La contemplation du corps

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La contemplation du corps

Enseignement donné le 1er mars 2004 par Thanissaro Bhikkhu

Les gens sont très réfractaires à la contemplation du corps en tant qu’objet de méditation.
Certains d’entre eux se plaignent qu’ils ont déjà une image négative du corps, et donc,
pourquoi faut-il se focaliser sur le côté négatif du corps ? D’autres disent que la contemplation
du corps est une manière d’encourager l’aversion envers le corps, ce qui est un état d’esprit
malsain. D’autres disent qu’ils ne sont pas du tout attachés à leur corps, et donc pourquoi
devraient-ils se focaliser sur le corps ? Ou bien ils se réfèrent à cette histoire où le Bouddha
avait recommandé la contemplation du corps à des moines, et partit ensuite dans la forêt pour
quelques mois. Les moines devinrent si dégoûtés de leur corps qu’ils commencèrent à se
suicider, tandis que d’autres recrutaient des assassins pour qu’ils les tuent. Quand le Bouddha
sortit de la forêt, il découvrit que la communauté des moines était beaucoup plus petite
qu’avant, et donc il appela les moines qui restaient et il leur dit de pratiquer à la place la
méditation sur la respiration. Certaines personnes citent cela comme une preuve que la
contemplation du corps est une pratique malsaine.

Cependant, le fait que les gens sont tellement réfractaires à cette méditation montre que
c’est important. C’est quelque chose qui nous menace, parce que cela va au cœur même de
notre attachement. Il n’y a rien au monde à quoi nous soyons plus attachés qu’à notre propre
corps. C’est la raison pour laquelle beaucoup de personnes ont tellement d’excuses pour ne
pas se focaliser ici-même.

Si vous ne vous focalisez pas dessus, que va-t-il se passer ? Vous allez maintenir votre
attachement profond au corps. Celui-ci ne va pas disparaître de lui-même. Certaines personnes
pensent qu’elles peuvent court-circuiter le processus d’attachement en allant directement à
leur sens du soi, pensant qu’en tranchant le sens du soi, elles ne seront pas obligées de
travailler sur la contemplation du corps, parce que le travail qu’elles font va plus profond,
directement à la racine. Mais l’attachement est comme une liane : vous ne pouvez pas trouver
la racine tant que vous n’avez pas saisi la branche la plus proche et que vous la remontiez.

Vous ne pouvez pas vraiment aller à la racine de votre attachement au soi jusqu’à ce que vous
ayez examiné où se trouvent vos attachements quotidiens les plus flagrants, vos attachements
de moment en moment : ici-même dans le corps. Vous ne pouvez pas supporter la moindre
petite chose qui arrive à votre corps. Une petite faim, une petite soif, trop de chaleur, trop de
froid, et vous prenez la fuite. Un petit problème de santé, et vous vous précipitez pour
chercher des médicaments. Si ça, ce n’est pas de l’attachement, qu’est-ce que c’est ?

Donc, il est important que nous examinions les choses ici-même. Sinon, nous restons
attachés à la souffrance que le corps va nous apporter. Comme nous le savons tous, il vieillit,
tombe malade et ensuite il meurt. Si vous ne pensez pas que cela va être de la souffrance, alors
allez passer quelque temps avec des gens très âgés, des gens très malades, des gens qui sont en
train de mourir. Voyez combien ils souffrent. Il y a deux semaines, quand j’étais de retour chez
mon père, j’ai participé au rituel quotidien consistant à le retourner afin que ma belle-mère
puisse lui enlever sa couche. Pendant qu’elle faisait cela, j’ai pu voir à quoi ressemble un
vieux corps avec des escarres, comment un vieux corps fonctionne et ne fonctionne pas,
combien de souffrance il provoque quand il est impotent, non seulement pour la personne dans
le vieux corps, mais aussi pour les gens qui prennent soin de lui. J’ai aussi vu à quoi cela
ressemble d’être vieux et de ne pas avoir entraîné l’esprit. Dans ces moments-là, l’esprit est
totalement incontrôlable, parce que lorsque le corps s’affaiblit, votre énergie diminue. Les
pensées qui font irruption dans l’esprit peuvent en prendre totalement le contrôle si vous
n’avez pas développé la capacité à les contrer.

Et puis, il y a toutes les indignités de la vieillesse. C’est comme si le corps humain était
conçu pour saper tout sens de fierté que nous puissions ressentir. D’autres personnes doivent
vous essuyer ; d’autres personnes doivent vous retourner ; quel que soit le sentiment d’intimité
que vous ayez pu avoir au sujet de votre corps, il passe par la fenêtre. Vous ne pouvez pas
contrôler votre fonction d’uriner, vous ne pouvez pas contrôler votre fonction de déféquer.

Tout devient incontrôlable. Et c’est une bonne chose de contempler cela, de ne pas développer
un sens d’aversion, mais d’examiner le caractère universel de cette condition du corps et de
développer un sens de saṁvega , de voir la quantité d’efforts consacrés à maintenir le corps, et
ensuite ce à quoi aboutissent tous ces efforts. Si c’est là que vous recherchez le bonheur, vous
cherchez au mauvais endroit. C’est là tout l’objet de cette contemplation. Si vous n’apprenez
pas comment abandonner votre attachement maintenant, pendant que vous êtes encore fort et
en bonne santé, cela va devenir de plus en plus difficile lorsque le corps s’affaiblira, lorsque le
corps vieillira.

Donc, nous devons développer un sens de pasāda, un sens de confiance dans la
contemplation du corps. Il vous sera impossible de surmonter votre attachement au corps si
vous ne l’examinez pas très, très attentivement. La raison pour laquelle nous y sommes
attachés, c’est parce que nous ne regardons pas attentivement. C’est là tout l’objet de la
contemplation des trente-deux parties du corps : contempler le corps selon les termes des
éléments, car il n’est que cela. Qu’avez-vous là ? Seulement des éléments physiques. Le vent,
ou l’énergie. Le feu, la chaleur. L’eau, la fraîcheur. Et la terre, la fermeté. Vous
appartiennent-ils ? Non, ils font tous partie du monde. Ainsi que le dicton le dit : « Les cendres
retournent aux cendres, la poussière à la poussière. » Aussi longtemps que nous sommes
vivants, nous absorbons les éléments lorsque nous mangeons et nous expulsons les éléments
lorsque nous déféquons, et ensuite quand nous devons abandonner tout le truc, tout cela
retourne aux éléments lorsque nous mourons. Donc, où allez-vous trouver le bonheur véritable
là-dedans ? Après tous les efforts que vous avez consacrés au corps, le corps vous est-il
fidèle ? Parfois il fait ce que vous voulez, mais souvent il ne le fait pas. Quand il commence à
vieillir, à tomber malade et à mourir, il ne vous demande pas votre permission. Vous pourriez
penser qu’après tous les efforts que vous lui avez consacrés, il vous montrerait un peu de
gratitude, mais il ne le peut pas. Ce n’est pas dans sa nature.

C’est nous qui avons animé cette chose. Une des images dans le Canon est celle du corps
en tant que marionnette. Nous tirons les ficelles pendant un moment, et ensuite elles cassent,
les morceaux se brisent. C’est une bonne chose de développer un sens de dépassion et de
désenchantement vis-à-vis du corps, de développer un sens de saṁvega, afin que lorsqu’il se
brise, nous ne nous brisions pas aussi.

Nous récitons les trente-deux parties du corps si souvent que la récitation est devenue
quelque chose de presque automatique. Vous pouvez la faire sans même penser à ce que vous
dites, donc arrêtez et focalisez-vous sur chacune des trente-deux parties, une par une.
Arrêtez-vous sur chacune et visualisez-la, à mesure que vous passez la liste en revue.
Commencez avec les cheveux, les poils, les ongles, les dents, la peau, la chair. Lorsque vous
visualisez chaque partie, essayez aussi d’avoir un sens de l’endroit où cette partie se trouve
exactement dans votre corps. Quand vous arrivez à la peau, vous vous rendez compte que vous
avez là le corps tout entier, entouré ici-même. Il y a la peau tout autour de vous, de tous côtés.

La chair est partout, avec les os au milieu. Passez en revue les différentes parties jusqu’à ce
que vous en rencontriez une qui vous frappe, qui fasse tilt. Rappelez-vous : « Oh, oui, il y a
également une chose comme cela dans ce corps. » Et cette incongruité vous frappe vraiment.

Vous avez un foie, une vésicule biliaire, des grands intestins, vingt-quatre heures sur
vingt-quatre. Vous trimbalez cette chose avec vous tout le temps – « cette chose » étant toute
partie qui vous fait ressentir combien ce corps est étrange, dégoûtant, malpropre ou bizarre,
quelle que soit la partie qui vous frappe, de quelque manière que ce soit, pourvu que cela soit
utile pour la contemplation. Vous avez tellement pris soin de ceci, vous vous en êtes tellement
occupé, et c’est tout ce que les efforts que vous y avez consacrés ont donné.

Nous ne sommes pas en train de dénigrer le corps, nous sommes seulement en train de le
regarder pour ce qu’il est. En fin de compte, nous voulons apprendre comment l’utiliser
simplement comme un outil, sans nous y attacher ; mais pour contrebalancer l’attachement,
nous devons aller très loin dans la direction opposée, pour contrebalancer tout le battage, tous
les slogans publicitaires élaborés que vous avez utilisés pour vous vendre à vous-même le
corps : combien il est important, combien il est essentiel, toutes les bonnes choses que l’on
obtient en s’en occupant très soigneusement, en faisant tout ce yoga, en lui fournissant de
l’exercice, en mangeant toutes ces nourritures adéquates. Vous pouvez faire ces choses-là, et
cependant il va vieillir, tomber malade, et mourir.

Une des techniques de méditation qu’Ajaan Fuang aimait enseigner, quand les gens
développaient un sens de luminosité dans le corps, était de leur demander de se visualiser
eux-mêmes à l’intérieur de cette lumière. Parfois, ils n’avaient même pas besoin de le vouloir.
L’image apparaissait toute seule, là, dans la lumière. Ils pouvaient se voir assis juste en face
d’eux-mêmes. Alors, il leur disait : « Bon, pensez à quoi le corps va rassembler dans cinq ans,
ensuite dans dix ans, quinze, vingt ans, et ainsi de suite, jusqu’à ce que vous mourriez. A quoi
va-t-il ressembler quand vous mourrez ? Ensuite, si vous le conservez le deuxième jour après
que vous êtes mort, le troisième jour, le quatrième jour, le cinquième jour : à quoi va-t-il
ressembler alors ? Après sept jours, incinérez-le. Observez les flammes de la crémation. Et
alors, que reste-t-il ? Seulement quelques cendres et quelques os, et ensuite, avec le temps, les
os eux-mêmes finiront par se transformer en cendres. Il ne reste rien qu’un tas de poudre.
Ensuite, il est dispersé par le vent. » Après cela, il leur demandait de se repasser le film à
l’envers, de réassembler la chose tout entière jusqu’à ce qu’ils reviennent au moment présent
pour se reconnecter au fait que ce que vous avez ici-même va inévitablement dans la direction
que vous venez de voir.

Le bénéfice de tout cela, c’est que quand il y a la moindre petite illusion à propos du corps,
cette contemplation aide à y mettre un terme immédiat. Ensuite, il y a le désir pour le corps
idéal, la pensée que : « Il se peut que les autres vieillissent, mais je vais faire du yoga, je vais
manger correctement, et je ne vais pas vieillir aussi rapidement qu’eux, » : vous vous rendez
compte combien cela est illusoire et futile. Il ne s’agit pas de vous encourager à ne pas prendre
soin du corps, mais simplement à faire attention à toute illusion qui pourrait se développer
autour de lui, afin que quand le vieillissement, la maladie et la mort arriveront, vous soyez
plus préparé.

Une autre raison pour contempler le corps, c’est de vous demander : le vieillissement, la
maladie et la mort approchent ; avez-vous atteint l’état d’esprit qui sera libre de la souffrance
quand elles arriveront ? Si ce n’est pas le cas, de combien de temps disposez-vous ? Vous ne
savez pas. Donc, mettez-vous au travail immédiatement. Quand vous ressentez l’envie de
couper court à votre méditation, souvenez-vous de ceci : combien de temps aurez-vous encore
pour méditer ? Êtes-vous arrivé là où vous voulez aller ? Après tout, c’est la fin de l’histoire
pour nous tous. Le vieillissement, la maladie, la mort : c’est dans cette direction que nous
allons tous. Vous devez être préparé. Autrement, quand vous serez vieux, vous resterez allongé
dans votre lit à halluciner – en train de voir des chiens bizarres dans un coin de la pièce, et des
gens en train de se suicider dans le jardin – parce que le fait d’être vieux, le fait de votre mort
qui approche, est tout simplement quelque chose qui vous dépasse, quelque chose de trop
énorme pour que l’esprit arrive à le gérer. L’esprit commence à refouler les choses. Quand il
refoule les choses de cette manière, il se dirige vers l’illusion. Il essaie de fuir de toutes ses
forces les choses désagréables, mais vous ne pouvez pas les fuir. Elles se trouvent ici-même.

Vous vous êtes piégé vous-même. La seule manière de sortir de ce piège, c’est de creuser à
l’intérieur de l’esprit et de déraciner vos attachements. C’est là que réside votre espoir.

Quand le Bouddha pointe du doigt les aspects négatifs des choses, ce n’est jamais
simplement pour s’arrêter à l’aspect négatif. C’est pour vous montrer le chemin vers le
Sans-mort. C’est pour vous rappeler, comme un avertissement : les choses sont ainsi. Donc,
qu’allez-vous faire pour rester heureux face à cela ? Seul le Sans-mort peut vous fournir un
refuge sûr dans un tel moment. Nous aimons penser que la vie se terminera gentiment, que
tous les détails se régleront, que tout va s’arranger, comme à la fin d’un film ou d’un roman,
mais ce n’est pas ce qui se produit. Tout se défait, tombe en morceaux, tout simplement. Les
choses ne se rejoignent pas et ne se résolvent pas gentiment. A la fin de la vie, il y a une
énorme dissonance, lorsque les choses partent dans tous les sens. C’est ainsi que finit le corps.

Dès lors, la question est : l’esprit suivra-t-il également le même chemin ? Nous avons le
choix. C’est notre chance – la pratique – et donc nous contemplons l’aspect non attirant du
corps pour développer un sens de saṁvega , pour nous encourager à pratiquer et à creuser plus
profondément. Ainsi que le Bouddha l’a dit, sati immergé dans le corps conduit en dernier
ressort au Sans-mort, si vous le pratiquez correctement. Si vous le pratiquez incorrectement et
que vous développez un sens d’aversion comme les moines dans l’histoire, alors – comme le
Bouddha le leur avait conseillé – retournez à la respiration. Cela aidera à dissiper l’aversion,
de la même manière que les premières précipitations de la saison des pluies dissipent toute la
poussière qui a rempli l’air pendant la saison chaude.

Mais cela ne signifie pas que vous arrêtez de pratiquer la contemplation du corps. Cela
signifie simplement que vous devez apprendre à le faire habilement, afin que le sens de
saṁvega soit toujours là, inspirant un sens de pasāda, de quelque manière que ce soit, pour
que cela vous fournisse un affranchissement au moins partiel, pour que cela vous fournisse une
voie de sortie, afin que – comme le dit le sutta – vous soyez heureux même quand vous serez
malade, heureux même quand vous vieillirez, heureux même quand vous mourrez. Mais parce
que notre attachement au corps est tellement fort, nous avons besoin d’un remède puissant
pour le contrebalancer. La contemplation du corps n’est pas quelque chose que vous pratiquez
une fois de temps en temps. C’est quelque chose que vous devez pratiquer de façon répétée.

Vous devez revenir continuellement à ce thème parce que c’est la seule chose qui vous
permettra de rester sain d’esprit, la seule chose qui vous fournira le véritable affranchissement.
Si vous découvrez que vous opposez une résistance à cette pratique, examinez cette
résistance pour voir exactement ce qu’elle est. D’ordinaire, c’est une manière de camoufler
votre attachement. Le corps n’est pas le problème : c’est l’attachement qui est le problème,
mais pour gérer l’attachement, vous devez vous focaliser sur l’objet où l’attachement est très
fort. Quand vous l’examinez vraiment, vous voyez que le corps n’est vraiment pas
grand-chose, qu’il ne vaut pas grand-chose, et cependant votre attachement élabore tant
d’histoires, tant de désirs autour de lui.

Donc, c’est un sujet de méditation que vous devez conserver à portée de main en
permanence, parce que ces attachements apparaissent de toutes sortes de façons, à tout
moment. Vous voulez être prêt pour eux, avoir le dessus sur eux. Tandis que le corps continue
à jouer son rôle – il s’use ici, il s’use là, cette maladie-ci apparaît, cette maladie-là apparaît –,
vous serez préparé.

En Thaïlande, il y a une tradition qui consiste à imprimer des livres lors des funérailles, et
au début de chaque livre il y a habituellement une petite biographie de la personne à qui le
mérite est dédié. En Thaïlande, nombre des meilleurs livres sur le Dhamma sont ceux qui sont
imprimés pour ces funérailles, et donc lorsque vous lisez ces livres sur le Dhamma, vous ne
pouvez vous empêcher de regarder certaines des biographies. Elles suivent toutes le même
schéma. La personne se portait bien, menait une vie heureuse : femme, mari, enfants, etc. Puis
au bout d’un certain temps, il ou elle a commencé à développer un problème de santé
spécifique, peut-être un petit problème rénal, un problème de foie, peut-être un problème
cardiaque. Au début, cela ne semblait pas trop sérieux, les médicaments pouvaient traiter le
problème, mais au bout d’un certain temps, c’est devenu de plus en plus chronique, de plus en
plus gênant, jusqu’au stade où finalement les docteurs n’ont plus rien pu faire. Ils ont dû tout
simplement baisser les bras, et bien qu’ils aient fait de leur mieux, la personne est morte.

Et c’est ironique. L’esprit humain a tendance à penser : « Bon, c’est eux. D’une certaine
manière, je suis différent. » Mais vous n’êtes pas différent. Regardez-vous. Regardez les gens
autour de vous. Quelle maladie va terrasser la personne à côté de vous ? Quelle maladie va
terrasser la personne là-bas ? Quelle maladie portent-ils déjà en eux, qui en fin de compte
causera leur mort ? Quelle maladie portez-vous en vous ? Le potentiel est déjà là, à l’œuvre.

Une des contemplations que je faisais fréquemment à Bangkok lorsque je circulais en bus
était de me rappeler que : « Toutes les personnes dans ce bus ont des funérailles qui les
attendent. Il va y avoir des funérailles pour cette personne-ci, des funérailles pour cette
personne-là, des funérailles pour cette personne là-bas. Cela va les frapper toutes. Et moi
aussi. » Et c’est amusant : vous pourriez penser que cette manière de penser est pessimiste ou
triste, mais ce n’est pas le cas. C’est libérateur. C’est un grand égalisateur. Vous n’êtes plus
prisonnier des détails qui consistent à aimer cette personne-ci ou à ne pas aimer cette
personne-là, à vous inquiéter à propos de ceci, ou de ce problème-là dans votre vie. Vous savez
que tout cela va finir par la mort. Et cette pensée vous libère pour vous focaliser sur les choses
qui sont vraiment importantes, comme l’ensemble de la question de l’attachement.

Essayez de voir cette pratique comme quelque chose de libérateur, parce qu’elle l’est. Si
vous appréciez ce fait, vous découvrirez qu’elle vous permettra d’aller de plus en plus loin. Si
vous avez l’attitude adéquate envers la contemplation du corps, cela peut vous mener loin.
Cela peut procurer beaucoup de liberté, même au milieu de la vieillesse, de la maladie et de la
mort, au milieu de toutes les indignités, les douleurs et les problèmes du vieillissement, de la
maladie et de la mort, car cela vous aide à vous orienter dans la bonne direction, vers la partie
de l’esprit qui est libre.

La dernière fois que j’ai vu Ajaan Suwat, un peu avant sa mort, il a mentionné le fait que
son cerveau commençait à mal fonctionner, qu’il lui fournissait toutes sortes de perceptions
bizarres. Mais il a ajouté : « Cette chose que j’ai obtenue à travers la méditation, cependant,
elle n’a pas changé, elle est toujours là. » Et c’est la raison pour laquelle la souffrance du corps
ne pesait pas sur son esprit, la raison pour laquelle les perceptions bizarres produites par le
cerveau ne le trompaient pas. Il montrait qu’il est possible de ne pas souffrir au cours du
processus de la maladie et de la mort. Et quand une telle chose est possible, vous voulez
vraiment orienter tous vos efforts dans cette direction. Comme le dit l’une des récitations, ne
soyez pas le genre de personne qui regrette plus tard de ne pas avoir profité de l’occasion de
pratiquer, quand vous étiez encore fort et en bonne santé.

https://www.dhammatalks.org/Archive/fre ... 140326.pdf
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axiste
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Je me dis parfois que je peux voir le ou les corps comme des pensées très profondes...un peu comme des pensées au ralenti, sorte de zoom étrange ou je tombe parfois...comme des poupées gigognes qui s’assemblent comme des couloirs de vents..

Un jour mon père me soignait une dent et m’a dit: « ta dent est autonome, elle a sa vie propre, elle est une entité qui vit sa vie dans ton corps. » cela était très étrange de considérer une partie de mon corps qui semblait s.echapper subitement...ce jour là j’ai eprouvé une sorte de compassion pour ma dent qui était subitement projetée à l’extérieur de mon corps. On peut faire cela très facilement avec un cheveu, là c’est beaucoup moins douloureux..alors c’est moins impactant. La douleur impacte. Elle force a regarder vraiment.
Le truc avec tout cela, c’est qu’on peut avoir des éclairs de compréhension, puis on oublie au fil du temps, parce que c’est une forme d’éludation que l’on fait inconsciemment, par attachement, et on se rattache au monde extérieur qui fonctionne aussi ainsi, mais on ne le voit pas toujours, ou alternativement.

On vieillit, on voit les autres vieillir. Le contact avec la vieillesse peut créer beaucoup d’attachements et de détachements.
Pourquoi les lamentations nous retournent autant parfois, pourquoi le chemin des autres nous impacte autant ? Ils incarnent aussi toutes ces pensées que nous avons et avec lesquelles nous bataillons trop souvent.

Merci pour ce texte chercheur jap_8
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Merci beaucoup Chercheur,

J’ai lu beaucoup de textes concernant la contemplation des 32 parties du corps et son rapport avec l’attachement mais jamais avec cette qualité de compréhension ! N’est-ce pas les quatre messagers divins ; maladie, vieillesse, mort et rencontre d’un religieux ; qui ont incité le jeune Siddharta à quitter sa vie de confort pour devenir un samana !

Je note au passage ces extraits :
C’est une bonne chose de développer un sens de dépassion et de désenchantement vis-à-vis du corps, de développer un sens de saṁvega, afin que lorsqu’il se brise, nous ne nous brisions pas aussi.
——
Il ne s’agit pas de vous encourager à ne pas prendre soin du corps, mais simplement à faire attention à toute illusion qui pourrait se développer autour de lui, afin que quand le vieillissement, la maladie et la mort arriveront, vous soyez
plus préparé.
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Autre extrait d’une autre source :
Un Sutta affirme : « Quand, Rāhula, la Vigilance remémoratrice est ainsi développée, ainsi pratiquée fréquemment, inspiration et expiration finales aussi sont connues quand elles cessent, non inconnues ». Or, on sait l’importance qu’accorde le Dharma au dernier souffle, au moment de la mort, qui est l’occasion d’un « bilan » quand, bien entendu, elle est consciente. Et ce bilan peut êt=re favorable quand la mort est douce, défavorable quand la mort est terrifiante, abominable si la purulence du vouloir-vivre, qui, jusque-là sommeillant dans le subconscient, n’avait jamais été clairement ressentie pendant la vie, se réveille et fait se révolter le cœur. Combien d’existences, se croyant prêtes à mourir paisiblement, se lamentent, crient, se désespèrent quand la mort arrive. Cependant, pour certains, le cœur purifié, en s’éteignant, laisse place à la splendeur de la Prajñā et, au plus haut, à la béatitude du nibbāna, béatitude du « nul »...
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Nous ne sommes pas ce corps et il ne nous appartient pas.
Sinon nous pourrions décider de ne pas vieillir ou de ne jamais tomber malade.
Le corps suit son chemin.
Selon sa nature.
Je note cet extrait dans le texte posté par chercheur:
Donc, il est important que nous examinions les choses ici-même. Sinon, nous restons attachés à la souffrance que le corps va nous apporter. Comme nous le savons tous, il vieillit, tombe malade et ensuite il meurt. Si vous ne pensez pas que cela va être de la souffrance, alors allez passer quelque temps avec des gens très âgés, des gens très malades, des gens qui sont en train de mourir. Voyez combien ils souffrent. Il y a deux semaines, quand j’étais de retour chez mon père, j’ai participé au rituel quotidien consistant à le retourner afin que ma belle-mère puisse lui enlever sa couche. Pendant qu’elle faisait cela, j’ai pu voir à quoi ressemble un vieux corps avec des escarres, comment un vieux corps fonctionne et ne fonctionne pas, combien de souffrance il provoque quand il est impotent, non seulement pour la personne dans le vieux corps, mais aussi pour les gens qui prennent soin de lui. J’ai aussi vu à quoi cela ressemble d’être vieux et de ne pas avoir entraîné l’esprit. Dans ces moments-là, l’esprit est totalement incontrôlable, parce que lorsque le corps s’affaiblit, votre énergie diminue. Les pensées qui font irruption dans l’esprit peuvent en prendre totalement le contrôle si vous’n’avez pas développé la capacité à les contrer.

Et puis, il y a toutes les indignités de la vieillesse. C’est comme si le corps humain était conçu pour saper tout sens de fierté que nous puissions ressentir. D’autres personnes doivent vous essuyer ; d’autres personnes doivent vous retourner ; quel que soit le sentiment d’intimité que vous ayez pu avoir au sujet de votre corps, il passe par la fenêtre. Vous ne pouvez pas contrôler votre fonction d’uriner, vous ne pouvez pas contrôler votre fonction de déféquer.

Tout devient incontrôlable. Et c’est une bonne chose de contempler cela, de ne pas développer un sens d’aversion, mais d’examiner le caractère universel de cette condition du corps et de développer un sens de saṁvega , de voir la quantité d’efforts consacrés à maintenir le corps, et ensuite ce à quoi aboutissent tous ces efforts. Si c’est là que vous recherchez le bonheur, vous cherchez au mauvais endroit. C’est là tout l’objet de cette contemplation. Si vous n’apprenez pas comment abandonner votre attachement maintenant, pendant que vous êtes encore fort et en bonne santé, cela va devenir de plus en plus difficile lorsque le corps s’affaiblira, lorsque le corps vieillira.
Merci Tirru pour les tétrades. jap_8
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Ce passage m'a le plus marqué. Du coup, je suis allé voir des images pour voir un peu de quoi il en retournait, et j'avoue que cela m'a assez impacté, voir choqué... :-( me recevant une certaine forme de violence (en tout cas le percevant comme tel) impactant même mes méditations de ces derniers jours...
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Je pense qu’aller voir des images est une violence.
Par contre, côtoyer la réalité parce que c’est ce qui est n’offre pas de prise aux pensées. Parce que, face à la souffrance, les pensées inutiles. Seuls les gestes et l’attention importent et tout jugement est tué d’emblée. love3
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Bonjour,

Dans le prolongement du thème sur la contemplation du corps et du fait que la remémoration continuelle est importante pour ne pas dire incontournable, les récitations quotidiennes prennent ici tout leurs sens.


Abhinha Paccavekkhanapātha:
Cinq sujets de réflexion quotidienne :
  • Jarā-dhammomhi jaraṁ anatīto.
    Il est dans notre nature de vieillir, on ne peut pas l’éviter.
  • Byādhi-dhammomhi byādhiṁ anatīto.
    On porte la maladie en soi, on ne peut pas l’éviter.
  • Maraṇa-dhammomhi maraṇaṁ anatīto.
    Il est dans notre nature de mourir, on ne peut pas l’éviter.
  • Sabbehi me piyehi manāpehi nānā-bhāvo vinā-bhāvo.
    Nous devons quitter tous nos biens, nous séparer de ceux que nous aimons, même de la vie.
  • Kammassakomhi kamma-dāyādo kamma-yoni kamma-bandhu kamma-paṭisaraṇo.
    Nous créons notre kamma, nous sommes héritiers de notre kamma, nous naissons de notre kamma, nous sommes entraînés par notre kamma, nous sommes guidés par notre kamma.
  • Yaṃ kammaṁ karissāmi kalyāṇaṁ vā pāpakaṁ vā tassa dāyādo bhavissāmi.
    Nous récoltons toujours le fruit de nos actions, qu’elles soient bonnes ou mauvaises.
  • Evaṃ amhehi abhiṇhaṁ paccavekkhitabbaṁ.
    Nous devons contempler ces réflexions tous les jours.
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Je pense qu’aller voir des images est une violence.
Oui je suis d'accord avec toi, mais la curiosité l'a emportée. Je comprends mieux pourquoi Ajahn Geoff, ainsi que le Bouddha, nous conseille de retourner à la respiration pour calmer l'esprit, et ne pas, trop, rester coller à tout ce que ça remue en soi. Butterfly_tenryu

@tirru : D'ailleurs, c'est un entraînement que le Bouddha proposait aux laîcs (hommes et femmes).
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Les images ne coulent pas. Elles sont immobiles. En ce sens elles sont une impossibilité. Pourtant nos sens sont moins sollicités que dans la réalité. Par exemple, si je regarde une image d’escarre je n’ai pas l’odeur, je n’ai pas le contexte, je ne vois pas les soins, je ne comprends pas vraiment comment il est apparu, comment il va disparaître, ou pas. Le message de la réalité est en quelque sorte galvaudé pour ne pas dire occulté. L’image est une sorte d’excroissance réductrice parce qu’elle est orientée sur la forme.
Dans la réalité, il y a l’odeur de putréfaction, on voit que le corps est impacté par l’immobilité, qu’il y a des contacts corporels qui favorisent l’apparition d’escarres comme lorsque la personne est définitivement alitée. On voit les intentions bienveillantes des personnes qui soignent. Bref, le réel fait des liens avec le courant de la vie, il est d’ailleurs insaisissable. Ce que l’image n’est pas. Les images mentent parce qu’elles isolent ce qui ne l’est jamais.
En fait ce qui me semblent violent, c’est l’impossibilité que nous avons à établir les liens des images avec le courant de la vie. Les images sont comme des poignards qui coupent le flux des choses. Je ne parle pas des films qui enchaînent les images, qui sont des histoires que racontent les images.
Mais les films ou les images sont utiles car nous les animons ou leur donnons vie et ainsi nous communiquons. C’est un peu comme les mots. Mais le silence est bien aussi.

Pour en revenir au corps, peut être se contenter d’observer son corps ou celui des personnes que la vie met sur nos pas, parce que la recherche des images ne donne pas la compréhension. Elle expose juste ses formes...et nous interprétons.
Je comprends mieux pourquoi Ajahn Geoff, ainsi que le Bouddha, nous conseille de retourner à la respiration pour calmer l'esprit, et ne pas, trop, rester coller à tout ce que ça remue en soi.
jap_8
@tirru : D'ailleurs, c'est un entraînement que le Bouddha proposait aux laîcs (hommes et femmes).
jap_8
Cinq clefs pour la parole correcte :
- dire au bon moment, prononcer en vérité, de façon affectueuse, bénéfique et dans un esprit de bonne volonté."
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