Qu'est ce que la méditation ?

Dumè Antoni

Yudo a écrit : Vouloir du bien à un dictateur peut donc se traduire par "espérer qu'il voie où cela le mène, et y mette fin". Par exemple...
Tout à fait d'accord et c'est très bien de l'avoir dit ainsi. "Vouloir du Bien", ça ne veut certainement pas dire vouloir (espérer) qu'un dictateur réussisse dans son délire de pouvoir au prétexte que ce dernier serait alors comblé de bonheur. Vouloir du bien, ça passe par la réalisation de sa vraie nature — pour le bien de tous les êtres sensibles — et cela, quel qu'en soit le prix. Le chat pourfendu de Nansen — excellent kôan dans ce registre — montre ce que signifie "quel qu'en soit le prix" (à ce sujet, il est bon de ne pas voir dans la mort du petit chat, la mort d'un innocent. Cette histoire — sans doute apocryphe — est un kôan ; Nansen n'était pas un pourfendeur de chat).
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Dharmadhatu
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yudo a écrit :
Dharmadhatu a écrit : Comment être bienveillant à l'égard d'un inconnu, voire d'un dictateur ?
En revisitant l'étymologie du mot "bienveillant".

Il signifie "vouloir du bien". Or, il n'est pas besoin d'avoir fait sciences-po pour comprendre (à condition de s'en donner la peine...) que vouloir du bien à quelqu'un ne veut pas nécessairement dire "souhaiter que SES souhaits se réalisent". Parce qu'en réalité, et on le dit souvent, que nos souhaits se réalisent peut parfois se révéler une catastrophe. Vouloir du bien à un dictateur peut donc se traduire par "espérer qu'il voie où cela le mène, et y mette fin". Par exemple...
jap_8 Oui c'est tout à fait ça, et on ne peut être véritablement bienveillant que si on comprend l'autre. Cette compréhension implique qu'on s'entraîne à voir l'autre autrement que de manière superficielle (un co...ard de dictateur), qu'on s'entraîne à le voir tel qu'il est vraiment (un être qui a exactement la même aspiration que moi au bonheur, pas plus ni moins, sans savoir que ses souhaits sont parfois à l'opposé de ce bonheur).

Ce que le Bouddhisme va ajouter, au sein de cette pratique méditative de compréhension, bienveillance etc., c'est sa définition du bonheur: l'atteinte d'un état impliquant l'absence définitive et totale de toute source de souffrance (l'absence de la souffrance inhérente aux conditionnés), le nirvana en somme. Bien sûr, ça ne veut pas dire qu'on ne souhaite pas à l'autre d'atteindre au minimum des états qui sont des formes de bien-être temporaire.

Ce que le Bouddhisme Mahayana va ensuite ajouter à cette culture du "vouloir du bien à l'autre", c'est la responsabilité: puisse cette personne atteindre le bonheur et ses causes (parce que le bonheur n'arrive pas au hasard) et puissé-je tout faire en sorte de contribuer à ça. Cette responsabilité universelle sera le coeur de bodhichitta.

Comme on l'avait évoqué avec Ted sur un fil antérieur, même si le bodhisattva prend la responsabilité du bonheur actuel et surtout ultime de tous les êtres, ce n'est pas pour ça que ce sera effectif, car certains voeux des bodhisattvas sont avant tout un moyen de s'entraîner (méditer) à cultiver cet altruisme.

flower_mid
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
ted

D'après D. Trotignon, (si j'ai bien compris son propos) la méditation est peu pratiquée par la masse dans les pays de confession bouddhiste. Elle est réservée à des personnes bien préparées qui on fait un gros travail préliminaire sur elles mêmes et qui sont prêtes à faire face à l'impact de cette pratique sur leur vie. Mais surtout, qui ont une Vue qui place la méditation dans un cadre bouddhiste.

Il donne l'exemple d'un intervenant asiatique, de passage en France, qui avait refusé d'enseigner vipassana à un groupe dont 30% des membres se disaient non bouddhistes.
Voyageur

Qu'est ce que la méditation ?

Un mot, un concept, qui est vacuité, vide d'existence propre et indépendante. Dans peut être n'est il pas correct, ou véridique, de chercher à enfermer une expérience, un ressenti "vide" et donc ouvert car interdépendant avec tout, sans un mot, qui plus est dans une langue bien précise, un mot qui enferme, tente de cerner, de cadrer, de limiter quelque chose qui ne l'est pas. Nommer risque fort d'amoindrir, de fausser la réalité de ce que c'est que "la méditation".

La méditation pourrait être qualifiée "d'expérience", de "ressenti", de "vécu", ce sont encore des mots mais au moins ils sont plus "vagues' je trouve, moins enfermant. Qu'en pensez-vous ?


Ou alors : plusieurs méthodes différentes et parfois complémentaires pour voir la réalité tel qu'elle est ?
ted

Voyageur,

Prend le temps de regarder la vidéo, ça vaut le coup :

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Dharmadhatu
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ted a écrit :D'après D. Trotignon, (si j'ai bien compris son propos) la méditation est peu pratiquée par la masse dans les pays de confession bouddhiste. Elle est réservée à des personnes bien préparées qui on fait un gros travail préliminaire sur elles mêmes et qui sont prêtes à faire face à l'impact de cette pratique sur leur vie. Mais surtout, qui ont une Vue qui place la méditation dans un cadre bouddhiste.

Il donne l'exemple d'un intervenant asiatique, de passage en France, qui avait refusé d'enseigner vipassana à un groupe dont 30% des membres se disaient non bouddhistes.
:D Ce serait dangeureux pour notre société de considérer que la méditation est réservée à des "cadres" bouddhistes. En effet, la méditation doit être débarrassée de tout contexte religieux quand elle s'adresse à des personnes qui veulent simplement apprendre à apprivoiser leur esprit et à en cultiver les aspects les plus utiles pour soi-même et autrui.

Je comprends que Trotignon (il faudrait que je voie cette video) parle de la méditation dans le contexte de vue, méditation et action (triade célèbre chez les Tibétains), car dans ce cas méditer implique de se familiariser avec une vue. Mais méditer peut aussi impliquer de générer une vue, un nouveau regard, une nouvelle façon de voir l'univers. A ce moment-là, méditer peut être l'occasion de chercher à comprendre comment fonctionne notre monde intérieur, comment fonctionnent les autres: comprendre et avoir la vue sont synonymes dans ce cas.

Et comprendre n'implique pas forcément comprendre exactement tous les aspects de tel ou tel existant ou de telle ou telle personne, sinon en effet peu de gens seraient capables de pratiquer la méditation car ça voudrait dire qu'il faudrait d'emblée accepter de comprendre la vacuité, les renaissances etc... ce qui n'est pas forcément le souhait des gens qui veulent simplement méditer pour atteindre une forme ou une autre de bonheur, de moins en moins dépendante de conditions extérieures.

Bien sûr, il ne faudrait pas en conclure que, comme le yoga pratiqué par bien des gens de nos jours, la méditation est juste une méthode de bien-être temporaire. Ce serait l'amputer d'une portée bien plus vaste. Seulement, il est important de permettre à chacun(e) de prendre ce qui lui est utile et de mettre de côté ce qui est plus "lointain" (le nirvana, l'Eveil etc).

Bref, à mon avis, il est important de trouver le juste milieu pour que la méditation puisse apporter quelque chose de positif à n'importe qui, sans qu'elle soit réservée à une élite bouddhiste et sans qu'elle soit vue comme une simple énième méthode miracle pour un bien-être à très court terme (ce qui a peu de chance de fonctionner car, comme tout entraînement, sa pratique implique un exercice répété dans la durée).

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Voyageur

La toute première forme de méditation que j'ai pratiqué, fort heureusement pas trop longtemps, fut la méthode Vipassana. Et d'expérience, je la trouve en effet assez perturbante dans l'effet immédiat, brutal, qu'elle peut avoir. Donc sans préparation ni cadre bouddhiste derrière je peux comprendre la réticence à l'enseigner à des non avertis. En même temps vous pouvez en trouver le "mode d'emploi" sur le net sans problème et sans personne pour vous guider derrière, ce qui n'est pas très prudent ni responsable.
C'est comme d'apprendre à quelqu'un à diriger un voilier en haute mer alors qu'il ne sait pas nager.... C'est dangereux.


@ted : j'essaierais :)
ted

Voyageur a écrit : @ted : j'essaierais :)
Reviens sur le forum, sinon je poste des textes de Lobsang Rampa ! :lol: :mrgreen:
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AncestraL
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Fermer les yeux permet de contempler au dedans, les ouvrir en grand pendant l'assise donne une plus grande conscience de ce qui se passe autour...

Mais... je suis encore dans le doute. Hier je méditais au dojo, et je gardais les yeux bien ouverts, puis les fermais ou gardais à demi-clôs. Bref il se passait ce que je viens de décrire.
Dogen dit que l'assise, c'est faire comme Bouddha, c'est l'éveil ordinaire, pas besoin d'en faire plus.
Mais le Bouddha a quand même passé par plein de stade avant de réaliser, simplement, ordinairement, l'éveil non ?
J'ai comme l'impression que, soit Dogen s'est dit "l'éveil est impossible pour la populace alors simplifions tout ça", soit...on a mal traduit Dogen !
Qu'en pensez-vous s'il-vous-plait ?
Dumè Antoni

Ancestral a écrit :Mais le Bouddha a quand même passé par plein de stade avant de réaliser, simplement, ordinairement, l'éveil non ?
Il est certain que le Bouddha a passé quelque six années pour atteindre l'éveil insurpassable. Et à mon avis, ce ne fut ni simple, ni tout à fait ordinaire. On les compte sur les doigts d'un moignon ceux qui en sont arrivés à ce stade de l'éveil (insurpassable).
J'ai comme l'impression que, soit Dogen s'est dit "l'éveil est impossible pour la populace alors simplifions tout ça", soit...on a mal traduit Dogen !
Je ne pense pas que Dôgen ait voulu simplifier l'éveil dans un souci "démocratique". Yudo ou Kaïkan pourraient sans doute mieux te répondre que moi (qui suis de tradition Rinzaï).
Qu'en pensez-vous s'il-vous-plait ?
J'en pense que je sens surtout un malaise dans ta question ; une forme de doute sincère (au sens zeniste du terme), qui est salutaire et qui débouchera sur quelque chose de fort, si tu ne renonces pas tant que la réponse ne jaillira pas de toi (et de toi seul).
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