apparaître/disparaître pour en marquer l'instantanéité fulgurante. La perception de ce point asymptotique sitôt disparu qu'apparu sera à renouveler tant que les circonstances le permettront mais ce ne sera plus le même point ni le même homme ou la même femme, encore bien moins une continuité... seulement l'instant.


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jules
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Bonjour,

Quand on cherche à "treizième heure" sur google, on peut tomber sur l’histoire de Tenzin Gyatso né le 6 juillet 1935, et qui fût reconnu à l’âge de deux ans comme incarnation du Bouddha de la compassion et réincarnation du treizième dalaï-lama. Donc, quand on cherche treizième heure sur google (pas sur notre montre hein, c'est plus subtile que ça), on tombe sur treizième dalaï-lama. Si ça se trouve, quand on se décide à chercher treizième dalaï lama, on finit à l’inverse par tomber sur treizième heure. Je ne sais pas, je n'ai pas vérifié.

<<metta>>
existence

chakyam a écrit :Au contraire, l'impermanence est le résultat de la causalité continue dans la continuité des instants. Par exemple, une bille qui roule, le fait que sa position soit impermanence ne remet pas en question la continuité de sa trajectoire.

Impossibilité logique. Non seulement celui ou celle qui pourrait en bénéficier est lui-même soumis à l'impermanence et change d'instant en instant. La continuité des instants n'est quel le résultat d'une cogitation mémorielle de celui ou celle qui s'y livre à l'instar de la bille qui roule, succession de point dans l'espace tout comme la juxtaposition d'images fixes donnant l'illusion du mouvement mais ne le produisant pas.
Là tu tombes dans le nihilisme à la Nagarjuna.
Oui et non, parce qu'on peut rendre le karma juste réel par la pression sociale, la récompense et la punition infligée à autrui. En d'autres termes, le social peut créer une sorte de karma supplémentaire.

Inutile de postuler les renaissances et le karma pour la justice sociale. Le militantisme, la mobilisation et éventuellement la révolution sociale y suffiront sans ajouter quoique ce soit de supplémentaire et d'hypothétique
Je pense que c'est plus subtile que ça, que d'une certaine façon, il ne peut pas en être autrement qu'il y a une forme de rétribution sociale dans une certaine mesure. Mais cette rétribution n'est pas nécessairement juste, proportionnée et peu être complètement absente.
Ben si, c'est le raisonnement de beaucoup de maitres bouddhistes, comme quoi le karma, c'est ce qui justifierait la moralité. Un peu comme le paradis et l'enfer dans les monothéismes.

Maitres bouddhistes d'obédience tibétaine assurément. Il est d'ailleurs révélateur que tu exprimes l'enfer et le paradis monothéist
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Je pensais à des maitres bouddhistes tibétains, mais il me semble que le karma fait partie du dogme pour la plupart des bouddhismes.
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Dharmadhatu
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Existence a écrit :Là tu tombes dans le nihilisme à la Nagarjuna.
:idea: Attention: Arya Nagarjuna n'est pas tout nihiliste.

On peut voir à ce sujet qu'il évoque les 12 liens de production dépendante expliquant les renaissances au niveau conventionnel.

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
existence

Je faisais référence au fait qu'il dit que la marche n'existe pas, parce que le passé n'existe plus et le futur n'existe pas encore et que le présent n'a pas de durée.
chakyam

jules a écrit :Bonjour,

Quand on cherche à "treizième heure" sur google, on peut tomber sur l’histoire de Tenzin Gyatso né le 6 juillet 1935, et qui fût reconnu à l’âge de deux ans comme incarnation du Bouddha de la compassion et réincarnation du treizième dalaï-lama. Donc, quand on cherche treizième heure sur google (pas sur notre montre hein, c'est plus subtile que ça), on tombe sur treizième dalaï-lama. Si ça se trouve, quand on se décide à chercher treizième dalaï lama, on finit à l’inverse par tomber sur treizième heure. Je ne sais pas, je n'ai pas vérifié.

<<metta>>
Jules,

Merci de vérifier stp.

J'ai déjà fait état sur ce forum d'un philosophe, Albert LOW, directeur du Zen Center de Montréal qui dans son livre également cité : créer la conscience, rappelle l'ambiguïté fondamentale constitutive de l'être humain, à savoir le sentiment d'appartenir au Tout de l'Univers et d'avoir une vie individuelle propre à nulle autre pareille. Ce sentiment d'unification a reçu, par la tradition philosophique l'appellation : d'« Etre » alors que la vie individuelle ressort plutôt du « connaître » dans la mesure où elle se présente toujours d'une façon éparse et différée dans le temps.

Il n'est évidemment pas interdit d'appliquer les modalités du connaître à l'Etre à ceci près que l'expérience aidant on s'est aperçu qu'il se retrouvait affublé de caractéristiques humaines autorisant les critiques d'anthropomorphisme qui n'apportaient certes rien sur le fond mais permettaient de ne pas traiter la problématique.

D'après l'auteur cette ambiguïté fondamentale se résume soit à vivre l'Etre, soit à le connaître – mais alors on ne le vit plus – soit à connaître les choses, les évênements et alors il nous échappe totalement. Se trouve ainsi constitué à la charnière des deux modalités de connaissance un lieu d'articulation appelé : point nul.

Je pense que l'on peut dire qu'il s'agit de la 13ème heure pour spécifier un temps immatériel au sens où cette appellation se situe en-deçà et au delà du temps linéaire qui s'écoule. C'est également l'instant (l'appellation importe peu) tel que défini précédemment.

En toute occurrence, c'est également le point charnière situé (c'est une métaphore car il n'est nulle part) entre Shikki, Mu et Ku dont nous avions déjà parlé au titre de la trilogie Dogennienne.


FleurDeLotus Butterfly_tenryu
existence

Concernant ce paradoxe entre le tout et l'individu, voilà un billet sur l'athéisme que j'ai écrit qui parle de cela :
Il me semble qu'il y a deux paradoxes qui sont à l'origine de la croyance en dieu. Le premier paradoxe est celui entre observation et action. Nous avons la capacité à observer, directement ou indirectement, beaucoup de choses, à en apprendre beaucoup sur le monde. Nous pouvons nous construire une représentation de la planète entière, avec plus ou moins de précision. Mais quoiqu'on apprenne, notre action reste limitée à celle de notre corps. Le premier paradoxe est donc d'avoir d'un côté une capacité d'observation et de représentation non limitée, et de l'autre d'avoir une capacité d'action limitée. Or on peut avoir envie de contrôler certaines parties du monde, pour des raisons personnelles ou pour des raisons altruistes. D'autre part, le pouvoir est un aphrodisiaque important, on peut donc être tenté de fantasmer la toute puissance pour réguler son humeur. Si j'étais président, etc. De là à fantasmer un pouvoir divin, il n'y a qu'un pas.

Le deuxième paradoxe est un peu semblable au premier. Il s'agit de la différence entre notre ego et notre esprit. Nous pouvons avoir dans notre esprit des représentations de plein de choses, de pleins de personnes, et de nous-mêmes. La représentation de soi est appelée l'ego. Les autres représentations dans notre esprit ont un statut étrange, en même temps, il s'agit de nous, puisqu'il s'agit de notre esprit, et en même temps, il s'agit d'autre chose que nous, puisque ce n'est pas l'ego. Il s'agit de nos représentations de choses qui ne sont pas nous-mêmes. Ce paradoxe peut semer le trouble entre ce qui est soi et ce qui ne l'est pas, et l'on peut être tenté de prolonger son ego à l'esprit entier. On aboutit alors à un deuxième égo en plus de l'ego personnel, un ego-monde.

Le désir de toute-puissance associée à l'ego-monde entraine la formation dans notre esprit d'un être social très proche de nous-mêmes, puisque c'est notre esprit, et en même temps très étendu, puisqu'il s'agit de représentations non limitées. On va donc déduire la présence d'un être social, mais on ne peut pas le percevoir avec nos sens, puisqu'il est le fruit de notre fantasme. En même temps, cet être est associé à un pouvoir, celui du contrôle de notre propre esprit. Dans la confusion, on confond alors le contrôle de notre esprit avec le contrôle du monde.

J'en conclus que c'est cet être social, invisible, et ayant de l'apparence d'avoir des pouvoirs très grands, fruit de notre imagination, de notre envie de pouvoir et des paradoxes évoqués, qui est appelé un dieu. L'imagination étant par définition très variée, il y a de nombreuses variantes, de nombreux dieux différents avec des attributs différents.

Le terme Dieu avec une majuscule peut représenter deux choses différentes. D'une part, la notion de chef des dieux, puisqu'il a une majuscule, et qu'on lui prête des attributs tout à fait absolus (création de tout, contrôle de tout etc.). Cela peut aller avec un principe d'exclusivité (c'est mon dieu, c'est le seul dieu, c'est le plus fort). D'autre part, le terme Dieu représente un syncrétisme, un rassemblement de toutes les croyances en une divinité comme étant la même chose avec des apparences différentes (ce qui est une forme davantage tolérante). Le terme Dieu est donc lui-même une contradiction entre une notion d'autorité et d'exclusivité, et d'autre part une notion de généralisation, une fusion des croyances aux divinités. En d'autres termes, il s'agit plutôt d'un enjeu social de savoir qui sera le dieu considéré comme étant l'autorité.

En mettant ensemble les pièces du puzzle, cet enjeu de chef des dieux émerge de l'apparition de la croyance aux divinités, qui résultent des paradoxes entre observation et action, et entre ego et représentation du monde.
http://www.forumfr.com/blogs/b812e3371- ... -dieu.html
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Dharmadhatu
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existence a écrit :Je faisais référence au fait qu'il dit que la marche n'existe pas, parce que le passé n'existe plus et le futur n'existe pas encore et que le présent n'a pas de durée.
jap_8 La marche n'existe pas au niveau ultime, car Nagarjuna réfute tout ce qui est envisagé de manière obscurcie (samvriti).

Nagarjuna serait nihiliste s'il réfutait la marche (et tout le reste) au niveau conventionnel.

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
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Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
klesha

Bonjour existence,
j'ai lu tes interventions et je dois avouer que je ne partage pas vraiment tes propositions tant sur le fond que sur la forme.
Plus haut, tu parles de deux paradoxes. Le premier n'en est pas un, c'est plutôt un dilemme. Quant au caractère "aphrodisiaque" du pouvoir et l'enchaînement que tu fais avec la possibilité de "phantasmer sur le pouvoir divin", il n'y a pas qu'un pas. Tu emploies un raccourci trop facile.
Ton second "paradoxe" n'est pas plus acceptable. Il faudrait d'abord que tu nous expliques le sens que tu donnes au mots "esprit", "soi", "nous-mêmes". Et puis, il n'est pas nécessaire de réinventer l'eau sucré. La dualité est un sujet largement traité par le bouddhisme et tes deux "paradoxes" me semblent se rapporter directement à la dualité.
Je suis tout aussi dubitatif sur le reste mais je n'ai pas le courage, et je m'en excuse, de tout reprendre point par point.
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