Quelle est votre expérience concernant les Éveillés?

Sourire

Dharmadhatu a écrit :Ce n'est pas parce qu'on n'a pas perçu quelque chose que cette chose n'existe pas. Sinon, impossible pour les êtres ordinaires comme nous d'accepter les facultés des Bodhisattvas, les différents samadhis, jusqu'à l'Eveil lui-même.
Autrement dit, il n'y a pas de perception permettant de dire que la chose existe, ou du moins pas forcément, et en l'occurrence tu fais appel à un exemple où il n'y a pas eu de perception avec reconnaissance par une personne d'une chose déjà connue par elle.
Dharmadhatu a écrit :Je crois, sans vouloir offenser qui que ce soit, qu'il faut être sérieux et s'en tenir aux faits et aussi aux écritures qui, souvent (pas toujours, évidemment), ne sont des élucubrations de quelques moines fanatiques, et simplement avoir une certaine ouverture et se dire que ce qu'on a expérimenté n'est peut-être pas le bout du chemin.
Les écrits et les faits sont deux choses différentes.
En habituée de la mythologie, je sais combien les textes sont riches d'enseignements, mais aussi combien ils portent en eux d'interprétations possibles qui ne sont pas toujours cohérentes entre elles pour la simple raison qu'au fil du temps les hommes ont changé de façon d'aborder le mythème et l'ont tourner autrement. Pour la simple raison, aussi qu'une personne ayant approfondi de nombreux textes ne lira pas la même chose qu'une personne qui n'en a lu qu'un seul.
Les faits sont moins soumis à interprétation.
Puisque tu parlais d'êtres ordinaires = les faits sont accessibles à tout le monde (du moins peut-on supposer), les textes doivent se lire et s'interpréter longuement, et ne convaincront, en outre, pas ceux qui sont comme Saint Thomas.
Dharmadhatu a écrit :
Sourire a écrit :Ce n'est pas parce qu'on n'a pas perçu quelque chose que cette chose n'existe pas.

Effectivement...
Mais cela permet de jeter un doute sur son existence.
Tout à fait, et c'est seulement si on trouve l'absence de quelque chose que le doute sur son existence n'a plus lieu d'être.
Mais sans démonstration d'existence ou d'inexistence, nulle certitude ni dans un sens, ni dans l'autre.

Dharmadhatu a écrit :Sinon, impossible pour les êtres ordinaires comme nous d'accepter les facultés des Bodhisattvas, les différents samadhis, jusqu'à l'Eveil lui-même.
Sourire a écrit :Ca, c'est ce qu'on appelle de la croyance.
Pas forcément, ça peut être une cognition inférentielle valide (anumana-pramana).
La Foi transporte les montagnes, mais ça reste de l'ordre de la croyance quand même.
Je sors Descartes, cette fois...
Quelle preuve ai-je que le Monde existe et que moi-même j'existe ? A vrai dire, je m'en fiche un peu... Je peux n'être qu'un morceau d'un rêve dans la méga-cervelle de je ne sais qui, j'ai au moins l'impression d'exister et celle de penser. Je m'en contenterai.
De même, la question de savoir s'il existe ou non un état parfait correspondant à ce qu'on a nommé Eveil m'est totalement égal...
Cet état existe peut-être réellement. Si tel est le cas, ça ne me gêne pas.
Il n'est peut-être qu'une illusion. Si tel est le cas, cette illusion apporte un prétexte à faire avancer l'Humanité vers un "mieux" incertain et progressif, mais un mieux quand même. En tous cas, c'est un espoir qu'on peut caresser. Donc, ça ne me gêne pas non plus.
Dharmadhatu a écrit :
Mathématiquement parlant, on peut baser une discussion sur le principe "par hypothèse il existe un état que nous nommerons Eveil" mais ni Platon, ni Rouletabille ne sauront faire en sorte que, mathématiquement parlant, on passe d'une hypothèse acceptée comme une base de départ et non-vérifiée à une démonstration solidement établie. Tout ce qui en découle sera également de l'ordre de la croyance.
Ceci n'est valable que si l'inférence n'est pas valide. Elle ne l'est que si elle repose sur une perception directe valide. Sans ça, il s'agit en effet de simple croyance, ce que les épistémologues bouddhistes appellent techniquement une assomption (tib. yi tcheu).
Tu parles toujours de cognition inférentielle valide ?
http://www.buddhaline.net/annuairedubou ... c8d0806042
Si j'en juge par ce que tu écris dans ce post, il me semble qu'il faudrait considérer les descriptions de l'Eveil comme des bases sûres et certaines.
Or il a été montré plus haut (le zen et la guerre / le sermon de la forêt) que les descriptions de l'état d'Eveil n'étaient pas toutes concordantes. Il me faut donc en conclure que cette validité n'est pas totale.
De même qu'on peut mettre un bouquet de fleurs dans une boite à chaussures ou un fusil dans un étui à violon.




(peux-tu faire attention en citant, s'il te plait, j'ai rétabli les "quote" dans mon post, mais ta façon de faire risque d'amener des quiproquos, à la longue. jap_8 Merci.)


jules a écrit :Le seau de Yen-t'eou

Trois moines, Siue-feng, K'in-chan et Yen-t'eou, se rencontrèrent dans le jardin du temple. Siue-feng vit un seau et le montra du doigt. K'in-chan dit :
-L'eau est claire, et la lune reflète son image.
-Non, non, fit Siue-feng, ce n'est pas l'eau, ce n'est pas la lune.
Yen-t'eou renversa le seau.
jap_8 jap_8 jap_8
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:D
Antodume a écrit :Qui te dit que le Zen ne reconnait pas un samyaksam-buddha qui ne se manifeste pas par les prodiges que tu décris mais par le fait qu'il est "celui qui a parcouru la carrière du bodhisattva et pratiqué les pâramitâ, sans l'aide ni l'enseignement de quiconque, avant d'atteindre l'Eveil "plein et parfait" et de re-découvrir par lui-même le Dharma. Le seul capable d'enseigner la Voie qui mène au nirvâna et à la Libération" (définition UBE) ?
<<metta>> Je dis juste que le Zen ne reconnaît pas un samyak-sambuddha tel qu'il est décrit dans le Mahayana indo-tibétain. Et vice versa. La preuve, la définition de l'UBE est une définition théravadine. Pour ma tradition, un Bouddha a forcément reçu des enseignements au cours des kalpas antérieurs puisqu'il a un parcours de Bodhisattva, et les Bouddhas enseignent le Bodhisattvayana. Cf. le Dashabhumikasutra entre autres.
Qu'est-ce qui peut être conscient si ce n'est une conscience ?
Là c'est grave. Tu es à la limite du troll.
Pas de réponse de ta part donc.
Sourire a écrit :Autrement dit, il n'y a pas de perception permettant de dire que la chose existe,
<<metta>> Non, pas forcément, seulement s'il s'agit d'un phénomène non susceptible d'apparaître. Et s'il n'apparaît pas à une conscience ordinaire, il apparaît malgré tout à une conscience omnisciente puisqu'elle perçoit tout.
Autrement dit, il n'y a pas de perception permettant de dire que la chose existe, ou du moins pas forcément, et en l'occurrence tu fais appel à un exemple où il n'y a pas eu de perception avec reconnaissance par une personne d'une chose déjà connue par elle.
En effet, je parle ici de ce qui n'est pas susceptible d'apparaître (à une conscience ordinaire).
Les écrits et les faits sont deux choses différentes.
Qui peuvent coïncider, sinon les écrits relatant l'impermanence, par exemple, seraient fallacieux.
Les faits sont moins soumis à interprétation.
"Moins" mais peut être pas "pas du tout".
Puisque tu parlais d'êtres ordinaires = les faits sont accessibles à tout le monde
Non, les faits sont accessibles à toute conscience omnisciente, mais pour des êtres ordinaires comme nous, l'enchaînement karmique qui nous permet de discuter aujourd'hui et qui est un fait ne nous est pas accessible en l'état.
Mais sans démonstration d'existence ou d'inexistence, nulle certitude ni dans un sens, ni dans l'autre.
Oui, s'il n'y a aucune démonstration, c'est tout sauf une cognition valide, fût-elle directe ou inférentielle.
Quelle preuve ai-je que le Monde existe et que moi-même j'existe ?
Contradictio in terminis: si tu n'existais pas, il n'y aurait personne pour poser la question.
Je peux n'être qu'un morceau d'un rêve dans la méga-cervelle de je ne sais qui,
Même dans ce cas tu n'en existerais pas moins (ni plus). Mais nous sommes en hors sujet.
Il n'est peut-être qu'une illusion. Si tel est le cas, cette illusion apporte un prétexte à faire avancer l'Humanité vers un "mieux" incertain et progressif, mais un mieux quand même. En tous cas, c'est un espoir qu'on peut caresser. Donc, ça ne me gêne pas non plus.
Je ne vois pas où tu veux en venir concernant notre débat.
Si j'en juge par ce que tu écris dans ce post, il me semble qu'il faudrait considérer les descriptions de l'Eveil comme des bases sûres et certaines.
Or il a été montré plus haut (le zen et la guerre / le sermon de la forêt) que les descriptions de l'état d'Eveil n'étaient pas toutes concordantes. Il me faut donc en conclure que cette validité n'est pas totale.
De même qu'on peut mettre un bouquet de fleurs dans une boite à chaussures ou un fusil dans un étui à violon.
Tu parles de deux niveaux différents de réalité. Selon la vérité ultime, on ne peut rien dire de l'Eveil; il n'est pas plus différent d'un diamant que d'un pet de lapin. Mais selon la vérité conventionnelle, on peut chercher par soi-même quel type de description de l'Eveil correspond le plus aux écritures et au raisonnement valide.

C'est un choix que je laisse à tout un chacun, et ce, depuis le début.

Je ne peux que répéter:

- soit on interprète différemment cela et on n'accepte pas qu'un Bouddha puisse connaître tous les existants et parmi eux les pensées d'autrui, alors on est zéniste.

- soit on accepte la preuve par les écritures ainsi que la preuve par le raisonnement s'appuyant sur une perception directe de la nature fondamentalement cognitive de l'esprit et on peut faire une différence entre la cessation du voile afflictif (kleshavarana) qu'est la libération individuelle (nibbana, pratimoksha), et la cessation du voile cognitif (jñeyavarana) qu'est l'Eveil (uttara-samyak-sambodhi). Alors on est mahayaniste indo-tibétain.

:arrow: Mais les deux sont légitimes et font la richesse du Buddhadharma, c'est pourquoi l'une n'a pas vocation à interférer dans les vues de l'autre. Et vice versa.


Amitié FleurDeLotus
Dernière modification par Dharmadhatu le 06 mars 2012, 21:30, modifié 1 fois.
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
Sourire

Dharmadhatu a écrit :
Il n'est peut-être qu'une illusion. Si tel est le cas, cette illusion apporte un prétexte à faire avancer l'Humanité vers un "mieux" incertain et progressif, mais un mieux quand même. En tous cas, c'est un espoir qu'on peut caresser. Donc, ça ne me gêne pas non plus.
Je ne vois pas où tu veux en venir concernant notre débat.
Juste au fait que même si l'Eveil n'est qu'une hypothèse, ce qui rend tout débat à son sujet dépendant de cette hypothèse et donc incertain, le concept conserve son intérêt.

1° possibilité = l'hypothèse est juste. L'existence de l'Eveil peut, dès lors constituer en soi un espoir pour des gens qui ne savent où en trouver, et dans tous les cas, les questionnements sur l'Eveil et ceux qui en découlent vont en général dans le sens de la bienveillance à l'égard d'autrui (etc., je vais pas faire un listing des vertus). Ca n'est donc pas en soi une mauvaise chose.
2° possibilité = l'hypothèse est fausse. Pour moi, au quotidien, ça ne change rien, donc en soi, ça ne me dérange pas, puisque je ne suis pas un être éveillé (évidemment, si j'en étais un, ça serait compliqué, là...). Par contre, il se peut que des gens y perdent des raisons d'espérer. Et il se peut aussi que puisqu'il n'y a pas d'éveil, les vertus aient moins la côte. Il se peut ! J'ai pas fait de sondage sur une tranche de population représentative pour le savoir...

Par conséquent, le fait que l'Eveil relève ou non de la croyance ne me dérange pas, du moment qu'on parle bien tous de la même chose (hypothèse de départ). Sinon ça devient compliqué...
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Dharmadhatu
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Sourire a écrit :
Dharmadhatu a écrit :
Il n'est peut-être qu'une illusion. Si tel est le cas, cette illusion apporte un prétexte à faire avancer l'Humanité vers un "mieux" incertain et progressif, mais un mieux quand même. En tous cas, c'est un espoir qu'on peut caresser. Donc, ça ne me gêne pas non plus.
Je ne vois pas où tu veux en venir concernant notre débat.
Juste au fait que même si l'Eveil n'est qu'une hypothèse, ce qui rend tout débat à son sujet dépendant de cette hypothèse et donc incertain, le concept conserve son intérêt.

1° possibilité = l'hypothèse est juste. L'existence de l'Eveil peut, dès lors constituer en soi un espoir pour des gens qui ne savent où en trouver, et dans tous les cas, les questionnements sur l'Eveil et ceux qui en découlent vont en général dans le sens de la bienveillance à l'égard d'autrui (etc., je vais pas faire un listing des vertus). Ca n'est donc pas en soi une mauvaise chose.
2° possibilité = l'hypothèse est fausse. Pour moi, au quotidien, ça ne change rien, donc en soi, ça ne me dérange pas, puisque je ne suis pas un être éveillé (évidemment, si j'en étais un, ça serait compliqué, là...). Par contre, il se peut que des gens y perdent des raisons d'espérer. Et il se peut aussi que puisqu'il n'y a pas d'éveil, les vertus aient moins la côte. Il se peut ! J'ai pas fait de sondage sur une tranche de population représentative pour le savoir...

Par conséquent, le fait que l'Eveil relève ou non de la croyance ne me dérange pas, du moment qu'on parle bien tous de la même chose (hypothèse de départ). Sinon ça devient compliqué...
jap_8 Merci d'avoir clarifié ton propos, Sourire. Et en effet, au vu de ce débat (qui, sinon n'aurait eu aucune raison d'être), nous ne pouvons manquer le fait que nous ne parlons pas tous de la même chose.

Dans ma tradition, on a l'habitude de ça puisque nous jonglons à la fois avec les contextes du Sutrayana et du Vajrayana. Or parler d'une chose dans l'un et croire qu'il s'agit de la même chose dans l'autre, c'est imiter le jeune Tibétain pas très fut' fut' qui, voulant passer pour un malin, disait: "C'est du chêne !" en montrant n'importe quel bout de bois passant à sa portée. :lol:

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antodume

Dharmadhatu a écrit :Je dis juste que le Zen ne reconnaît pas un samyak-sambuddha tel qu'il est décrit dans le Mahayana indo-tibétain. Et vice versa. La preuve, la définition de l'UBE est une définition théravadine. Pour ma tradition, un Bouddha a forcément reçu des enseignements au cours des kalpas antérieurs puisqu'il a un parcours de Bodhisattva, et les Bouddhas enseignent le Bodhisattvayana. Cf. le Dashabhumikasutra entre autres.
Tu dis bien plus que ça puisque tu parles d'un éveil "au rabais". Affirmerais-tu que qu'un Samyaksam Bouddha tel que le définit l'UBE est un Bouddha "au rabais" ? Pour ma part, je ne dis pas que le Bouddha tel que le définit l'UBE est un Bouddha "au rabais" mais est, au contraire, le 1er Nirmanakaya dans le monde humain qui a manifesté tous les signes de l'Eveil Parfait et insurpassable. Le fait qu'il ait pu exister, aux cours de kalpas antérieurs, des Bouddhas ou des Bodhisattvas qui aient enseigné le Bouddha est une conjecture indécidable et donc sans intérêt pour le Zen. Ce point de vue, sans être rejeté, est en effet considéré comme une vue graduelle et non abrupte.

J'ajouterai, pour ma part, que la vision de ce mode d'appréciation (Mahayana indo-tibétain) tel que tu la décris révèle le fait que tu t'appuies sur une analyse de la Vacuité selon le raisonnement logique du Madhyamaka. Pour le Zen, ce mode de raisonnement est valide dans le contexte de l'interdépendance des phénomènes mais non valide pour la réalisation par l'expérience du Non-né (= Nirvana). Pire, il débouche sur une sorte de "Black Out" pris à tort pour la Vacuité et qui n'est rien d'autre qu'une quiétude samadhique que le Zen compare à une "caverne de démons".

Cette approche raisonnée de la Vacuité conduit également et nécessairement à une approche morcelée et progressive de la Triple Discipline (c'est ce qui différencie une voie "abrupte" comme le Zen d'une voie "progressive"). Et cette approche morcelée et progressive conduit à concevoir le Bodhisattva comme une sorte de "sous Bouddha" (ou Bouddha au rabais). Le Zen, pour sa part, ne considère pas les bodhisattvas comme des Bouddhas au rabais mais comme l'émanation compatissante de la Nature de Bouddha dans le monde manifesté (le Samsara) ; autrement dit, des Nirmanakayas. En clair, le Zen (du moins, celui que je pratique puisqu'il faut nuancer par le fait que tous les zenistes n'adhèrent pas à ce point de vue) se distingue de l'approche Madhyamaka :

- En ce qu'il ne considère pas les inférences logiques sur la base de l'interdépendance des phénomènes (y compris la vacuité), comme pouvant aboutir à la réalisation de Nibbana (ou du Non-né) et donc à la Vacuité du Dharmakaya.

- En ce qu'il ne considère pas l'expérience/réalisation du Nibbana (ou du Non-né) comme un Eveil au rabais mais comme l'étape indispensable et insurpassable et dont le déploiement dans le monde (sous forme d'enseignement du Dharma) constitue l'action d'un Nirmanakaya. Et nul ne peut prétendre porter le nom de Bodhisattva s'il n'a pas fait cette réalisation (Dharmakaya et Samboghakaya) et ne s'exprime pas sous la forme d'un Nirmanakaya. Le Zen reconnais toutefois des éveils "incomplets" et qui font partie des étapes définis dans les 10 tableaux du dressage du buffle.

Enfin, les "prodiges" dont il est fait état dans l'approche que tu décris ne sont nullement assimilées, par le Zen, à des conditions ou des caractéristiques de l'Eveil Bouddhique mais des assimilations issues de religions monothéistes puisque l'Omniscience du Bouddha est comprise comme équivalente à celle d'un Dieu (au sens Hindouiste du terme) = "conscience universelle". Ces conjectures sont, de plus, indécidables en ce qu'elles ne peuvent pas être affirmées ni infirmées et relèvent donc essentiellement d'une croyance qui ne peut être vérifiée, contrairement à l'Eveil.
Pas de réponse de ta part donc.
Il est inutile d'enfoncer des clous dans le vide. Ils ne tiennent pas.

A+
Dernière modification par antodume le 07 mars 2012, 10:22, modifié 1 fois.
Aldous

Dharmadhatu a écrit :
Antodume a écrit :Qui te dit que le Zen ne reconnait pas un samyaksam-buddha qui ne se manifeste pas par les prodiges que tu décris mais par le fait qu'il est "celui qui a parcouru la carrière du bodhisattva et pratiqué les pâramitâ, sans l'aide ni l'enseignement de quiconque, avant d'atteindre l'Eveil "plein et parfait" et de re-découvrir par lui-même le Dharma. Le seul capable d'enseigner la Voie qui mène au nirvâna et à la Libération" (définition UBE) ?
<<metta>> Je dis juste que le Zen ne reconnaît pas un samyak-sambuddha tel qu'il est décrit dans le Mahayana indo-tibétain. Et vice versa. La preuve, la définition de l'UBE est une définition théravadine. Pour ma tradition, un Bouddha a forcément reçu des enseignements au cours des kalpas antérieurs puisqu'il a un parcours de Bodhisattva, et les Bouddhas enseignent le Bodhisattvayana. Cf. le Dashabhumikasutra entre autres.
Bonjour,
moi qui suis passé par le cursus complet des cours donnés par l'UBE, je dois dire qu'il s'agit là effectivement de la définition d'un samyak-sambuddha correspondant à la définition théravadine ou plus précisément la définition selon le bouddhisme originel. (c'est tiré d'un exemple de cours auquel on peut avoir accés gratuitement afin d'exemple des cours qui y sont donnés.C'est le premier cours).
http://www.bouddhisme-universite.net/CE ... ule1-1.htm
Cela ne signifie pas que la définition d'un samyak-sambuddha s'arrête là pour l'UBE. Quand sont abordés les cours sur le Mahayana la définition selon le Mahayana est donnée. Définition où cette fois-ci un samyak-sambuddha reçoit un enseignement. Cette différence de définition d'un samyak-sambuddha fait partie des différences basiques entre hinayana (théravada pour faire simple) et mahayana
Pour en revenir aux prodiges, je pense tout simplement que le zen ne perd pas de vue que même un samyak-sambuddha reste un être humain aussi ses prodiges si exceptionnels soient-ils restent dans le domaine de l'humain. C'est pourquoi plus haut il en a été débatu que "omniscient" pour le zen ne prend pas une tournure genre transmission de pensée ou télépathie. Alors que le vajryana fait d'un samyak-sambuddha un état avec des connotations quasi (voire complètement) extra humaines. C'est pour cela que dans le vajrayana "prodiges" devient quasi (voire complètement) synonymes de choses magiques.
Il ne faut pas oublier que dans le zen l'éveil c'est le satori ou le kensho qui n'est pas un éveil au rabais mais une entrée (un éveil qui ne va cesser de progresser) vers l'éveil définitif d'un samyak-sambuddha. Eveil définitif auquel par idéal le disciple zen se refuse d'accéder afin de rester un bodhisattva au service des autres. Tandis que dans le vajrayana l'éveil n'est vu qu'en tant que Eveil d'un samyak-sambuddha.

PS:
On voit par ailleurs dans ce cours qu'à propos des pouvoirs d'un samyak-sambuddha:
Un Bouddha connaît, selon la réalité :
6 - ce qui passe dans l'esprit des êtres vivants

ça laisse une marge d'interprétation...

Cordialement
antodume

Sourire a écrit : Juste au fait que même si l'Eveil n'est qu'une hypothèse, ce qui rend tout débat à son sujet dépendant de cette hypothèse et donc incertain, le concept conserve son intérêt.

1° possibilité = l'hypothèse est juste. L'existence de l'Eveil peut, dès lors constituer en soi un espoir pour des gens qui ne savent où en trouver, et dans tous les cas, les questionnements sur l'Eveil et ceux qui en découlent vont en général dans le sens de la bienveillance à l'égard d'autrui (etc., je vais pas faire un listing des vertus). Ca n'est donc pas en soi une mauvaise chose.
2° possibilité = l'hypothèse est fausse. Pour moi, au quotidien, ça ne change rien, donc en soi, ça ne me dérange pas, puisque je ne suis pas un être éveillé (évidemment, si j'en étais un, ça serait compliqué, là...). Par contre, il se peut que des gens y perdent des raisons d'espérer. Et il se peut aussi que puisqu'il n'y a pas d'éveil, les vertus aient moins la côte. Il se peut ! J'ai pas fait de sondage sur une tranche de population représentative pour le savoir...

Par conséquent, le fait que l'Eveil relève ou non de la croyance ne me dérange pas, du moment qu'on parle bien tous de la même chose (hypothèse de départ). Sinon ça devient compliqué...
L'Eveil est une hypothèse tout le temps qu'on n'a pas franchi au moins la première étape de l'éveil, définie (dans le Zen par exemple) comme "Voir dans sa vraie nature" (= kensho) ou dans le Dzogchen par la reconnaissance de l'état de Rigpa (qui n'est pas une étape libératrice, comme on l'a déjà dit). Après cela, l'Eveil n'est plus une hypothèse mais une réalité à consolider sur le cheminement sur la Voie jusqu'à sa Perfection.

Mais les prodiges qui sont mentionnés (comme la lecture des pensées d'autrui) relèvent de conjectures invérifiables. Car, outre qu'on n'a jamais rencontré de personne qui lise les pensées des autres, cette conjecture relève d'une mauvaise compréhension de l'omniscience d'un Bouddha. Cette omniscience est en effet la Connaissance ou la Sapience du Non-né et donc de la Vacuité. Réaliser la Vacuité du Non-né cela revient en effet à réaliser l'omniscience puisque la Vacuité embrasse tout les existants "tels qu'ils sont". Mais l'Eveil ne consiste pas à se transformer en Vacuité ou en Sapience ; il consiste à réaliser que celle-ci est notre vraie nature et à nous y établir définitivement en pensée. Ce qui signifie que l'Eveil consiste à réaliser que notre vraie nature (de Bouddha) embrasse tous les existants. Mais, pas plus que nous nous transformons en un volume d'eau quand on nous dit que nous sommes constitués à 75% d'eau, notre éveil ne pourrait nous faire lire les pensées d'autrui. C'est non seulement une question de bon sens mais aussi une question de compréhension sur la base de l'expérience/réalisation.
Dernière modification par antodume le 07 mars 2012, 11:04, modifié 1 fois.
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Dharmadhatu
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Antodume a écrit :Tu dis bien plus que ça puisque tu parles d'un éveil "au rabais". Affirmerais-tu que qu'un Samyaksam Bouddha tel que le définit l'UBE est un Bouddha "au rabais" ?
eveil_333 Attention: S'il s'agit uniquement du contexte mahayaniste indo-tibétain, c'est un Eveil au rabais, c'est appauvrir les vues mahayanistes indo-tibétaines, sinon, nous respectons les vues des autres, tant qu'ils s'en tiennent à exposer leur propre tradition.
Pour ma part, je ne dis pas que le Bouddha tel que le définit l'UBE est un Bouddha "au rabais" mais est, au contraire, le 1er Nirmanakaya dans le monde humain qui a manifesté tous les signes de l'Eveil Parfait et insurpassable.
Une preuve de plus que nous n'avons pas les mêmes vues car le Bouddha a bien stipulé qu'il était le 4ème Bouddha historique et non le 1er.
Le fait qu'il ait pu exister, aux cours de kalpas antérieurs, des Bouddhas ou des Bodhisattvas qui aient enseigné le Bouddha est une conjecture indécidable et donc sans intérêt pour le Zen.
Il suffit de lire certains Soutras de l'Ekottaragamasutra où le Bouddha évoque les différents Bouddhas historiques des 3 temps. Cf. Paroles du Bouddha - tirées de la tradition primitive, Jean Eracle, pp. 128 - 136.
J'ajouterai, pour ma part, que la vision de ce mode d'appréciation (Mahayana indo-tibétain) tel que tu la décris révèle le fait que tu t'appuies sur une analyse de la Vacuité selon le raisonnement logique du Madhyamaka. Pour le Zen, ce mode de raisonnement est valide dans le contexte de l'interdépendance des phénomènes mais non valide pour la réalisation par l'expérience du Non-né (= Nirvana). Pire, il débouche sur une sorte de "Black Out" pris à tort pour la Vacuité et qui n'est rien d'autre qu'une quiétude samadhique que le Zen compare à une "caverne de démons".
Il y aurait beaucoup de chose à dire sur la vacuité, qui est ici hors sujet, et je me ferais un plaisir de débattre sur cette question une autre fois, afin de mieux faire connaître de quoi il s'agit selon ma tradition car je me rends compte qu'on en dit beaucoup de bêtises.
Enfin, les "prodiges" dont il est fait état dans l'approche que tu décris ne sont nullement assimilées, par le Zen, à des conditions ou des caractéristiques de l'Eveil Bouddhique mais des assimilations issues de religions monothéistes puisque l'Omniscience du Bouddha est comprise comme équivalente à celle d'un Dieu (au sens Hindouiste du terme) = "conscience universelle". Ces conjectures sont, de plus, indécidables en ce qu'elles ne peuvent pas être affirmées ni infirmées et relèvent donc essentiellement d'une croyance qui ne peut être vérifiée, contrairement à l'Eveil.
Je crois que nous avons tous compris que le Zen n'envisage pas tout cela, à tort ou à raison, inutile d'en faire des tartines, même moi je l'ai saisi, alors c'est dire ! :lol:
Il est inutile d'enfoncer des clous dans le vide. Ils ne tiennent pas.
Quant à moi, je ne trouve même pas de clou ! Il n'y a pas grand-chose dans ma boîte à outils d'arc-en-ciel...


Pour résumer, toutes les traditions bouddhistes ont un fond commun et ont souvent des vues différentes, ce qui apporte une grande liberté d'opinion et de choix quant à notre pratique. Ce qui compte c'est que celle-ci nous apporte succès, joie, sérénité et compréhension, sinon, c'est juste un joujou de plus, un joujou d'apparence spirituelle, mais le joujou de notre ego où se prendre pour Napoléon est passé de mode, maintenant l'ego se prend pour un Bouddha. C'est sans doute plus fashion. :lol:

Amitié FleurDeLotus
Dernière modification par Dharmadhatu le 07 mars 2012, 11:24, modifié 1 fois.
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Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
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Aldous

Dharmadhatu a écrit :
Antodume a écrit :Tu dis bien plus que ça puisque tu parles d'un éveil "au rabais". Affirmerais-tu que qu'un Samyaksam Bouddha tel que le définit l'UBE est un Bouddha "au rabais" ?
eveil_333 Attention: S'il s'agit uniquement du contexte mahayaniste indo-tibétain, c'est un Eveil au rabais, c'est appauvrir les vues mahayanistes indo-tibétaines, sinon, nous respectons les vues des autres, tant qu'ils s'en tiennent à exposer leur propre tradition.
Justement précisons-le bien alors: il ne s'agit pas du contexte mahayaniste indo-tibétain!

Je le rappelle: la définition ici donnée par l'UBE est la définition d'un Samyaksam Bouddha selon le bouddhisme originel (avant la constitution des deux branches hinayana et mahayana). Cette définition n'est pas un "Eveil au rabais", elle est autre tout simplement de celle que sera la définition du Mahayana!
Ce n'est donc pas appauvrir les vues mahayanistes indo-tibétaines, c'est juste une vue qui est autre, différente de celle du mahayana indo-tibétain (entre autres sur le point de comment un bodhisattva devient Bouddha (Samyaksam Bouddha précisément): seul ou par l'enseignement d'un autre).
antodume

Dharmadhatu a écrit :Pour résumer, toutes les traditions bouddhistes ont un fond commun et ont souvent des vues différentes, ce qui apporte une grande liberté d'opinion et de choix quant à notre pratique. Ce qui compte c'est que celle-ci nous apporte succès, joie, sérénité et compréhension, sinon, c'est juste un joujou de plus, un joujou d'apparence spirituelle, mais le joujou de notre ego où se prendre pour Napoléon est passé de mode, maintenant l'ego se prend pour un Bouddha. C'est sans doute plus fashion.
Le fond commun à toutes les traditions bouddhiques devrait reposer sur l'expérience/réalisation du Non-né et seulement sur cela. A partir de cette expérience, tout s'éclaire. Avant cette expérience, il n'y a que conjectures.

Cela étant, je ne pense pas que les discussions sur ce sujet soit un joujou de notre ego, ou encore que l'on se prendrait pour un Bouddha. Je ne crois pas que quiconque, ici, se prenne pour un Bouddha. Mais il importe de clarifier les choses quand il n'y a pas (selon toutes apparences) convergence de vues alors qu'à priori, toutes les écoles devraient se mettre d'accord au moins sur l'essentiel qui est la réalisation du Non-né et donc de la fin de la souffrance. Le reste, selon moi, n'est que spécificités locales, opinions, en fonctions d'influences extérieures (culturelles, philosophiques...) sans rapport direct avec l'Eveil.
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