Qu'est-ce qui est authentiquement réel ?

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davi
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Longchen a écrit :
03 avril 2018, 07:26
Et l'instant présent ? Est-ce que l'on pourrait dire que c'est ce qui est authentiquement réel ? Par rapport au passé qui n'est plus et au futur qui n'est pas encore.
A propos de l'esprit conceptuel, dans lequel je fais rentrer le ressassement du passé et l'élaboration du futur, voici ce qu'en dit Guéshé Kelsang Gyatso :
L'esprit conceptuel et l'esprit non conceptuel

Selon sa manière de s'engager dans l'objet l'esprit peut être divisé en deux types : l'esprit conceptuel et l'esprit non conceptuel. Alors que l'esprit non conceptuel s'engage directement dans son objet, l'esprit conceptuel s'y engage par l'intermédiaire d'une image générique. Tant que nous ne serons pas un bouddha nous aurons besoin de ces deux types d'esprit l'esprit conceptuel et l'esprit non conceptuel. Même les bodhisattvas les plus élevés, par exemple, ne réalisent les deux vérités simultanément qu'avec un esprit conceptuel.

Certaines personnes croient que toutes les pensées conceptuelles sont mauvaises et qu'elles doivent être abandonnées. Cette vue fallacieuse a été enseignée au douzième siècle par le moine chinois Hashang car il n'avait pas compris ce que Bouddha avait enseigné dans les Soutras de la perfection de la sagesse. Il croyait que méditer sur la vacuité consistait simplement à vider son esprit de toute pensée conceptuelle. Cette vue a encore de nombreux adeptes aujourd'hui, mais si nous l'acceptons, nous n'aurons aucune possibilité de progresser sur les voies spirituelles. Si nous empêchons les pensées conceptuelles de se manifester, nous ne pourrons plus nous souvenir de quoi que ce soit et notre développement spirituel cessera. En plus de cela, les réalisations conceptuelles sont les causes principales des réalisations des percipients yogiques directs, et l'accomplissement de la libération est impossible sans elles.
L'esprit conceptuel est donc à manier avec précaution; il peut partir dans des délires imaginaires mais il est aussi à la source des réalisations spirituelles. Quand nous nous entraînons à la compassion, avant de développer un esprit spontané qui nous fait entrer dans la voie des Bodhisattvas, nous nous entraînons à l'aide de pensées conceptuelles telles que : "Les souhaits des autres sont semblables aux miens, éviter les souffrances et ressentir une joie durable. Puissè-je atteindre l'Eveil afin que tous les êtres voient leurs souhaits exaucés." Ainsi, à l'aide de cette motivation altruiste, nous pratiquons les 6 Perfections (don, éthique, patience, effort, concentration, sagesse) qui sont les causes de l'obtention de l'illumination d'un Bouddha. Egalement, toutes les Perfections nécessitent l'esprit conceptuel pour progresser, y compris la Perfection de Sagesse; au début nous comprenons la vacuité à l'aide de l'esprit conceptuel avant que celui-ci ne laisse place à un percipient yogique direct qui est l'union de la concentration en un seul point avec la vue supérieure ou vision profonde de la vacuité.
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
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davi
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Les différentes écoles du bouddhisme tibétain présentent généralement la voie de l'Eveil en mettant en évidence deux approches apparemment opposées : la méditation par la vue et la vue par la méditation. Dans la première, l'étude et l'analyse approfondies des enseignements conduisant à une compréhension juste de la vue, la méditation peut alors commencer. La seconde met d'emblée l'accent sur la méditation - l'esprit devenant de plus en plus lucide et spacieux, la vue s'éclaire d'elle-même. La tradition kagyupa est réputée pour favoriser cette deuxième méthode, qui offre à ses adeptes la possibilité de pratiquer la méditation et d'approfondir leurs connaissances, quels que soient leur niveau spirituel et leurs facultés intellectuelles. Cependant, l'idée reçue selon laquelle la tradition kagyupa impose cette démarche au détriment de l'étude des textes fondamentaux et des raisonnements analytiques est démentie par les biographies des grands fondateurs de cette lignée de pratique et d'enseignement, qui débute au XIe siècle. Marpa (1012-1097) fut un érudit remarquable qui maîtrisait une centaine de langues et dont les traductions font partie du canon bouddhiste. Milarépa (1040-1123), on l'oublie trop souvent, n'effectua ses longues retraites solitaires qu'après avoir étudié les fondements du bouddhisme et les plus hauts tantras. Avant de devenir le détenteur des enseignements de Milarépa, Gampopa (1079-1153) avait fait ses preuves au sein de la rigoureuse tradition kadampa - l'une des premières écoles bouddhistes tibétaines -, réputée pour sa connaissance des écritures canoniques. Les disciples directs et indirects de Gampopa, qui donnèrent naissance aux diverses branches majeures et mineures de l'école kagyu, laquelle prend sa source dans les Sutras de la Prajnaparamita, la Connaissance transcendante. La plupart des Karmapas furent des érudits hors pair, et leurs commentaires sur la philosophie en général - et celle de la Voie médiane (Madhyamaka) en particulier - sont l'apanage de la tradition herméneutique et le support d'apprentissage de nombreux centres kagyupas. Ainsi, le IXe Karmapa a composé plus de dix traités majeurs sur la philosophie et la pratique, dont les commentaires des ouvrages de son prédécesseur, Milkyeu Dorjé, sur l'Introduction à la Voie médiane et le Trésor de l'Abhidharma, ainsi que trois importants manuels d'instructions sur le Mahamudra.

Rayons de lune
Les étapes de la méditation du Mahamoudra
http://www.padmakara.com/livres-edition ... 15579.html
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davi
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Longchen a écrit :
03 avril 2018, 07:26
Et l'instant présent ? Est-ce que l'on pourrait dire que c'est ce qui est authentiquement réel ? Par rapport au passé qui n'est plus et au futur qui n'est pas encore.
Est-ce que tout n'est pas toujours présent ? Même les pensées sur le passé ou sur le futur sont des pensées présentes. Donc, peut-être plus qu'éviter de telles pensées, les voir comme étant présentes ? Observer l'esprit en train de développer ces pensées sans se complaire dans celles-ci ? De même constater que tout objet, toute situation, toute personne apparaît en même temps que l'esprit qui l'observe, dans une absence de totale dualité ?
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Longchen
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davi a écrit :
06 avril 2018, 20:59
Est-ce que tout n'est pas toujours présent ? Même les pensées sur le passé ou sur le futur sont des pensées présentes. Donc, peut-être plus qu'éviter de telles pensées, les voir comme étant présentes ? Observer l'esprit en train de développer ces pensées sans se complaire dans celles-ci ? De même constater que tout objet, toute situation, toute personne apparaît en même temps que l'esprit qui l'observe, dans une absence de totale dualité ?
Oui c'est juste, mais la conscience se laisse embarquer par les pensées.

En ce qui me concerne le bavardage mental est toujours bien là, et l'attention dans l'instant présent est assez vacillante la plupart du temps.
Il faudrait peut être que j'envisage une retraite même si actuellement je suis plus intéressé par ce que je peux mettre en place de façon stable dans le quotidien.
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jules
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Longchen : ]Il faudrait peut être que j'envisage une retraite même si actuellement je suis plus intéressé par ce que je peux mettre en place de façon stable dans le quotidien.
Ce qui implique peut-être que tu est actuellement en situation de devoir faire des choix de vie ?
Personnellement il n'y-a rien pour moi qui ne soit plus douloureux que d'être dans des situations exigeant de devoir faire des choix importants...ou qui me semblent importants je ne sais pas...ça doit sans doute être un peu la même chose pour tout le monde je suppose. Ces moment là sont facteurs de stress et j'ai naturellement assez peu de résistance au stress, bien que zazen et les enseignements aient beaucoup contribué à me rendre plus résistant à ce niveau là. Grâce à zazen mon stress est d'avantage contenu si je peux dire. :)
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davi
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L'esprit ordinaire voit le monde comme un vaste espace dans lequel des objets existants par eux-mêmes durables évoluent. Il discute de savoir si le monde est fini ou infini, temporaire, cyclique ou éternel. Ces notions sont celles de l'esprit ordinaire qui ne peut s'empêcher de concevoir, de "broder" sur la réalité. Je pense qu'on peut voir le monde différemment, sans pour autant trahir la réalité. En fait, du fait du changement continuel, du fait de la vacuité des objets, de leur qualité d'apparaître à l'esprit, ce ne sont pas des objets existants par eux-mêmes et durables qui évoluent dans un espace figé, mais une modification continuelle d'apparences à l'esprit à la manière de ce qui se passe dans les rêves. Pour affirmer que nous nous déplaçons vraiment d'un endroit à un autre, il faudrait que toutes ces choses, nous-mêmes et ces deux endroits existent vraiment, mais l'impermanence et le vide de soi nous démontrent que ce n'est pas le cas. Lorsque nous arrivons à destination, nous-mêmes, ainsi que ces deux endroits ont déjà changé et ne peuvent être considérés comme étant les mêmes, identiques du moment du départ. Ainsi nous ne nous déplaçons pas vraiment entre deux points existants vraiment, simplement les apparences changent à notre esprit. Même si nous restions "au même endroit", nous verrions ce changement opérer après un certain temps de modifications perceptibles; l'endroit changerait pour nous sans que nous n'ayons à bouger. Si nous voyons les choses ainsi, si nous changeons notre logiciel de perception ordinaire, je pense que nous nous rapprochons du réel; l'impermanence, le vide de soi et la nature de l'esprit de nos connaissances deviennent désormais ordinaires pour nous. C'est aussi ainsi je pense que les pensées peuvent devenir moins envahissantes (dans tous les aspects de la vie) parce que démasquées et apparaissant enfin dans leur véritable identité naturelle.
Dernière modification par davi le 07 avril 2018, 16:33, modifié 2 fois.
S'indigner, s'irriter, perdre patience, se mettre en colère, oui, dans certains cas ce serait mérité. Mais ce qui serait encore plus mérité, ce serait d'entrer en compassion.
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jules a écrit :
07 avril 2018, 16:04
Longchen : ]Il faudrait peut être que j'envisage une retraite même si actuellement je suis plus intéressé par ce que je peux mettre en place de façon stable dans le quotidien.
Ce qui implique peut-être que tu est actuellement en situation de devoir faire des choix de vie ?
Personnellement il n'y-a rien pour moi qui ne soit plus douloureux que d'être dans des situations exigeant de devoir faire des choix importants...ou qui me semblent importants je ne sais pas...ça doit sans doute être un peu la même chose pour tout le monde je suppose. Ces moment là sont facteurs de stress et j'ai naturellement assez peu de résistance au stress, bien que zazen et les enseignements aient beaucoup contribué à me rendre plus résistant à ce niveau là. Grâce à zazen mon stress est d'avantage contenu si je peux dire. :)
Pour ma part j'ai consommé mon quota (de stress) et je suis obligé de m'adapter, de réorienter mes priorités. Bien sûr mes méditations m'aident grandement même si j'ai d'autres projets que de seulement combattre mon stress actuel... :D
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Longchen
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Hello,
J'étais en train d'écrire que je n'ai pas eu à faire de "choix de vie", mais en fait j'ai effectivement modifié une ou deux choses.
L'année dernière j'avais repris refuge dans la lignée Kagyu du bouddhisme tibétain et j'en étais content, cela s'était bien passé je veux dire ; par contre je n'y étais plus tout à fait et cela venait de moi, et donc en début d'année je ne me suis pas inscrit à un enseignement concernant une pratique que je pensais faire, et à la place je pratique Vipassana.
Je n'ai rien rejeté mais l'enthousiasme n'étant plus suffisant j'ai laissé.
Et donc actuellement c'est ma nouvelle façon d'approcher les choses avec le bouddhisme qui m’intéresse, au niveau du quotidien parce que j'avais perdu un peu côté rythme et assiduité. Envisager une retraire serait prématuré actuellement.
flower_mid
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Longchen
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davi a écrit :
07 avril 2018, 16:27
(...) l'esprit ordinaire qui ne peut s'empêcher de concevoir, de "broder" sur la réalité. (...)
Ah voilà, oui broder je fais ça souvent :D
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jules
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Davi : L'esprit ordinaire voit le monde comme un vaste espace dans lequel des objets existants par eux-mêmes durables évoluent. (...)
Il y-a quelque part un endroit où Dogen répond à cette sensation que tu décris et qui est liée à notre façon de concevoir notre rapport au monde environnant. Il dit :

Si vous doutez de la marche des montagnes, c'est que vous ne connaissez pas la marche du Soi qui est la vôtre. Cela ne veut pas dire que vous soyez dépourvu de la marche du Soi, mais celle-ci ne vous est pas encore connue, ni clarifiée. Ceux qui veulent connaitre la marche du Soi doivent justement connaitre aussi la marche des montagnes bleues. Les montagnes bleues ne sont déjà ni de l'ordre de l’animé ni de l'ordre de l'inanimé. Le Soi n'est déjà ni de l'ordre de l'animé ni de l'ordre de l'inanimé. Il est maintenant impossible de mettre en doute la marche des montagnes bleues.

http://consciencesansobjet.blogspot.fr/ ... kigen.html
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