Grand débutant : méditation vipassana bhavana ?

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tirru...
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Bonsoir Ted, Lorsque tu es attentif et que se présente aux portes des sens la colère puis que cette colère passe du stade "ma colère" au stade "une colère" grâce à Sati et qu'ainsi graduellement tout s'apaise. Cela laisse place à quoi selon toi ?
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tirru...
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ted a écrit :
12 janvier 2018, 00:35
Anatta je dirais... :oops:
Ou peut être le calme mental ?
ted a écrit :
12 janvier 2018, 00:16
Le préalable à Sati, l'attention, reste vraiment Samatha le calme mental stable, qui ne peut être obtenu de façon durable qu'en développant une Vue philosophique précise de notre place dans l'univers, de l'impermanence des phénomènes anicca, de leur impersonnalité anatta et de leur caractère insatisfaisant dukkha.
Samatha, le calme mental s'obtient grâce à la concentration. Il est préférable de le développer pour pratiquer Vipassana, ce chemin est celui de ceux qui pratiquent Samatha Yanika mais il y a une autre voie dite "sèche" ou Vipassana Yanika pour les pratiquants qui ne passent pas par Samatha.
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ted

tirru... a écrit :
12 janvier 2018, 11:26
ted a écrit :
12 janvier 2018, 00:35
Anatta je dirais... :oops:
Ou peut être le calme mental ?
C'est la réponse "mentale " qui vient à l'esprit.

Mais quand tu m'a posé la question, je suis allé méditer quelques minutes, J'ai généré de la colère, puis je l'ai observée pour être sur de ne pas te répondre de bêtises.

Alors oui, bien sur, il y a samatha en arrière-plan, mais samatha, je vais le chercher pour pouvoir appliquer Sati. Je ne sais pas faire autrement. :oops: Donc, quand je vois samatha au moment de l'auto-libération de la colère, c'est pas une nouvelle apparition pour moi. En revanche, je ressens nettement l'impersonnalité qui me fait voir la colère comme un phénomène étranger que j'observe.

Je ne comprends pas comment vipassana (vipassana yanika ??) peut s'élever sans samatha ? :oops:

Quoique...

Ya une forme de samatha qui n'est pas "construite", c'est à dire provoqué par une concentration. Cette forme de Samatha, c'est comme un grand silence intérieur, qui est toujours là et qui attend simplement qu'on lui prête attention pour s'élargir.

Quand on se connecte à ce samatha là (que j'appelle samatha, mais qui a peut être un autre nom savant, :D) le calme est presqu'instantané, tout en cohabitant avec l'agitation. C'est de ça que je parle dans ma signature (le véritable silence etc...)

Avec un peu d'habitude, on peut se connecter instantanément à ce calme intérieur. En quelques secondes. Et observer alors toute l'agitation de l'esprit, le vipassaner etc...

Et effectivement, l'esprit finit par se calmer et le samatha "classique" apparaît. Qui est une sorte de samatha extérieur, produit, si tu vois ce que je veux dire... Contrairement à ce calme intérieur, ce samatha intérieur qui, lui, est toujours disponible.

Bon, si c'est pas clair, ça ne m'étonne pas ! :D :lol:
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ShraWaKa
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ted a écrit :
12 janvier 2018, 00:16
Le préalable à Sati, l'attention, reste vraiment Samatha le calme mental stable, qui ne peut être obtenu de façon durable qu'en développant une Vue philosophique précise de notre place dans l'univers, de l'impermanence des phénomènes anicca, de leur impersonnalité anatta et de leur caractère insatisfaisant dukkha.
A mon sens, je pense qu'il serait plus juste de dire:
Le préalable à Vipassana, la vision pénétrante, reste vraiment Samatha le calme mental stable...

Une tentative de clarification en forme de synthèse largement plagiée sur les enseignements audio du Vénérable Akincano que je vous recommande vivement.

Lorsqu'on évoque Sati, on parle de cette qualité utilisée dans les pratiques d'Anapanasati et Satipatthana.
En Français, on s'appuie souvent sur les termes, pleine conscience, vigilance, présence d'esprit, attention, sens de référence qui sont tous exactes mais réductionnistes…
(...)
Sati, est le continuum éthiquement neutre dans lequel se déploient tous les événements de nos sens.
C'est au travers de Sati que nous sommes conscient que quelque choses se passe.
En l'absence de Sati notre esprit ne peut pas fonctionner.

La fonction fondamentale de Sati est d'apporter et rassembler les contacts qui apparaissent dans notre sphère sensorielle et de les placer devant notre 'œil intérieur'.
Sati possède également la faculté de pouvoir accompagner le mouvement d'un contact grâce à un phénomène de persistance ou résonance qui s'adapte à l'objet observé.
C'est au travers de ce mimétisme que Sati peut se développer et s'affiner en observant des objets de plus en plus subtiles.

Par ailleurs Sati n'est pas exclusive et permet aussi de balayer nos différents sens, elle a une qualité de mobilité et reste ouverte
Attention & conceptualisation ?
A l'image de notre base linguistique Gréco-latine, les Thaïlandais qui ont conservés des mots Pali, utilisent le mot Krap Sati pour qualifier quelqu'un qui a perdu la raison.
Littéralement cela signifie une Sati cassée, quelqu'un qui a cessé de fonctionner mentalement.

Sati est une qualité de base de l'esprit, c'est la vigilance qu'on utilise tous les jours pour conduire une voiture par exemple .

De part ses multiples qualités citées ci-dessus, Sati peut nous mener à différents états de conscience.

Sati peut s’unifier de manière douce et accueillante, rester ouverte dans une certaine mesure sur les perceptions périphériques sans les attraper, c'est le calme mental de Samatha.

Sati peut se focaliser par un effort soutenu sur un objet unique jusqu’à en exclure les autres, c'est la concentration de Samādhi qui conduit aux Jhānā.

Sati peut se déplacer pour suivre un contact sensoriel (vitakka)*

C'est un mélange subtile de toutes ces qualités qui sont utilisées dans la pratique de Satipatthana afin de conduire à la vision pénétrante vipassana.

Concrètement le méditant installé dans Samatha va observer les objets se présentant à la conscience, mais au lieu de rester seulement accueillante, lorsqu'un objet proéminent apparaîtra, Sati sera 'projetée' à sa rencontre de manière à le noter brievement puis retournera à l'attention au souffle jusqu'au prochain événement notoire.

Je m'avance un peu en disant que dans ce déplacement de Sati vers le contact sensoriel, il y a une infime part de Samadhi projetée comme un ardillon pointu qui viendrait percer le voile de la réalité afin d’accéder à Vipassana.

EDIT:
* 'vipassana bhavana' signifie 'développer la vision pénétrante' c'est ce que l'on fait au travers de la pratique de Satipatthana.
*vitakka constitue le mouvement de l'esprit, sa caractéristique est de porter la conscience vers un objet.
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ted

ShraWaKa a écrit :
12 janvier 2018, 23:25
ted a écrit :
12 janvier 2018, 00:16
Le préalable à Sati, l'attention, reste vraiment Samatha le calme mental stable, qui ne peut être obtenu de façon durable qu'en développant une Vue philosophique précise de notre place dans l'univers, de l'impermanence des phénomènes anicca, de leur impersonnalité anatta et de leur caractère insatisfaisant dukkha.
A mon sens, je pense qu'il serait plus juste de dire:
Le préalable à Vipassana, la vision pénétrante, reste vraiment Samatha le calme mental stable...
Oui, je comprends ce que tu veux dire. Tu as raison.
Le malentendu vient du fait que j'utilise le terme Sati comme un exercice d'attention volontaire (comme dans anapana-sati : attention à la respiration ), tandis que toi ShraWaKa, tu présentes le terme Sati comme une faculté toujours à l'oeuvre, même inconsciemment.
Vénérable Akincano a écrit : C'est au travers de Sati que nous sommes conscient que quelque chose se passe.
En l'absence de Sati notre esprit ne peut pas fonctionner.

La fonction fondamentale de Sati est d'apporter et rassembler les contacts qui apparaissent dans notre sphère sensorielle et de les placer devant notre 'œil intérieur'.
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ShraWaKa
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Oui c'est malheureusement un problème de sémantique, la difficulté de décrire des notions abstraites dans notre langue qui est encore moins riche en vocabulaire cognitif que le sanskrit ou le pali...

C'est pourquoi Akincano précise dans ses enseignements qu'il est utile de se construire un 'trousseau' de mots définissant le même concept afin de cerner les subtilités de certains enseignements.

Pour eclaicir un peu plus, j'espère :oops: , anapana-sati : l'attention à la respiration mène à samatha (le calme mental), lorsque cette 'attention à la respiration' est fermement maintenue elle mène ensuite à samadhi (la concentration) qui elle même mène aux jahna

flower_mid
ted

ShraWaKa a écrit :
13 janvier 2018, 00:02
Pour eclaicir un peu plus, j'espère :oops: , anapana-sati : l'attention à la respiration mène à samatha (le calme mental), lorsque cette 'attention à la respiration' est fermement maintenue elle mène ensuite à samadhi (la concentration) qui elle même mène aux jahnas.

flower_mid
Oui. Oui. Tu as raison.

Bon, j'essaie d'être cohérent.

Quand j'ai écrit : "Le préalable à Sati, l'attention, reste vraiment Samatha le calme mental stable"

J'ai voulu exprimer qu'il fallait un esprit calme pour percevoir la faculté Sati (au sens large). C'est à dire le Sati qui se manifeste partout en tant "qu'observation pure, sans saisie".

Deuxièmement, le calme mental stable dont je parle est le second Samatha, déjà disponible intérieurement, comme une sorte de silence intérieur et que je nomme ainsi faute de mieux. Pas le Samatha qu'on construit en apaisant les pensées par anapanasati.

Dans mon expérience concrète, il y a vraiment deux types de calme :
  • un calme qui apparaît "extérieurement" en pacifiant les pensées par un acte de volonté (respiration, environnement calme, détente du corps...)
  • un calme toujours là intérieurement, en arrière-plan, et qu'il suffit d'élargir et qui peut cohabiter sans problème avec un mental agité.
D'aussi loin qu'il m'en souvienne, ce second type de calme a toujours été présent chez moi. Même pendant mes colères adolescentes. Donnant depuis toujours à la vie un aspect irréel, artificiel. Comme si la vérité était autre chose que cette agitation mentale à laquelle j'adhérais pourtant par habitude.

D'ailleurs, c'est ce deuxième sentiment de calme que j'essayais d'identifier, qui m'a conduit au bouddhisme.
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ShraWaKa
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ted a écrit :
13 janvier 2018, 01:43
Dans mon expérience concrète, il y a vraiment deux types de calme :
  • un calme qui apparaît "extérieurement" en pacifiant les pensées par un acte de volonté (respiration, environnement calme, détente du corps...)
  • un calme toujours là intérieurement, en arrière-plan, et qu'il suffit d'élargir et qui peut cohabiter sans problème avec un mental agité.
Merci Ted jap_8 j'ai aussi expérimenté la colère aujourd'hui suite à un vrai problème de voisinage vécu comme une profonde injustice ...

Malgré une pratique régulière, j'ai senti cette vielle ennemie pointer le bout de son nez.

S’insinuer sournoisement dans l’interstice ouvert par la perte d'attention liée au stress du moment...

Heureusement, j'ai pu la rattraper suffisamment à temps afin qu'elle n'enfle pas démesurément…

Sati m'a aidé à cibler ses manifestations et m'a ensuite permis d’élargir mon champs de conscience afin de prendre suffisamment de recul pour qu'elle se résorbe d'elle même.

Il en reste encore un peu il me semble , metta envers cette personne va m'aider...

L'expression 'la colère rend aveugle' porte bien son nom pratiquons vipassana pour recouvrer la vision pénétrante
flower_mid
ted

La racine de cette colère, c'est la saisie du soi. Le terrain, la maison, l'appartement, le mur mitoyen etc... tout ça t'appartient. Même un locataire a la jouissance des lieux et ne peut être importuné par son voisinage. Que ce soient des nuisances sonores (bruit), olfactives (barbecue) ou visuelles (exhibitionniste) par exemple.

Ca va être très difficile de penser qu'en fait, ça t'es égal qu'on empiète, qu'on t'envahisse ou qu'on ignore tes droits.

Pourtant, c'est un passage obligé.

Une méthode :

Imagine que tu sois un huissier ou un expert venu constater les nuisances. Est-ce que tu t'énerverais ? Non. Tu observerais calmement la situation. Tu essaierais de proposer une ou plusieurs solutions. Tu ferais un rapport objectif. Impersonnel.

Tu ne manifesterais pas d'émotions, sauf en surface, poliment pour manifester un peu d'empathie, de compassion avec la victime, mais au fond, des cas comme ça, tu en verrais vingt par semaine donc, tu aurais une certaine distance professionnelle par rapport à eux.

Et bien, c'est cet état d'esprit calme et détaché de l'expert qui sera le plus efficace pour arriver à une solution.

Si tu t'en fiches de perdre ta maison (par exemple), ça ne veut pas dire que tu la perdras, mais tu ressentiras un grand soulagement. Et tu auras l'esprit clair pour résoudre efficacement le problème.

Il vaut mieux, à mon avis, essayer de déraciner l'attachement, plutôt que d'apaiser les colères qu'il génère.
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