Bouddhisme et combativité

[Jean]

A l'impossible, nul n'est tenu. Même Elvis Presley avait ses limites. Ne disait-il pas :

"You can do anything, but don't step on my blue suede shoes"

"Tu peux faire n'importe quoi, mais ne marche pas sur mes chaussures de bleu suédé"

http://www.youtube.com/watch?v=T1Ond-OwgU8

Même s'il avait pratiqué la méditation, au bout de combien d'années serait-il arrivé à garder sa sérénité si quelqu'un, d'aventure, avait marché sur ses chaussures de bleu suédé?

C'est une question qui me tracasse.

[ted]

Quand à la saine colère, si, ça existe.

Oui, j'en suis persuadé et selon moi elle a deux cas particuliers:
on l'exprime parce qu'on n'a pas de d'autre solution pour la gérer, la réfréner serait pire;
on la feint pour aider quelqu'un dans un contexte précis, comme les Bouddhas courroucés.

Bé voilà ! Quand je suis en colère, j'fais semblant ! (si, si)
(pourquoi personne ne me crois ? )

[Sourire]

Je ne pense pas que les Bouddhas courroucés feignent la colère.
Ils la contrôlent, c'est tout.
A quoi leur servirait de "faire semblant" ?

Evidemment, la logique peut être "ils sont inaccessibles à la colère, donc ils ne peuvent que faire semblant"
Mais leur nier la capacité à ressentir des émotions (négatives ou positives) c'est leur nier la possibilité de contrôler ces émotions
A partir de là... Faut-il penser qu'il ne leur reste de ces choses que, peut-être, le souvenir ?
Ce ne sont quand même pas des machines !

Quand à Elvis...
J'ai l'impression que ça peut se traduire par "me marche pas sur les arpions", cette jolie phrase...
Alors, oui, peut-être qu'un peu de méditation ?
Mais vas savoir jusqu'à quel point ça aurait permis qu'on lui écrase les chaussures ?

[Flocon]

Je suis toujours perplexe au sujet des Bouddhas courroucés. Est-ce qu'ils ne représentent pas les forces intérieures du pratiquant, forces qui détruisent l'erreur, l'attachement, la fausse saisie du soi, etc? Pour dire les choses concrètement : l''épée de Manjusri tranche les fausses conceptions de soi que l'on peut nourrir, OK, pas de problème : mais tranche-t-elle aussi la tête des gens qu'on n'aime pas?

Je n'ai pas l'impression que ces Bouddhas représentent de "vrais" humains courroucés, et qu'il soit utile de se projeter sur eux autrement que pour lutter contre ses propres facteurs perturbateurs. En tout cas, ça me paraît dangereux de le faire si c'est pour justifier ses pulsions de haine envers autrui (du genre "je peux maltraiter mon voisin qui m'énerve, crier sur mon ami, ou me venger de quelqu'un, parce que je suis un Bouddha courroucé et que ma haine envers autrui n'est qu'une apparence"). On doit faire de sacrés dégats, chez soi et chez les autres, avec ce genre d'idée.

Cela dit, personnellement je ne crois pas à la notion de "saine colère", en tout cas, pas au point de vue bouddhiste.

[Sourire]

J'aime bien Batou Kannon...
Kannon aussi, notez.

l''épée de Manjusri tranche les fausses conceptions de soi que l'on peut nourrir, OK, pas de problème : mais tranche-t-elle aussi la tête des gens qu'on n'aime pas?

C'est pas tout à fait la même chose, non ?

Je suis toujours perplexe au sujet des Bouddhas courroucés. Est-ce qu'ils ne représentent pas les forces intérieures du pratiquant, forces qui détruisent l'erreur, l'attachement, la fausse saisie du soi, etc?

Ca ressemble pas trop à couper la tête au gars qui vous a juste déplu...

[Flocon]

Non, justement : ça n'a rien à voir.
Mais j'ai parfois l'impression qu'il y a, chez certains pratiquants, comme une tentation de justifier leurs actes motivés par la colère, voire la haine, et donc négatifs au point de vue bouddhiste, par une identification intime aux Bouddhas courroucés. Bon, ce n'est qu'une remarque en passant et j'ai sans doute tort. Le tantrisme, ce n'est pas le domaine que je connais le mieux.

[Dharmadhatu]

Non, justement : ça n'a rien à voir.
Mais j'ai parfois l'impression qu'il y a, chez certains pratiquants, comme une tentation de justifier leurs actes motivés par la colère, voire la haine, et donc négatifs au point de vue bouddhiste, par une identification intime aux Bouddhas courroucés. Bon, ce n'est qu'une remarque en passant et j'ai sans doute tort. Le tantrisme, ce n'est pas le domaine que je connais le mieux.

Le Vajrayana implique en effet des connaissances solides, sinon on risque de méprendre sur nombre de points. La pratique des Bouddhas courroucés sert le but exclusif de détruire le véritable ennemi qu'est l'ego. Ca peut être l'ego des autres, mais surtout pour celui du pratiquant lui-même. Les Bouddhas courroucés ne doivent donc pas être prétextes à l'expression d'une colère mal gérée, mais la sublimation d'une affliction en sagesse primordiale.

Notons qu'on peut aussi trouver des bouddhistes non tantrikas qui justifieront autrement leur colère en la qualifiant de saine, pas besoin d'être vajrayaniste pour ça.

Amitié

[Flocon]

Ca peut être l'ego des autres

Tu en es certain?
Un pratiquant bouddhiste peut se mêler de détruire l'ego des autres? Honnêtement, ça fait peur.

[ted]

Ca peut être l'ego des autres

Tu en es certain?
Un pratiquant bouddhiste peut se mêler de détruire l'ego des autres? Honnêtement, ça fait peur.

Ya des éducateurs qui font ça très bien avec des gosses vraiment à problèmes. Et c'est plutôt une bonne chose, plutôt que des sanctions pénales improductives.
Alors "détruire" dans le sens de "faire prendre conscience à l'autre" des excès de son égo. Pourquoi pas ?

[Flocon]

Oui, je vois ce que tu veux dire : mais je ne suis pas certaine qu'il soit prôné, ni même supposé possible, dans le bouddhisme, de détruire les facteurs perturbateurs des autres, leur ego, ou leurs vues erronées, à leur place. On peut éventuellement créer des conditions qui leur permettront de le faire eux-même : c'est ce que font les éducateurs dont tu parles, je pense- mais davantage... Si je me trompe (comme c'est fort possible ), les textes à ce sujet m'intéresseront (merci d'avance ).