Un bouddhisme athée

Jean

Chakyam a écrit :
Soyons tout à fait clair. Le Bouddha est un homme, rien qu'un homme mais tout un homme. Il n'est pas un prophète, ni un envoyé d'un dieu hypothétique, ni encore moins fils de …

… mais il a réalisé en lui-même et par lui-même son entière Humanité qui nous paraît « extra-ordinaire » au point d'aller chercher une ou des origines fabuleuses avec une naissance fantastique.
et particulièrement
Le Bouddha est un homme, rien qu'un homme mais tout un homme.
C'est à dire que la plupart des hommes vivent leur humanité à 30, 50, 75%. Ils n'ont pas épanoui leur pleine humanité, le Bouddha lui l'a épanouie et il a montré le chemin pour le faire.D'un certain point de vue, il s'agit d'être un humain est normal, sain, naturel. Cette vue peut être un point de départ et accompagner la pratique.

C'est l'exemple de la Ferrari dont le proprétaire n'a utilisé que la première vitesse et la marche arrière.

Mais l’être humain ne perçoit ni l'ultra violet, ni les ultra sons, pourtant cela existe.

je garde donc la porte ouverte pour toute nouvelle perception. C'est à dire je ne nie pas pas tout le côté fantastique du Bouddhisme, mais je n'y compte pas trop dessus.
klesha

Ce qui me gêne là-dedans, c'est le terme "humanité", Jean.
Le corps humain est le véhicule qui permet le mieux l'éveil mais est-ce qu'il faut pour autant établir un lien entre l'éveil et "l'humanité". Il se pourrait qu'il y ait autant de différence entre le véhicule et le but du voyage qu'entre le terrain et la carte. Je crois qu'en partant sur cette "logique", on se trompe. On est dans le yoga qui cherche à réintégrer l'homme dans le divin donc en pleine réification, déification !
Grâce à ce précieux corps humain nous pouvons espérer demeurer dans la contemplation de la nature primordiale mais pourquoi en tirer des conclusions anthropomorphiques ? Par définition, il n'y a aucune raison que cette nature ressemble à quelque chose de particulier. SI on croit le contraire, si on se base sur le contraire, on tombe dans une vision théiste et même théiste anthropomorphique !
Tout cela pour dire que ces réflexions sur un zen sans but, etc., me paraissent recéler les germes de vues erronées. A force de situer l'éveil dans l'humanité, on fait du bouddhisme une pratique de bien être...
Jean

Suivant les enseignements Bouddhistes, tous les êtres sensibles ont la nature de Bouddha, mais seuls les êtres humains sont capables d'en être conscients. Donc s'éveiller à cette nature, réaliser cette nature est un accomplissement humain. Il y a une réalisation de son plein potentiel. Sous l'angle de la chenille, la réalisation du papillon est extraordinaire bien que ce soit son destin. Le papillon, lui, il vaque à ses occupations sans rien trouver de spécial à sa vie.

Tous les chemins de bien être n'excluent pas la dimension spirituelle. Même pour certains, avoir une vie spirituelle est une des composantes essentielle du bien être. Par exemple : la pyramide de Maslow. Ensuite, c'est à chacun de voir ce qu'il investi au poste "vie spirituelle". Si c'est la pratique Bouddhiste, encore mieux.. Un chemin de bien être n'est pas forcément un cul de sac mais un processus d'ouverture et d'épanouissement de tous les niveaux de l'être humain.

J'aime bien le souhait du Dalai Lama :

- Que tous les êtres connaissent la paix de l'esprit

- Que tous les ëtres soient en bonne santé

- Qu'ils vivent entourés d'affection

- Qu'ils aient une vie matérielle confortable.

Si on réalise la paix de l'esprit, il n'y a plus de problème. mais si on peut avoir la chance de vivre en plus les 3 autres, encore mieux.

la radicalité du Zen est peut être explicable par l'époque ou cette approche s'est développée. Il y avait le chamanisme, les religions polythéistes, théistes, les pratiques du Vajrayana et probablement beaucoup de personnes s'y perdaient dedans. le Zen a été un retour à l'essentiel, au plus simple.

je crois que c'est une tendance de l'être humain de vouloir magnifier les choses et ensuite à s'égarer dans l'exaltation. Trungpa parlait de matérialisme spirituel parce que le matérialisme spirituel est source de souffrance. Plus la vue est extraordinaire plus les expériences formidables plus c'est difficile de les intégrer à la vie ordinaire. L'un des processus les plus importants de la vie spirituelle est de l'intégrer à la vie ordinaire.

Il y a aussi une progression dans la voie spirituelle.C'est un peu comme la phase "être amoureux" et "vivre en couple" (quand tout se passe bien). Dans la vie de couple, l'amour exprimé est plus profond, plus stable que la passion de l'état amoureux.
Jean

Il y a aussi la signification du mot "Humain"

Un être ordinaire dira qu'il humain, un Bouddha le dira également. Mais il y a deux significations différentes.
klesha

Donc s'éveiller à cette nature, réaliser cette nature est un accomplissement humain.
L'humain se situe sur l'un des plans d'existence. On peut se libérer sur un autre plan. Mais, plus généralement, ce que je veux dire c'est qu'il y a un danger à trop s'attacher à "l'humain". Celui de la transcendance de l'humain - qui n'est que la réunion temporaires d'agrégats impermanents pouvant se révéler favorable à l'éveil -, l'attachement aux sensations que ce cors précieux permet d'expérimenter. Ce n'est qu'une autre forme de croyance au Soi que nous nous forgeons. Et c'est parfois très difficile de s'en rendre compte.
Tous les chemins de bien être n'excluent pas la dimension spirituelle.
Ce n'est pas ce que j'ai dit. Simplement, le bien-être est une sensation donc, il tient aux agrégats. En tant qu'humain, on est alors dans le sensuel. Or, le bouddhiste cherche à se libérer du samsara. Le calme mental, la joie, les mille expériences par lesquelles nous passons en méditant sont de sensations. Un agrégat. Le danger est de les rechercher et de s'y endormir. Ces expériences ont leur importance, notamment pour jalonner la voie mais c'est tout. A notre mort, il y aura dissolution de tout cela. Alors peut-on sincèrement leur attacher beaucoup d'importance ?

Le souhait du Dalaï-lama a peut-être un autre sens. C'est en engendrant la joie, l'amour, la compassion et l'équanimité que les êtres sensibles peuvent se reposer dans la luminosité et l'espace qui pénètrent tout de leur vraie nature. C'est l'esprit d'éveil. Moi aussi j'aime ce vœu loveeeee !

Le zen, je n'en parlerai pas car je suis complètement incompétent en la matière :oops: !
Il y a aussi une progression dans la voie spirituelle.C'est un peu comme la phase "être amoureux" et "vivre en couple" (quand tout se passe bien). Dans la vie de couple, l'amour exprimé est plus profond, plus stable que la passion de l'état amoureux.
Oui, c'est du moins comme ça que nous le ressentons et c'est encore une sensation... Faudra attendre d'être éveillé pour que ça change. En attendant, serrons-nous les coudes !
chakyam

il est soumis à l'intentionnalité et en tant qu'omniscient la connaît parfaitement sans pour autant la subir.
Ça, c'est très, trsè fort Chakyam ! :mrgreen:


Je ne me souviens pas avoir abordé tout ça... Qui te parles de ça ? J'ai essayé de comprendre car ça a l'air de te tenir à coeur. Et effectivement, je comprends mieux... Je ne parle pas du Bouddha historique de notre ère mais de tous les bouddhas. Car lorsque tu parles du Bouddha, là c'est vrai que tu « déifies, réifies, figes, fixes » la Nature de Bouddha, le Dharma, le Bouddha lui-même. Mais, ça doit être un lapsus.
il est soumis à l'intentionnalité et en tant qu'omniscient la connaît parfaitement sans pour autant la subir.

Ça, c'est très, trsè fort Chakyam !


Mais non ! Ce n'est pas très fort, ni fort du tout... la logique de zazen n'oppose pas les évènements entre eux d'où, d'un point de vue formel, impression de contradiction... peut être ; ce qui donne l'exclamation ci-contre. (très fort...)

Quoiqu'il en soit je te soumet un dialogue entre le jeune DOGEN et l'abbé EISAI :

D – Pourquoi pratiquer puisqu'on a tous, dès le départ, la Nature de Bouddha ?
E – Parmi tous les bouddhas, dans les trois mondes, aucun ne sait qu'il a la Nature de Bouddha. Mais les chats et les bœufs le savent très bien.

Je pense qu'il n'est nul besoin d'explication tant il semble évident que l'intentionnalité à laquelle Bouddha ne peut échapper est sans incidence sur la mission qu'il s'est assignée. En effet le savoir le ferait retomber dans la dichotomie séparatrice de la connaissance du cerveau frontal et annihilerait sa bouddhéité et son omniscience.

Par ailleurs tu fais une distinction entre le bouddha historique et les autres bouddhas. NON ! Il va de soi que ma réflexion les concernait tous et je ne vois pas ce qui nous permettrait de les distinguer. De ce point de vue, aucune divergence entre le passé et l'avenir... évidemment.

En outre, inutile d'en rajouter sur la réification etc etc... tu ne crois même pas à ce que tu écris. Restons dans le sujet stp.

Pour se convaincre du bien fondé de ce qui précède, il suffit d'approfondir les réflexions de FA dans le fil : Phénoménologie duquel je partage la signature, tant elle me semble « coller » à la réalité dont nous débattons, mais en la transformant :

Bien nommer les choses, c'est ajouter au bonheur du Monde.


FleurDeLotus Butterfly_tenryu
klesha

Par ailleurs tu fais une distinction entre le bouddha historique et les autres bouddhas.
Ben non, c'est précisément l'inverse !
chakyam

Je ne doute pas que tu vas m'expliquer, tout en convenant j'espère, que le sel de l'article n'est pas cette pseudo-opposition.

Merci


FleurDeLotus Butterfly_tenryu
chakyam

Bonjour Klesha

En supposant que j'ai voulu faire cette distinction ou que je l'ai effectivement faite, en quoi cela change t-il ou ne change t-il pas l'opinion selon laquelle 1 bouddha ou des bouddhas ne sait ni ne savent qu'ils le sont ?

C'est de cela me semble t-il, à propos de l'intentionnalité dont nous débattons.

En précisant qu'à l'instar de l'oiseau mythique Garuda, s'il le sait ou le savent, ils dévorent des souris mortes...


FleurDeLotus Butterfly_tenryu
existence

chakyam a écrit :J'ajoute :Il n'y a rien d'absolu, de contraint auquel nous ne pourrions échapper par nature. Bien au contraire le Bouddhisme athée – et j'ajoute vivant – nous permet d'échapper à ce que les êtres à détermination faible appellent le fatalité, la prédestination ou le karma.
Je suis a peu près d'accord, mais en même temps, l'athéisme est une déconstruction de la croyance en Dieu et donc de la rétribution volontaire d'un être surnaturel, ce qui ne permet pas de remettre en question le karma "moral". D'autres arguments sont nécessaires, ce qui fait que l'on ne peut pas lier de façon absolue le bouddhisme athée et la négation du karma. Il faudrait préciser : bouddhisme athée et akarmique, ou encore bouddhisme arétributif.
Ce simple rappel pour confirmer que l'Athéisme consiste bien à nier l'existence d'un Dieu ou des Dieux et qu'en l'occurence, l'exercice de l'intelligence humaine est largement suffisant.
Le problème, c'est que les croyants mettent plein de choses dans le terme de Dieu qui n'ont pas grand chose à voir avec l'existence métaphysique d'un être divin. D'aileurs, selon moi, ils se leurrent eux-mêmes à considérer leurs sensations et leur propre psychologie comme étant la manifestation d'un être divin. L'athéisme n'est donc pas exactement la négation de dieu, mais la remise en question du statut métaphysique de ce qu'on appelle Dieu.
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