La fondation de l’ordre des nonnes

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tirru...
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Bonjour,

Suite aux échanges très intéressants sur les bhikkhunis (les femmes moines), je me permet de partager ce texte extrait du livre « Le Bouddha historique » de Hans Wolfgang Schuman qui apporte quelques précisions sur le contexte de la création de l’ordre des nonnes :


FONDATION DE L’ORDRE DES NONNES

Alors qu’il était encore à Vesali, on prétend que le Bouddha apprit que son père Suddhodana était en train de mourir à Kapilavatthu. Afin de le rejoindre avant sa mort, le Maître vola dans les airs jusqu’à Kapilavatthu et arriva juste à temps pour lui délivrer un sermon par lequel Suddhodana devint illuminé, de sorte que le vieux raja entra dans le Nibbana sur son lit de mort. Telle est l’histoire légendaire selon un commentateur.
La vérité historique est que Suddhodana mourut dans la seconde moité de l’année 524 av. J.-C. et que Siddhatta revisita sa ville natale en 523, alors que Suddhodana était depuis longtemps incinéré et qu’un nouveau raja était élu. On ne dit nulle part dans le canon que ce nouveau raja était un membre de la famille Gotama. C’est probablement au cours de cette seconde visite à Kapilavatthu que le Bouddha agit comme médiateur dans un conflit sur l’usage de l’eau du fleuve Rohini. Le Rohini (maintenant Rowai) fermait la frontière entre la république Shakya et le territoire tribal des Koliya et était interrompu par un barrage bâti conjointement par les Shakya et les Koliya, dont ils tiraient l’eau pour irriguer leurs champs. Lorsqu’en mai-juin 523, le niveau de l’eau fut si bas qu’il suffisait seulement à l’irrigation d’une des deux rives, une querelle éclata entre les laboureurs shakya et koliya. Les insultes pleuvaient et un combat — le texte dit une « guerre » — semblait inévitable. Alors le Bouddha s’interposa entre les deux fronts comme médiateur. Sa renommée d’« illuminé », sa position d’intime du roi Pasenadi, dont les Shakya et les Koliya étaient également les sujets, et son éloquence produisirent un miracle à peine imaginable. Usant de l’argument que l’eau était de moindre valeur que les vies humaines, il parvint à éviter le bain de sang et à calmer la colère des opposants (jat 536).

A l’occasion de cette visite du Bouddha à Kapilavatthu, sa mère nourricière Mahapajapati vint à lui avec une proposition qu’il trouva extrêmement malvenue et pesante. Depuis la renonciation de Siddhatta, de Rahula et de son fils Nanda, elle n’avait plus personne dont s’occuper si ce n’est sa fille Sundarinanda. Après la mort de Suddhodana elle n’eut plus de devoirs domestiques et se tourna donc, à un âge avancé, vers la religion. Un jour elle chercha le Bouddha dans le bois Nigrodha en dehors de la ville et lui dit : « Cela serait bien si les femmes aussi pouvaient s’engager dans la vie sans demeure (c’est-à-dire comme nonnes) selon le Dhamma que tu proclames. » Le Bouddha fut évasif et négatif et demeura sur son refus même quand Mahapajapati réitéra sa demande. En larmes à cause de ce refus, qu’elle interpréta comme une ingratitude ordinaire, Mahapajapati retourna à Kapil'avatthu (Cv 10, 1, 1).

Un peu plus tard, le Bouddha quitta sa ville natale et, par des étapes faciles, atteignit la capitale licchavi,Vesali, où il s’installa, comme l’année précédente, dans le hall à pignons. Pendant ce temps, Mahapajapati avait repris courage, coupé sa chevelure, revêtu la robe jaune comme un moine et suivi les traces du Bouddha, accompagnée de quelques femmes shakya. Les pieds enflés et couverts de poussière, elle arriva à Vesali, Ananda la vit alors qu’elle approchait du hall à pignons. Les larmes aux yeux elle confia à Ananda son vœu que le Maître permît la fondation d’un ordre de nonnes (Cv 10, 1, 2).
Elle ne pouvait trouver avocat plus compétent. Emu, Ananda transmit le plus cher vœu de Mahapajapati au Bouddha, qui de nouveau refusa. Alors Ananda commença à défendre le cas :
« Seigneur, des femmes qui s’engageraient dans la vie sans demeure selon ton Dhamma et ta discipline pourraient-elles atteindre la perfection (c’est—à-dire l’illumination) ?
— Oui, Ananda.
— Seigneur, puisqu’elles en sont capables et puisque Mahapajapati Gotami t’a rendu grand service, à la fois comme tante du Bienheureux et aussi, après la mort de ta vraie mère, comme seconde mère, gardienne et nourrice, pour cette raison même ce serait bien si tu permettais aux femmes d’entrer dans la vie sans demeure selon ton Dhamma et ta disciple. Ananda, si Mahapajapati promet d’observer huit règles supplémentaires, que cela lui tienne lieu d’ordination » (Cv 10, 1, 3-4, abrégé).
Il énonça à Ananda les huit points, tous visant à subordonner les nonnes (bhikkhuni) aux moines. Même une nonne anciennement ordonnée se rangeait derrière le plus récent moine et devait le saluer respectueusement. Apprenant d’Ananda les huit points, Mahapajapati consentit aux conditions (Cv 10, 1, 2—5) et fut ainsi ordonnée comme la première bhikkhuni du Sangha bouddhiste (Cv 10, 2, 2).
Le Bouddha n’avait pas consenti de son plein gré à la fondation de l’ordre des nonnes ; seule la contrainte morale d’accéder au désir de sa mère nourricière l’avait induit à abandonner son refus initial. Ce qu’il pensait de l’ordre des nonnes apparaît dans ce qu’il dit à Ananda lorsque ce dernier lui fit part de l’accord de Mahapajapati sur les huit points : « Ananda, si les femmes n’avaient pas obtenu (le droit) d’entrer dans la vie sans demeure selon ce Dhamma et cette discipline, la vie sainte aurait duré longtemps, le véritable Dhamma aurait duré mille ans. Mais maintenant que les femmes ont ce droit, la vie sainte ne durera pas longtemps, le véritable
Dhamma ne durera que cinq cents ans.
« Les maisons avec beaucoup de femmes et peu d’hommes sont une proie facile aux brigands et aux voleurs de trésors familiaux (et il en va de même d’un ordre ou les femmes sont admises). Tout comme un champ de riz avec la brunissure et un champ de cannes à sucre attaqué par la rouille périssent (de même un ordre ou il y a des nonnes). Tout comme un homme qui bâtit une digue pour la construction d’un réservoir de sorte que l’eau ne déborde pas, ainsi j’ai fixé ces huit règles pour les nonnes, Ananda » (Cv 10, 1, 6, abrégé).
Mais les choses tournèrent mieux que le Maître ne les avait prophétisées. L’ordre des nonnes bouddhistes, en effet, s’éteignit au XII siècle mais la doctrine et l’ordre des moines survécurent de beaucoup aux cinq cents ans prophetisés et sont, aujourd’hui, toujours vivaces et vigoureux.
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Vous ne pouvez pas consulter les pièces jointes insérées à ce message.
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ShraWaKa
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Merci tirru pour ces précisions, ne comprenant pas les raisons sociétales de ce discours je retiens surtout ce point:
« Seigneur, des femmes qui s’engageraient dans la vie sans demeure selon ton Dhamma et ta discipline pourraient-elles atteindre la perfection (c’est—à-dire l’illumination) ?
— Oui, Ananda.
Je note aussi la jolie 'bhikkhuni' que tu as posté, joues roses, cheveux long et bijoux d'apparats qui semble loin de l'austérité monacale, serais je sous le joug du désir ?

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tirru...
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ShraWaKa a écrit :
13 juin 2018, 15:22
Je note aussi la jolie 'bhikkhuni' que tu as posté, joues roses, cheveux long et bijoux d'apparats qui semble loin de l'austérité monacale, serais je sous le joug du désir ?
Peut être ShraWaka ! Mais dans ce cas ton désir serait noble puisque il s’oriente vers l’empathie et plus précisément vers Guanyin déesse de la compassion. Ceci dit tes précisions concernant le dénuement des nonnes et moines sont tout à fait juste. Autrement, mon choix s’est porté sur cette image car les représentations de femmes assises sur un lotus tel un Bouddha sont très rares, voie inexistante.
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axiste
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Il y a aussi ce site qui fait un point non dénué d'intérêt sur le sujet:
https://www.bouddhismeaufeminin.org/ord ... -tsedroen/

Les représentations de déités sont souvent pleines d'apparats aux fonctions symboliques et ce n'est pas évident de décrypter ces symboles dans en connaître un minimum les codes
Ici c'est l'image d'une Bhikkhuni et je me dis que les objets qui l'entourent doivent aussi pointer quelque chose mais j'ignore quoi
Autrement comme ShraWaka je ne connais pas les raisons societales de ce que le texte décrit mais j'ai la vision d'une société très patriarcale et aussi de l'impermanence de toutes ces choses...
Cinq clefs pour la parole correcte :
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chercheur
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J'avais cru entendre que l'ordination de Bhikkuni par Ajahn Brahm lui avait valu d'être "excommunié" de la lignée d'Ajahn Chah et des moines de la forêt...
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Floch
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chercheur a écrit :
14 juin 2018, 14:38
J'avais cru entendre que l'ordination de Bhikkuni par Ajahn Brahm lui avait valu d'être "excommunié" de la lignée d'Ajahn Chah et des moines de la forêt...
Depuis près de 6000 ans, l'homme affirme son en rabaissant les femmes ou en les diabolisant...
C'est hallucinant, que les nonnes aient plus de préceptes à respecter que les moines, que les nonnes au rang le plus élevé soit considérées comme inférieures à n'importe quel moine, qu'on leur interdise de mendier, que certaines nonnes portent elles aussi un tel regard sur les femmes en général...

Alors, lorsqu'un moine leur rend la place qui leur revient, il devient à son tour un danger et je ne suis pas surprise qu'il en subisse les conséquences... :-(

La "chasse aux sorcières" n'est pas terminée...
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axiste
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Depuis près de 6000 ans(...)
L’Histoire semble une construction impossible faite de points de vue et de généralités qui passent à côté de la vie, de la singularité de chaque événement pourtant irréductibles. J’ai toujours eu du mal avec l’histoire pour autant que je m’en souvienne. Quelque domaine de la vie qu’elle puisse décrire elle m’est toujours apparue comme irréelle parce que les faits ne sont toujours que la pointe d’un iceberg qui ne se laisse pas saisir. Au mieux, il fond. Butterfly_tenryu
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Floch
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Bonjour Axiste,

Oui, l'histoire est souvent manipulée...
6000 ans, je faisais référence aux Sumériens...
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jules
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« 𒅴𒂠 » :)
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chercheur
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Quelques passages de sutta où le Bouddha (?) parle des femmes de manière générale :
Kamboja Sutta[3]

Un jour, pendant le séjour du Bienheureux à Kosambī dans le parc de Ghosita, Ānanda s’approcha de lui, lui rendit hommage et s’asseya à côté de lui et dit :

« Seigneur, pourquoi les femmes ne participent-elles pas aux conseils, ne font pas de commerce ou ne vont-elles pas à Kamboja ?

« Ānanda, les femmes sont sujettes à l’aversion, les femmes sont envieuses ; les femmes sont avares ; les femmes manquent de sagesse. C’est pour cette raison que les femmes ne participent pas aux conseils, ne font pas de commerce et ne vont pas à Kamboja. »[4]

Paṭhamakaṇhasappa Sutta (Premier Sutta du serpent)

“Bhikkhus, le serpent noir présente cinq dangers. Lesquels ? Il est impur, il sent mauvais, il est effrayant, dangereux et traitre. Voilà les cinq dangers que présente le serpent noir. De même, les femmes présentent cinq dangers. Lesquels ? Elles sont impures, elles sentent mauvais, elles sont effrayantes, dangereuses et traitres. Voilà les cinq dangers que présentent les femmes.

Dutiyakaṇhasappa Sutta (Deuxième Sutta du serpent)

“Bhikkhus, le serpent noir présente cinq dangers. Lesquels ? Il est plein de courroux, hostile, doté d’un vénin redoutable et d’une langue fourchue, et il est traitre. Voilà les cinq dangers que présente le serpent noir. De même, les femmes présentent cinq dangers. Lesquels ? Elles sont plein de courroux, hostiles, dotées d’un vénin redoutable et d’une langue fourchue, et elles sont traitres.

“Bhikkhus, voici comme les femmes sont dotées d’un vénin redoutable : la plupart de temps (yebhuyyena) elles ont une forte libido. Voici comme elles sont dotées d’une langue fourchue : la plupart du temps elles parlent pour diviser. Voici comment les femmes son traitres : pour la plupart du temps elles sont adultères. Voilà les cinq dangers que présentent les femmes.

(AN.iii.260-1)
http://hridayartha.blogspot.com/2015/0 ... noirs.html
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