Pourquoi on s'embête avec le karma ?

antodume

Jules a écrit :Elle est nihiliste si elle n'est pas contrebalancée par sa simultanéité à X≠0 comme tu le dis, ce qui revient à dire que la vérité absolue et la vérité relative ne peuvent faire l'économie l'un de l'autre, ce qui revient me semble t'il à poser la question "Si tu enlèves l'un des deux pans d'un toit, comment veux-tu ne pas te prendre une poutre sur le crâne ?" :cool:
Il n'est pas nécessaire de parler de vérité absolue et de vérité relative dans la simultanéité X = 0 et X ≠ 0 car c'est la simultanéité qui est vraie et non X = 0 ou X ≠ 0 pris de façon indépendante (car ils sont des vues erronées, c'est à dire respectivement nihiliste et éternaliste). Mais si on tient à utiliser ce langage alors il faut dire que la simultanéité X = 0 et X ≠ 0 (tétralemme complet) est vérité absolue et X ≠ 0 (2 premiers lemmes) est la vérité relative. Mais dans le cas que tu soulèves, il était dit que X = 0 est la vérité absolue (ou vérité "ultime") et X ≠ 0 la vérité conventionnelle. C'est, en tout cas, ce que j'avais compris (et Aldous aussi manifestement) de ce qui ressortait de la présentation de Dharmadhatu. De mon point de vue, cette représentation est erronée et je pense avoir clairement démontré pourquoi (pour autant qu'on comprenne le symbolisme mathématique). J'ajoute que le fait de préciser que 0 = 0 ne rend pas la chose plus vraie car, ce qui est vrai - et que démontre le tétralemme - c'est que X = 0 et X ≠ 0 soit vrai simultanément. Cela est, de plus, en accord avec les 3 Corps du Bouddha dont X = 0 représentent le Dharmakaya et le Samboghakaya (la forme est le vide et le vide est la forme) et X ≠ 0 le Nirmanakya (ici le monde n'est pas un rêve mais un corps de métamorphose), c'est à dire le vide est le vide et la forme est la forme. Or, les trois corps sont vrais simultanément. Si on veut parler de toit, ce n'est donc pas d'un toit à deux pentes qu'il faut parler mais à trois pentes ([X ≠ 0 et X = O] et [X ≠ 0]). C'est important le nombre de dimensions... :cool: Dans le Zen on parle de "trois piliers" !

Edit : je ne referai pas le débat avec Dharmadhatu, qu'on se rassure :mrgreen:
antodume

Pour compléter le point au-dessus, je dirai que l'expression X ≠ 0 et X = 0 représente aussi le Samboghakaya et le Dharmakaya. En effet, le Samboghakya est le fait que tous les phénomènes X ≠ 0 ont la nature de Bouddha X = 0 (c'est ce qui en fait sa "splendeur"). Mais l'expression "tous le phénomènes" X ≠ 0 ont la nature de Bouddha X ≠ 0 et X = 0 est meilleure.
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Dharmadhatu
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ted a écrit :Récemment, quelqu'un m'a dit en face à peu près ceci :

"Si les résultats du karma ne concernent que la vie suivante,
et si dans cette vie suivante on est quelqu'un d'autre et qu'on a tout oublié de qui on était avant,
qu'est ce qu'on s'embête à surveiller nos actions ?
On n'est pas concerné, c'est l'autre qui sera concerné."

Je lui réponds quoi ? :shock:
(à part : va dans ta chambre !) :mrgreen:
:D Le Bouddha dit qu'un fruit karmique peut mûrir soit dans cette vie, soit dans la vie qui suit immédiatement, soit au cours de l'une des vies à venir. En fait, la personne de la vie suivante n'est ni tout à fait identique ni tout à fait différente; c'est ce Nagarjuna dit avec son tétralemme (il parle à la négative en sanskrit: na... na... na...) lorsqu'il emploie la logique de la conséquence à l'absurde ou parfois la triple logique du syllogisme autonome.

D'ailleurs une personne n'est non plus la même ni différente au cours d'une seule existence.

Mais cette personne tentera de favoriser des conditions positives pour la personne qui viendra ensuite (et qui n'est ni la même ni différente) si elle a un peu de compassion pour cette personne (que celle-ci participe d'un même continuum ou non... je veux dire, que ton interlocuteur accepte les renaissances ou non).

Et puis si nos esprit compliqués avancent des trucs trop complexes pour lui, tu disposes de cette excellente roue de secours en le priant d'aller dans sa chambre. :lol:

Amitié FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
yasmāt tasmād aśūnyo hi dharmaḥ kaścin na vidyate

Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
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jules
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Dharmadhatu a écrit :
Et puis si nos esprit compliqués avancent des trucs trop complexes pour lui, tu disposes de cette excellente roue de secours en le priant d'aller dans sa chambre. :lol:

Amitié FleurDeLotus
Aller dans sa chambre, c'est un peu le troisième pilier du zen Butterfly_tenryu
antodume

Jules a écrit :Aller dans sa chambre, c'est un peu le troisième pilier du zen Butterfly_tenryu
:neutral: Je n'ai pas été très clair, c'est ça ? :???: Disons alors que la version : réaliser que la nature éveillée de X ≠ 0 est X = 0 est un point de vue hinayaniste alors que la version : réaliser que la nature éveillée de X ≠ 0 est X = 0 et X ≠ 0 est une vue mahayaniste en ce qu'elle reconnait que la nature des phénomènes et la nature de la vacuité sont un seule et même nature et donc s'éveiller à l'une revient à s'éveiller à l'autre. Dit autrement, nirvana et samsara sont un mais tant que cette unicité n'est pas reconnue, ils sont deux. Je préfère, quant à moi avancer cela positivement plutôt que négativement en disant que le nirvana et samsara ne sont ni un, ni deux. Car dans l'ignorance, ils sont bien deux et, dans l'éveil, ils sont bien indistincts.
lausm

ted a écrit :Récemment, quelqu'un m'a dit en face à peu près ceci :

"Si les résultats du karma ne concernent que la vie suivante,
et si dans cette vie suivante on est quelqu'un d'autre et qu'on a tout oublié de qui on était avant,
qu'est ce qu'on s'embête à surveiller nos actions ?
On n'est pas concerné, c'est l'autre qui sera concerné."

Je lui réponds quoi ? :shock:
(à part : va dans ta chambre !) :mrgreen:
Tu peux lui répondre que dans la vie prochaine, il aura tout oublié de qui il était maintenant.
Par contre les conséquences qu'il se prendra dans la tronche, il les sentira autant que si c'était lui maintenant qui les prenait en pleine poire.

C'et un peu comme quand on veut dire que le nucléaire, c'est sans aucun problème, après Fukushima, où d'ailleurs douze tonnes d'eau bien radioactive a fui hier dans la mer, et un petit incendie à la centrale de Penly en France (et tout ce dont on ne cause pas!)....parce que dans cinquante ans on sera mort.
Sauf que si on renaît dans un bled de la côte est du Japon qui s'appelle Sendai, peut-être qu'on ne se rappellera plus la connerie de sa vie antérieure, mais on en paiera bien le prix du manque de conscience!!

Ce qui veut dire que faire les choses bien et pas que pour soi, c'est quand même mieux que n'en avoir rien à foutre des conséquences de ses actes. Même si le résultat n'est pas visible dans l'immédiat. Même si tous les retours qu'on en a sont négatifs.
Parce que le bouddha expliquait qu'on pouvait très bien faire des actions vertueuses, mais malgré tout recevoir les fruits d'un mauvais karma passé.
antodume

S'il ne croit pas aux renaissances, tu peux lui poser le problème en ces termes :

Dès lors qu'on a une vie (celle-là) rien n'empêche d'en avoir plusieurs. La seule contrainte est que :
1) on ne peut pas avoir deux fois (ou plus) la même vie (principe de l'unicité karmique)
2) il ne peut y avoir deux vies ou plusieurs dans une seule (principe d'exclusion).

La renaissance, au sens karmique du terme, implique donc que nos vies sont multiples et que chaque vie est unique. Dès lors qu'on admet ce principe (et il n'existe aucune preuve que ce principe ne puisse exister dès lors que la preuve existe qu'on a au moins une vie), on doit admettre, par la même occasion, que l'on peut renaître dans une vie meilleure ou pire ou du même niveau de "confort". On a donc tout intérêt, dans cette vie là, de faire en sorte que l'on ait le maximum de chance de renaître dans une vie meilleure. Or, pour augmenter cette chance, il faut préparer le terrain des vies futures (car on n'a pas qu'une seule renaissance mais plusieurs, sauf si on est un Bouddha, mais c'est rarissime), ce qui nous rend responsable, karmiquement et individuellement, de l'état du monde. Si on construit un monde pollué et corrompu, on ne doit pas s'étonner de renaître dans une vie pas très chouette. Sans compter que ceci s'applique non seulement aux hommes mais aussi aux animaux... car rien n'empêche que dans ces vies multiples, il n'y ait pas de naissances multiples animales.

Reste alors à établir ce qui peut faire que les vies futures soient meilleures. Ceci nous oblige à nous interroger sur ce qui est bien et sur ce qui est mal ou, si on veut, à la souffrance et à son extinction. Ceci nous renvoie donc naturellement aux quatre nobles vérités.

Tu peux aussi dire à ton gamin que l'état actuel de son propre esprit conditionne son état futur, que ce soit dans cette vie ou dans les autres. Un esprit rempli de haine produit les graines de la violence. Un esprit rempli de bonté produit les graines de la paix.
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jules
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antodume a écrit :
Jules a écrit :Aller dans sa chambre, c'est un peu le troisième pilier du zen Butterfly_tenryu
:neutral: Je n'ai pas été très clair, c'est ça ? :???: Disons alors que la version : réaliser que la nature éveillée de X ≠ 0 est X = 0 est un point de vue hinayaniste alors que la version : réaliser que la nature éveillée de X ≠ 0 est X = 0 et X ≠ 0 est une vue mahayaniste en ce qu'elle reconnait que la nature des phénomènes et la nature de la vacuité sont un seule et même nature et donc s'éveiller à l'une revient à s'éveiller à l'autre. Dit autrement, nirvana et samsara sont un mais tant que cette unicité n'est pas reconnue, ils sont deux. Je préfère, quant à moi avancer cela positivement plutôt que négativement en disant que le nirvana et samsara ne sont ni un, ni deux. Car dans l'ignorance, ils sont bien deux et, dans l'éveil, ils sont bien indistincts.
Merci pour tes explications antodume, je n’ai pas tout compris, mais c’est aussi due au fait que dans mon étude du bouddhisme, je ne me suis pas trop penché sur certains concepts que tu emploies, comme les trois corps etc… par exemple. De toutes façons, je ne suis pas véritablement ce qu’on appelle un érudit si cela était nécessaire que je le précise.
Quoi qu’il en soit quand tu dis que samsara et nirvana ne sont ni un ni deux, ça je le pige parfaitement bien. Cette formulation pour moi est de l’ordre de la négation non affirmative dont parlait Dharmadhatu et qui est le propre de l'expression de l'absence d’identification à une vue quelle qu’elle soit. Pourtant, dans cette optique là, dans celle qui consiste à montrer son détâchement à toute forme de vue, nous pourrons exprimer l'obsolescence de l'idée que samsara et nirvana ne sont ni un ni deux, en exprimant l'idée qu'ils ne sont ni ni un, ni ni deux, nouvelle vue qui sera à son tour rendue obsolète par celui dont le tranchant de la lame sera suffisemment affûté, ou par simplement ce que Chakyam appelle je crois "le temps qu'il y'a" jap_8
antodume

Jules a écrit :Quoi qu’il en soit quand tu dis que samsara et nirvana ne sont ni un ni deux, ça je le pige parfaitement bien. Cette formulation pour moi est de l’ordre de la négation non affirmative dont parlait Dharmadhatu et qui est le propre de l'expression de l'absence d’identification à une vue quelle qu’elle soit.
En réalité, je ne m'inscris pas dans la vue de la "négation non affirmative". Je préfère, ainsi que je l'ai dit, formuler les choses (y compris le tétralemme) positivement. C'est vrai que l'exprimer négativement laisse ouvert le champ de l'interprétation (ce que tu appelles "absence d'identification"), mais l'expérience zen (je ne m'en tiendrai qu'à cette expérience là) est affirmative. Ainsi, la vacuité est affirmative dans le Zen en ce sens que c'est une expérience de quelque chose qui est (vacuité) et non qui n'est pas (vacuité de la vacuité). Alors, je vois venir gros comme un camion l'objection qui pourrait être celle-ci : une vacuité qui est (positive) est une vacuité réifiée. Mais ce genre d'argument ne peut se tenir qu'intellectuellement (et encore, même pas, comme je le démontre plus bas)*. Il ne tient pas sur le plan de l'expérience : une vacuité qui ne se réalise pas n'est pas une réalisation de la vacuité. C'est aussi simple que cela. .

* -(-X) = +X (avec X ≥ 0 car X ne peut pas être, en tant que phénomène, négatif), ce qui montre que l'on débouche intellectuellement sur une vacuité positive, quelle que soit la valeur de X (y compris nulle). Pour expliquer le symbolisme mathématique (désolé) : -(-X), je dirai que 1) l'on vide X de ce qu'il est => -X, et 2) on vide cette vacuité : => -(-X). Cette expression est évidemment égale à +X (donc positif)
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Dharmadhatu
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Jules a écrit :Quoi qu’il en soit quand tu dis que samsara et nirvana ne sont ni un ni deux, ça je le pige parfaitement bien. Cette formulation pour moi est de l’ordre de la négation non affirmative dont parlait Dharmadhatu et qui est le propre de l'expression de l'absence d’identification à une vue quelle qu’elle soit.
:D Il est important de distinguer la claire lumière objectale (la vacuité au sens de la nature ontologique de toute chose) et la claire lumière sujet (la conscience qui réalise la vacuité).

La première est bien une négation non-affirmative et la seconde est une négation affirmative. Lorsque la personne réalise directement la vacuité (perception yogique), il s'agit forcément de l'union des deux (le shentong blanc, l'union de la vacuité de soi et de la vacuité d'altérité).

Dans notre tradition, samsara et nirvana ne sont pas différents au sens de la vérité ultime (où il n'y a ni identité ni altérité) et ils sont différents au sens conventionnel.

Amitié FleurDeLotus
apratītya samutpanno dharmaḥ kaścin na vidyate /
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Puisqu'il n'est rien qui ne soit dépendant,
Il n'est rien qui ne soit vide.

Ārya Nāgārjuna (Madhyamakaśhāstra; XXIV, 19).
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