A la recherche du non-né

ted

Dharmadhatu a écrit :
Robi a écrit :Je ne dis que ce qu'en dit le Bouddha: c'est non-né (ça a toujours existé), c'est non-produit (ça ne dépend de rien) c'est non-devenu (ça ne change jamais).
:D C'est en lisant la suite que j'ai eu une autre réponse à une autre de mes question: est-il permanent ?
Est-ce que quelqu'un aurait les sources en Pali de cette citation du Bouddha ?
Ce serait intéressant aussi de savoir si le sutta en question est considéré totalement bouddha-vaccana. On sait que des propos attribués au Bouddha auraient été introduits après sa mort dans certaines transmissions. Mohan Wijayaratna fait parfois des mises en garde.

Bien sur, en ce qui me concerne, je pense sincèrement qu'il y a un non-né. Mais peut-on le personnaliser ? Lui donner une volonté propre ? Lui reconnaître le pouvoir de créer ? Est-ce une question de foi ou de raisonnement ? Le bouddhisme résout ces questions par l'expérimentation.

Je pense que tous les méditants ont du ressentir un jour une connexion à quelque chose de plus grand, d'immense. Que faut-il en conclure ? Faut-il s'arrêter là et poser des étiquettes ? Ou bien faut-il approfondir ce ressenti, le questionner intimement par la lucidité, par l'éveil des consciences ? On nous dit qu'ultimement, tout est vide de conception, vide d'existence propre. Donc, on aura du mal à enfermer l'ultime dans le concept.
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

Réponse à un post supprimé d'Onmyway:

jap_8 Le Bouddha ne dit pas ce qu'est le non-né dans cette citation, mais le Buddhadharma ne s'arrête pas à des citations.

Sinon, on peut lui faire dire n'importe quoi en choisissant consciencieusement les citations qui conviennent à notre vision des choses.

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
lausm

Je pense qu'il y a déjà à la base, un problème très très linguistique: en disant qu'il y a "un" non-né, on utilise un langage qui utilise la désignation afin de parler de quelque chose qui est surtout ce qui n'est pas....et le mot "quelque chose", que j'utilise, est impropre....mais c'est la limite humaine du langage : j'utilise un outil conceptuel pour parler de ce qui est au-delà du monde conceptuel....il resterait surtout le silence pour en parler le mieux!...
Et savoir ce qu'il en est quant à la structuration du langage dans lequel s'exprima alors le Bouddha, serait intéressante....tout comme on peut savoir qu'en chinois et en japonais, la désignation d'un sujet est quelque chose de fort secondaire, contrairement à notre civilisation occidentale.
L'inconscient est structuré comme un langage, on aurait beaucoup à dire sur la façon dont on importe l'enseignement bouddhiste d'orient en occident, en oubliant de questionner la structure même de sa formulation, qui en fait parle de la place du sujet par rapport à ce dont il parle....si on ne s'interroge pas sur ce point, on court d'erreurs d'interprétations en erreurs d'interprétations!
Et on peut vouloir avoir toutes les références anciennes qu'on veut, si on ne réfléchit pas sur le rapport même du langage à ce qu'il désigne, on continuera à lire le dharma de travers.

Mais à vrai dire, comme j'ai appris la méthode zen radicale, qui consiste à s'asseoir en silence avant même d"étudier quoi que ce soit, c'est en fait la référence de lecture de base qui me sert le plus, surtout quand on commence à se perdre dans la jungle des mots et opinions. N'oublions pas l'essentiel : le bouddhisme c'est avant tout la paix de l'esprit dans ce monde agité....tout le reste c'est des outils pour nous y aider.
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

:oops: Coucou Lausm, je suis désolé de peut-être paraître lourdingue:
déclarer que le Bouddha aurait dit à ce propos qu'il s'agit de quelque chose de permanent, va quelque peu à l'encontre du fait qu'il ait pu dire que rien ne soit permanent.
Justement, le Bouddha dit que seuls les composés sont impermanents: sarva samskara anitya. Et que tous les dharmas sont vides: sarva dharma anatman. Ca veut dire qu'il y a les dharmas et parmi eux des samskara et des asamskrita, que seuls les premiers d'entre eux sont impermanents et que tous parmi eux sont vides.

Personnellement, je ne pense pas qu'on puisse partout et toujours interpréter les mots du Bouddha avec des sens différents; parfois oui, c'est normal, mais dans certains cas comme dans le Dhammapada, le texte fait autorité dans la distinction, parmi les existants, entre impermanents et permanents.

Ainsi, toutes les écoles qui s'expriment explicitement sur ce sujet diront que la vérité de la cessation est permanente. Que la vacuité est permanente, etc.

Robi a donc raison de dire que le non-né est permanent. Là où ça coince, c'est quand notre ami veut faire du non-né, l'être, et faire de ce dernier l'Etre qui engendre les existants; bref, en interprétant le Buddhadharma pour en faire un écho plus ou moins avoué des doctrines théistes. Chaque tradition possède une saveur particulière et appréciable pour bien des gens, mais à part Casimir, je me demande combien de gens apprécieraient le gloubi-boulga.

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Avatar de l’utilisateur
Flocon
Messages : 1701
Inscription : 19 mai 2010, 07:59

ted a écrit :Est-ce que quelqu'un aurait les sources en Pali de cette citation du Bouddha ?
C'est dans l'Ajata Sutta, le Sutta du Non-né.

Voici le texte en Pali (source)

Ajātasuttam

43. Vuttañhetaṃ Bhagavatā, vuttamarahatāti me sutaṃ —

“Atthi, bhikkhave, ajātaṃ abhūtaṃ akataṃ asaṅkhataṃ. No cetaṃ, bhikkhave, abhavissa ajātaṃ abhūtaṃ akataṃ asaṅkhataṃ, nayidha jātassa bhūtassa katassa saṅkhatassa nissaraṇaṃ paññāyetha. Yasmā ca kho, bhikkhave, atthi ajātaṃ abhūtaṃ akataṃ asaṅkhataṃ, tasmā jātassa bhūtassa katassa saṅkhatassa nissaraṇaṃ paññāyatī”ti. Etamatthaṃ Bhagavā avoca. Tatthetaṃ iti vuccati —

“Jātaṃ bhūtaṃ samuppannaṃ, kataṃ saṅkhatamaddhuvaṃ.
Jarāmaraṇasaṅghāṭaṃ, roganīḷaṃ pabhaṅguraṃ.

“Āhāranettippabhavaṃ, nālaṃ tadabhinandituṃ.
Tassa nissaraṇaṃ santaṃ, atakkāvacaraṃ dhuvaṃ.

“Ajātaṃ asamuppannaṃ, asokaṃ virajaṃ padaṃ.
Nirodho dukkhadhammānaṃ, saṅkhārūpasamo sukho”ti.

Ayampi attho vutto Bhagavatā, iti me sutanti. Chaṭṭhaṃ.

Et une traduction en anglais (source)

This was said by the Lord...

"There is, bhikkhus, a not-born, a not-brought-to-being, a not-made, a not-conditioned. If, bhikkhus, there were no not-born, not-brought-to-being, not-made, not-conditioned, no escape would be discerned from what is born, brought-to-being, made, conditioned. But since there is a not-born, a not-brought-to-being, a not-made, a not-conditioned, therefore an escape is discerned from what is born, brought-to-being, made, conditioned."
The born, come-to-be, produced, The made, the conditioned, the transient, Conjoined with decay and death, A nest of disease, perishable, Sprung from nutriment and craving's cord — That is not fit to take delight in. The escape from that, the peaceful, Beyond reasoning, everlasting, The not-born, the unproduced, The sorrowless state that is void of stain, The cessation of states linked to suffering, The stilling of the conditioned — bliss.

Je ne crois pas qu'il faille spécialement suspecter l'origine de ce texte, ni son lien avec le Bouddha historique. Ce serait à vérifier, bien entendu, mais je ne vois pas trop où est le problème. :?:
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
ted

Flocon,
Il y a des traductions où on ne parle pas de non-né, mais "d'issue", de "liberté" pour ce qui est né :
Par exemple dans le lien que tu as donné tout à l'heure, un intervenant a posté cette traduction :
  • "This said by the Blessed One, the Worthy One, was heard by me in this way:

    "Monks, there is freedom from birth, freedom from
    becoming, freedom from making, freedom from conditioning.
    For, monks if there were not this freedom from birth, freedom from
    becoming, freedom from making, freedom from conditioning,
    then escape from that which is birth, becoming, making,
    conditioning, would not be known here.

    But, monks, because there is freedom from birth, freedom from becoming, freedom from
    making, freedom from conditioning, therefore the escape from that
    which is birth, becoming, making, conditioning is known.""
Afin d'éviter la réification, ne serait-il pas préférable de dire : "Il y a une issue pour ce qui est né", plutôt que : "Il y a un non-né" ?
Une "issue", ça donne une idée de mouvement, de direction, vers... vers quoi au fait... bé justement, on s'abstient de le nommer... <<metta>>

Et merci pour la traduction Pali et les liens très instructifs. loveeeee
Avatar de l’utilisateur
Flocon
Messages : 1701
Inscription : 19 mai 2010, 07:59

Je comprends mieux.
Je ne suis pas spécialiste du pali donc je ne peux pas répondre avec certitude à ta question. Mais j'ai l'impression que traduire ajata par freedom from birth est exagéré, car c'est forcer et charger beaucoup le sens du préfixe privatif a-. qui signifie dans son acception la plus courante "sans".

Ta proposition "une issue pour ce qui est né" pose le même problème : elle fait porter l'essentiel du sens de l'expression (l'"issue") sur le préfixe, alors qu'elle porte forcément sur le substantif, jata, et elle conduit à un sens qui me paraît loin de celui du texte original.

Comme Jata signifie "naissance", la meilleure traduction serait peut-être "sans-naissance", au sens de "ce qui est étranger à la naissance".

Mais bon... Ce ne sont que des spéculations un peu stériles. Il te faudrait l'avis de quelqu'un qui connaisse bien le pali.
Quand on sonde les choses, les connaissances s'approfondissent.
Les connaissances s'approfondissant, les désirs se purifient.
Les désirs une fois purifiés, le cœur se rectifie.
Le cœur étant rectifié, on peut réformer sa personne.

Kong Tseu
Avatar de l’utilisateur
jules
Messages : 3228
Inscription : 15 février 2009, 19:14

Je voudrais reprendre une chose que dit Lausm et qui me semble intéressante :
N'oublions pas l'essentiel : le bouddhisme c'est avant tout la paix de l'esprit dans ce monde agité....tout le reste c'est des outils pour nous y aider.
C'est pour cette raison qu'à mon sens, les seuls mots susceptibles d'être corrects concernant le non né, lorsque la problématique posée est le non né lui-même, ce serait des mots capables de faire disparaître le non né, de sorte qu'il ne soit plus une problématique et que précisément il cesse de troubler la paix.
Et, si on connaît l'objectif, qui est de faire disparaître la notion de non né en tant que problématique, cela donne déjà une direction claire et consciente à nos propos...C'est déjà pas mal...mais encore faut-il trouver ces mots qui vont, par leur efficacité, remplir tout à fait cette exigence.

Lorsque Nagarjuna parle des incurables, il me semble que ce qu'il désigne par là, ce sont les gens qui font du but, qui est la paix comme tu le dis, désignée tel le "non né" par exemple, mais qui pourrait aussi s'appeler "3+1", la source même d'une problématique. Cela veut dire que leur confusion mentale se sert d'un mot désignant le repos du mental, la paix, pour se confondre encore d'avantage dans une rumination mentale. C'est souvent ce qu'on dit : Ils prennent le doigt pour la lune.

Tous les moyens habiles abruptes qu'on rencontre dans le zen entre autre, n'ont d'autre but il me semble que de faire taire les éternelles ratiocinations. Que ces dernières concernent les problématiques du non né, le chapeau de ma voisine, la couleur de l'univers ou la forme des dix mille perceptions, ce qui est recherché par ces moyens habiles, c'est, je pense, une seule et même chose, à savoir, l'extinction du doute, un doute prenant appuie de manière circonstancielle, sur un concept ou sur un autre. Ainsi, la difficulté pour le sage qui montre la lune, donc l'extinction du doute, serait de faire en sorte que son doigt ne soit pas pris pour la lune. Les moyens habiles pour éviter que cela ne se produise sont extrêmement variés : Le silence du maître lorsqu'une question est posée par son disciple, les baffes, les coups de bâton, montrer une fleur etc...Mais ici, sur un forum, étant donné que seul l'usage des mots est permis, le challenge pour un maître consisterait en conséquence à trouver les mots justes, qui aient ce même impact obtenu par la baffe par exemple, et qui ferait taire cette ratiocination. <<metta>>

PS : Ha! j'oubliais, sur un forum, on peut mettre des images, et de la musique aussi, pas que des mots... Butterfly_tenryu
Dernière modification par jules le 15 octobre 2013, 23:13, modifié 2 fois.
Avatar de l’utilisateur
Dharmadhatu
Messages : 3690
Inscription : 02 juillet 2008, 18:07

Lorsque Nagarjuna parle des incurables, il me semble que ce qu'il désigne par là, ce sont les gens qui font du but, qui est la paix comme tu le dis, désignée tel le "non né" par exemple, mais qui pourrait aussi s'appeler "3+1", la source même d'une problématique. Cela veut dire que leur confusion mentale se sert d'un mot désignant le repos du mental, la paix, pour se confondre encore d'avantage dans une rumination mentale. C'est souvent ce qu'on dit : Ils prennent le doigt pour la lune.
jap_8 Le remède qui vire en poison.

FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
lausm

Tout à fait d'accord, Jules! C'est bien de cela que je veux parler.

Mais Flocon a énoncé un point important qui revient à ce que j'exprimais plus haut : ce qu'on appelle ici "non-né", se désigne "Ajata", le a- étant un préfixe privatif, ce qui veut dire qu'il exprime plus l'idée de "sans naissance", comme l'indiquait Flocon, que l'idée de "non" naissance.
Ce n'est pas du tout la même dynamique de langage!...c'est un peu la même différence qu'entre Fu et Mu en japonais, Fu étant une négation active de type "non", et Mu exprimant quelque chose de plus privatif, comme le préfixe "a-", ou la préposition "sans".
Or en lisant cette file, il me semble que souvent le "non-né" est perçu comme opposé à ce qui naît.....mais il s'agit de ce qui se caractérise par l'absence de naissance.
Dharmadhatu, je suis ok avec ce que tu dis, juste je n'ai pas les mêmes arguments intellectuels que toi, qui sont fondés sur une connaissance du paradigme de la logique et du langage qui l'explique, donc des rapports précis entre les notions parce que tu en connais les définitions et donc comment elles peuvent s'articuler entre elles.
Moi je pars de là où j'en suis avec ce que je vois, et je fais avec cela....cela n'empèche pas de réfléchir pour autant!
Mais juste, arrèter de se prendre le chou avant que ce qui devrait nous ouvrir l'esprit devienne un nouvel encombrement!
Répondre